Le Pape et Jeannot se virent une nouvelle fois honorés de multiples « visites de courtoisie » de la part de la P.J. La plupart agrémentées de promesses de représailles féroces lors de leur prochaine comparution en cour d'assises s'ils n'avouaient pas l'implication des complices dont ils étaient fiers de leur présenter les photos et le pédigrée. Les vieux chevaux de retour amusés refusèrent de reconnaître quoi que ce fût en arguant de leur « intégrité » de voyou. Bien moins par esprit bravache que par volonté de laisser leurs investigations s'enliser sur des pistes fantaisistes.
Certes, la P.J disposait d'une brochette de candidats plus crédibles. Mais les quatre crétins arrêtés dans le cadre de la dernière affaire ne leur facilitaient pas la tâche. Eblouis par les feux de la gloire et les marques de déférence, ils se pavanaient en cour de promenade en jouant les mystérieux, réfutant à peine tous les braquages non résolus qu'on leur présentait comme étant leurs œuvres. La théorie voulant que l'erreur judiciaire découle souvent de l'empressement des enquêteurs à clore rapidement leurs dossiers pour échapper à la pression de la hiérarchie, est fantaisiste. Si dossiers « fabriqués » il y a pour neutraliser un délinquant particulièrement turbulent, ce ne peut qu'être qu'avec l'accord tacite de la magistrature. En règle générale, les inspecteurs font montre d'une grande conscience. En dépit des empreintes relevées dans le véhicule formellement identifié par des témoins dignes de foi, malgré les billets trouvés sur les suspects dont les numéros de série correspondaient à des liasses subtilisées, en dépit de la douille fraîchement tirée et des traces de poudre relevées sur l'index qu'un comique avait plongé dans l'étui juste pour s'enivrer de l'odeur de cordite, les inspecteurs avaient acquis la conviction qu'ils ne tenaient pas les bons auteurs du braquage. Enfin, des braquages ! Car il était évident qu'un lien solide unissait celui de la bijouterie et celui de la banque.
Les liasses bien rangées couvraient une bonne moitié de la table de la salle à manger de Nini en un épais tapis. En l'absence de la maîtresse de maison appelée par ses occupations professionnelles, les quatre holdeupeurs amateurs miraient leur fortune avec admiration mais aussi beaucoup de vague à l'âme. Dans ses rêveries nautiques, Kiki voyait poindre un superbe trois mâts toutes voiles gonflées par les alizés.
- T'as raison, Djé ! Même au super marché on aurait dû se méfier. S'il y a des billets avec les numéros relevés, on va droit dans le mur, soupira-t-il.
- Au super marché, j'cros pas, le rassura Pierrot. Commin veux-tu qu'in faisant les caisses au soir on sache qui a donné un billet putôt qu'un aut' ? ( Au super-marché, je ne crois pas. Comment veux-tu qu'en effectuant les caisses le soir on sache qui a donné un billet plutôt qu'un autre ?)
- Pour échapper à ce souci, moi je connais un endroit radical pour laver le fric.
Trois paires d'yeux convergèrent vers Désiré, porteuses de diverses nuances étagées de la méfiance à l'incrédulité, mais toutes empreintes de curiosité.
- Pas avec un baril d'OMO, ducon ! Lança-t-il à Kiki avec suffisance... Près de chez moi, il y a les Bahamas... Anguilla... Saint Martin... En gros ; des bleds où l'argent ne possède aucune odeur. On appelle çà des paradis fiscaux.
- Ouais ! Et avec quoi on se paye les billets d'avion ?... Et comment on fait passer le fric aux aéroports ? Interrogea Djé.
La morosité menaça de nouveau le climat de la pièce. Le superbe trois mâts de Kiki appareillait à nouveau, le laissant déconfit sur le quai. Chacun se mit à gamberger ferme dans son coin, une bouteille à portée de main. En fin d'après midi, le baromètre du moral remonta avec l'arrivée de la maîtresse de maison.
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Les Ch'tis braqueurs
ActionQuatre amis bien installés dans la communauté voient leur vie bousculée par une accusation abusive de viol. Un crime qui leur vaut d'office un ticket gagnant pour la prison. Un séjour derrière les barreaux qui va sacrément modifier leur vision de...