Partie sans titre 20

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L'œil fureteur, le doigt caressant, Pierrot parcourait les rayons du sous-sol en s'extasiant de l'incroyable accumulation de machine outils appartenant à divers corps de métier. Du combiné à bois « cinq opérations » au tour à métaux miniature, en passant par les colonnes de perçage et fraisage qui jouxtaient un établi de sculpteur sur pierre, lui-même flanqué d'un tour de potier, on eut aisément pu croire Stéphanie en passe de reconversion dans l'enseignement professionnel.

A sa table de travail, le front ceint d'un serre-tête combinant la loupe binoculaire avec un éclairage puissant, Nini maniait le fer à souder d'une main experte. Elle accouplait le cerveau commande d'un modèle réduit téléguidé à l'antenne radio électrique, les mains gantées de latex. A proximité se trouvait l'attaché-case rigide dont les quatre angles de la même face s'étaient enrichis de ventouses.

- Cha va, ti ? S'informa Pierrot, toujours un peu intimidé par leur hôtesse.

- Au poil, mon petit père ! Encore quelques soudures et c'est terminé. Les autres ne sont pas encore revenus ?

- Ben non. Douai ché pas non pu ch'porte d'à côté. (Douai n'est pas non plus la porte à côté.)

- Quand même ! A trois pour aller acheter un lapin et y passer plus d'une demi-journée ! Il m'avait semblé entendre la voiture, tout à l'heure.

- Ah non ! Cha, ch'démi-journée, j'pinse qué ché putôt pour s'ingueuler tranquilles ! Ché pour cha qu'y m'ont pas pris avec eusses. (Ca, la demi-journée, je pense que c'était plutôt pour s'engueuler tranquillement. C'est pour ça qu'ils ne m'ont pas emmené avec eux.)

Nini resta un moment le fer à souder en l'air, perplexe, puis le moral reprit le dessus. Elle se remit au travail avec le sourire.

- C'est vrai. C'est une éventualité à laquelle je n'avais pas songé. En fait, vous passez l'essentiel de votre temps à vous engueuler, pas vrai ?

- Vrai. Mais eusses, pas mi. Mais si y'en a un qui s'in va, tout l'monde y'est malade. Si y'en a in qui prin fro, tout les aut' y sont inrhumés... Là, y dotent é s'régaler. (Vrai. Mais eux, pas moi. Mais s'il y'en a un qui s'éloigne, tous les autres sont malades. Qu'il y en ait un qui prend froid et tout le monde s'enrhume... Là, ils doivent se régaler).

En fait, Pierrot avait beau connaître ses complices par cœur, sur ce coup-là il avait misé à côté de la plaque. Il méritait quand même un joker. A de tels sommets d'étourderie, prévenir tous les aléas relève de la mission impossible.

La première expédition dès potron-minet s'était déroulée comme sur des roulettes. A l'adresse douaisienne indiquée par Pierrot ils dénichèrent l'animal convoité ; une copie conforme de Pan-Pan. Coup de chance, il n'en restait que deux dans la cage. Le trio joyeux était presque arrivés à l'église de la Croisette, à quelques minutes de chez Nini, quand Djé prit d'une inspiration subite brandit l'animal par les pattes arrière pour lui explorer le bas ventre.

- Comment on voit si c'est un mâle ou une femelle ?

La main droite de Désiré quitta le volant pour venir lui frapper le front. L'insistance du Pape sur les « petits détails qui tuent » virait chez eux à l'obsession.

- Putain ! Manquait plus que çà. On y retourne. On va demander un de chaque.

- On pourrait aller jusqu'à la villa demander à Nini. Peut-être qu'elle le sait, elle ? Hasarda Djé.

- C'est ça. Et comme çà elle nous prendra pour des abrutis. Et si elle a un doute elle voudra savoir ce qu'on va faire du second, persifla Désiré en amorçant un demi-tour.

Les Ch'tis braqueursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant