Partie sans titre 11

1 0 0
                                    


Quand nos quatre apprentis gangsters estimèrent leur accoutrement conforme à l'univers dans lequel évoluait un Pacha toujours tiré à quatre épingles, on les aurait tout bonnement crus échappés du tournage d'un remake de « Borsalino». Pour avoir ratés des cibles aussi voyantes, il faut croire que tous les policiers de la métropole Lilloise se trouvaient réquisitionnés pour une visite présidentielle, lorsqu'elles se pointèrent ainsi grimées en ville.

Le coefficient intellectuel du videur du Stardust avoisinait celui d'un oursin prématuré. Il faillit truffer de plombs ceux qu'il prit pour des émissaires la mafia New-Yorkaise. Deux jours de suite que le Pacha dût batailler pour le guérir de cette méprise traumatisante. Dur, dur de faire entendre à cet attardé du bulbe qu'il avait dû être victime d'une prise de coke frelatée.

Seul Pierrot avait échappé au travestissement. Encore ne dût-il cet avantage qu'à l'absence sur le marché du prêt à porter d'affutiaux carnavalesques à sa taille. En punition de son obésité, ses trois affidés l'avaient relégué au rang de conducteur. Un éloignement loin d'être accueilli comme une mesure vexatoire par l'ancien routier. Ses mains agrippées au volant tremblaient tellement que les essieux du 4x4 à l'arrêt en couinaient.

Les doigts crispés sur la crosse de son arquebuse de poche de calibre 44 magnum, le gorille du Stardust driva les trois visiteurs jusqu'à un salon privé tendu de ce velours rouge sang si cher au cœur des décorateurs des bordels d'antan. Kiki lui rendait ses regards de défi, mais une seule olive coincée entre ses fesses aurait pu assurer le marquage de son périple d'un trait continu.

Assis face à la porte, le Pacha quitta un instant des yeux le duo de quémandeurs assis face à son bureau pour dévisager les nouveaux arrivants. Dire qu'il fut surpris serait abusif, mais une ride perplexe vînt lui barrer le front.

- Ben ! Ce restera quand même non ! Conclut le vieux rastaquouère à l'adresse des deux solliciteurs.

Les deux hommes dans la trentaine se levèrent en silence. Ils se concertèrent du regard, puis tournèrent le dos au propriétaire des lieux. Ce fut en suivant des yeux leur retraite piteuse que les trois Branques découvrirent le monumentale garde du corps planté dans leur dos. Les plis de l'épais rideau qui tombait du plafond au sol, de part et d'autre de la porte, dissimulait sa présence aux visiteurs.

L'échange visuel entre le truand blanchi sous le harnais et les apprentis malfrats dura un long moment. Celui de Djé passait sans cesse des deux sièges capitonnés aux prunelles éteintes du Pacha. Ce dernier se bascula enfin à l'arrière pour prendre appui contre le dossier de son fauteuil. D'un signe de main, il invita le gorille à amener une chaise supplémentaire à l'intention des visiteurs. Commandement exécuté avec un empressement militaire.

- Alors ! Qu'est-ce qui vous ramène ici ? Ironisa le propriétaire des lieux au terme d'un examen détaillé de leur accoutrement.

Méfiant, Kiki préféra favoriser le geste à la parole. Il fit tomber d'une secousse la sangle de la pochette de coupe masculine qu'il portait à l'épaule puis balança cette dernière sur la table. Le choc sourd sur le panneau de bois massif accentua la ride au front du Pacha. Le vieux forban se garda de tout geste susceptible de trahir son intérêt. Un nouveau signe de l'index ébranla la colossale silhouette du gorille qui vint manœuvrer la fermeture « ZIP » du baise-en-ville. L'homme répandit le contenu sur le bois exotique aux teintes rougeoyantes. La cascade de bijoux anima un tic à la commissure des lèvres du Pacha. Il était suffisamment affranchi en matière de joncaille pour repérer le toc au premier coup de chasse. Là, ça n'en était pas. Il en était certain. De la toute belle came au contraire.

- Hum ! Fit-il, faussement indifférent. Vous voulez quoi ?

- Un fourgue, dit Djé.

Les Ch'tis braqueursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant