Partie sans titre 18

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Sur le trajet du retour l'ambiance fut mitigée dans la voiture des Branques. Eux avaient cru, ou pour le moins espéré que le Pape leur fournirait une autre affaire « clefs en mains », détaillée comme celle de la bijouterie. Illusion propre à vous créer des régiments de neurasthéniques. Nini jugeait cette soirée sous un angle tout à fait différent.

- Ne pas lui faire perdre ouvertement la face, il en a de bien bonnes ! S'exclama Désiré. Comment on peut se venger du Pacha sans qu'il perde la face ?

- Ben !... En n'signant point, pardi, s'esclaffa Pierrot qui conduisait.

Un argument qui plongea Kiki dans un abîme de réflexion.

- En tout cas sa mousmé, putain l'engin ! En plus, elle en pète pas une ! Dit Djé.

- Si elle a profité de la longueur du trajet pour éponger tout son retard d'affection, p't être qu'elle n'osait pas en roter une non plus, se gaussa Kiki.

- Oh ! Ca suffit votre trivialité, s'insurgea Nini. Vous êtes lourds, à la fin.

- Ecoutez-là, sœur Marie-Josèphe de l'Immaculée contraception ! Rien qu'avec les yeux c'est elle qui l'a déshydraté, oui ! Il n'aurait pas picolé autant, sûr que ce soir il éjaculait en poudre ! S'insurgea Désiré.

D'abord incrédule, surprise par l'acrimonie du ton, Nini l'avait contemplé bouche bée. Puis un sourire d'intense satisfaction lui illumina le visage. Elle prit la tête de Désiré entre ses mains.

- Il est jaloux, mon bel étalon noir.

- J'suis pas jaloux ! Se défendit le Martiniqueur avec une mauvaise foi époustouflante.

- C'est adorable, poursuivit Nini. Je t'adore ! C'est trop mignon.

Ce ne fut qu'une fois arrivés dans la villa que Nini consentit à ouvrir l'enveloppe. Elle le fit sur la table de SA salle à manger, les quatre Branques penchés par-dessus ses épaules comme des réverbères.

Des photographies, une carte routière, des plans de ville, de sections cadastrales, des croquis, des indications de dates et d'horaires lapidaires mais précises.

- Ahhhhhhh ! Mais il est secoué, le Pape ! S'exclama Kiki dans un râle... v'là qu'il veut nous faire taper un fourgon, maintenant ! Il est fou !

- Te m'as bin fait braquer eine bijouterie et eine banque, ti !... Et pou presque pas un rond, in pus ! Le railla Pierrot, pas fâché de tenir une petite vengeance sur son mauvais génie. (Tu m'as bien fait braquer une bijouterie et une banque, toi. Et pour presque pas un rond en plus !)

Kiki se rendit jusqu'au canapé en chancelant et s'y avachit, jambes et bras écartés, regard perdu dans l'étendue du plafond. Ses visions maritimes lui offrirent le tableau d'un ketch sombrant au beau milieu d'un océan.

- « Depuis que les Chinois ont inventé la poudre le mythe de David contre Goliath est dépassé. Mais pour s'imposer face au monde des surarmés, il restera toujours des bluffeurs et les émules de Machiavel », récita Nini à la lecture d'une feuille dactylographiée. Il est génial, votre ami... Aïe !

Elle se massa le fessier endolori tout en tournant vers Désiré un regard faussement outragé.

- Eh ! Tarzan. Si toi sado, Jeanne pas maso ! Alors si tu ne veux pas que le prochain inventaire de tes bijoux de famille soit pour toi une cause de suicide, ne recommence plus jamais çà !

La note humoristique du propos n'en réduisait en rien la menace sous jacente. Désiré bouda.

- Tant qu'à faire, il aurait pu en glisser une louche dans l'enveloppe de son génie, allégua Djé. Ca aurait pu nous être utile !

- Tssss !... Si au moins vous m'aviez laissé poursuivre, reprocha Nini en agitant la feuille dactylographiée.

- Ben vas-y, l'encouragea Pierrot.

« Maintenant queles Branques ont trouvé un cerveau, les clefs du paradis leur sont offertes.Une fois les billets pris, les passeports suivront. Faites vous tirer latronche en format 4x4, en couleur et en quatre exemplaires 9>

Les Ch'tis braqueursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant