Partie sans titre 21

1 0 0
                                    


La réussite d'une grosse expédition réprouvée par la morale, et sévèrement réprimée par la loi le cas échéant, repose pour l'essentiel sur le degré de minutie apporté à sa préparation. De ce principe, nos Branques étaient désormais totalement imprégnés, archi convaincus. C'est pourquoi ils se mirent sur le champ en chasse des véhicules nécessaires à l'expédition, en binômes. Désiré fut content que le sort l'ait relié à Pierrot. Tortures cérébrales et longues recherches étaient absentes du programme. Ils connaissaient avec certitude l'endroit où se fournir en camions. Par contre, l'équipe Kiki-Djé branchée sur la quête de véhicules légers se décarcassa réellement. Et même au-delà !

- Eh ! Vise un peu l'Audi avec la mousmée au volant. Sûr qu'elle va s'arrêter au tabac, dit Kiki en se rangeant le long du trottoir.

La conductrice en maraude cherchait en effet une place de stationnement à proximité de l'enseigne bicolore typique aux débits de tabac qui marquait l'angle de deux rues. A défaut de place, la dame sans gêne s'épargna les manœuvres complexes pour engager son carrosse « made in Germany » dernier cri sur l'angle du trottoir, en diagonale du carrefour. Persuadée n'en avoir que pour quelques secondes elle laissa le moteur tourner.

Djé s'éjecta de la B.M.W, fruit d'un « emprunt » tout récent, et remonta la rue en s'offrant un tour d'horizon panoramique. Se faire repérer est toujours source d'angoisse chez le mal intentionné. Mais il ne débusqua aucun mateur désœuvré, nul désœuvré à l'affut de quelques tableaux croquignolets.

Djé reçut un coup au cœur en voyant la silhouette sensuelle se découper à contre-jour dans sa robe arachnéenne. Dès que l'officine eut absorbé la brune sylphide à la démarche aérienne, il allongea le pas.

La surprenante chaleur du cuir qui lui gagna les reins au contact du siège lui fit monter à la gorge une gêne indéfinissable. Il se reprit avec peine. L'heure n'était pas au batifolage. La conductrice étant plus petite que lui, un réglage s'avéra nécessaire après libération du frein à main. Courte marche arrière, contrôle aux rétros d'ailes, et fouette cocher. Un simple coup d'accélérateur avala les cent mètres qui le séparaient du feu rouge le temps d'un éternuement.

Kiki se lança dans le sillage de l'Audi. Sûr qu'avec un destrier pareil les soucis en cas de poursuite se trouveraient limités à la portion congrue. Mais le Manouche s'alarma soudain en voyant la berline grise louvoyer sur le boulevard. Plus encore quand le bras affolé de Djé jaillit par la vitre baissée pour l'inviter à se garer fissa. La trouille lui mordit le ventre. Un piège ?

Djé s'extasiait encore de l'équipement pléthorique du tableau de bord quand la sonnerie échappé de la console centrale le fit sursauter. Le téléphone incorporé au décor avait échappé à son attention. Il l'épia avec méfiance, puis se dit qu'il ne risquait pas grand-chose à décrocher. Surtout si l'appel émanait de la magnifique propriétaire.

- Oui ? Fit-il.

- Monsieur ! Monsieur ! Je vous en supplie ! Pas mon bébé, s'il vous plait !... Prenez la voiture, je vous la donne... Mais je vous en supplie, pas mon bébé ! Hurlait une voix de femme affolée.

Le cuir chevelu et la commissure des lèvres brutalement tirés vers la nuque, Djé hasarda un regard vers la banquette arrière. Dans sa confortable nacelle sanglée par la ceinture de sécurité, un poupon souriait dans son sommeil. Djé se sentit submergé par la même vague de détresse ressentie lorsqu'il avait percuté l'autre couffin, devant la banque.

- J'arrive à la rue Jean Sans Peur, dit-il. Je me garerai à la première place libre. Vous trouverez la clef posée au dessus de la roue arrière gauche... Je... Je suis désolé.

Les Ch'tis braqueursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant