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Des bribes de conversations m'interpelle,  je me retourne dans le lit, enveloppée de ma couverture pour observer Keryan, discutant avec la femme aux fils d'or. Ils ont l'air d'entretenir une grande conversation. Mon cœur se serre lorsque la créature pose sa main sur celle du jeune homme aux cheveux d'argents.

Je me redresse, un peu troublée de la situation. La femme m'a vu et retire aussitôt sa main de celle de Keryan. Celui-ci se retourne pour me regarder. Il passe une main dans ses cheveux avant de se lever.

— Je peux savoir ce que vous vous disiez ?

— Elle me racontait seulement un peu sa vie.

— Et on peut savoir son nom, puisque vous faites connaissance ? Je demande d'une pointe de haine.

— Elle n'a pas de nom.

— Vraiment ?

Je me lève, en me dirigeant vers le lit de la femme qui s'est recroquevillé sur elle-même. J'ai même un instant cru qu'elle me craignait, j'avais haussé les sourcils, surprise de son comportement.

— Très bien, alors nous allons t'en trouver un.

— Ce n'est pas nécessaire...

— Aelah, conclu Keryan en observant la jeune femme qui venait de lever son visage vers lui.

— Quoi ?

— Ce sera ton nom.

— Aelah...je trouve ça si joli...merci Keryan.

L'entendre dire son nom me donne des frissons dans tout mon corps. Je me sens incroyablement étrange, quelque chose en elle m'intrigue mais je ne serais dire quoi. Je prends ma cape de fourrure blanche avant de la placer sur mes épaules, Isil vient se frotter contre mes jambes lorsque je pars de la chambre.

— Blaze, où vas-tu ?      

— Je... je vais voir Serys, finis-je par dire en disparaissant de la pièce sans lui laissant le temps de répondre.

En allant dans la chambre de Serys, je me met à me demander qu'elle était maintenant ma relation avec Keryan ? Avons-nous un avenir en commun ? Il était évident que je ressentais quelque chose de fort pour cet elfe mais je n'arrivais pas à complètement me laisser aller dans cette nouvelle relation, quelque chose m'en empêcher, où peut-être quelqu'un.

La porte de sa chambre était fermée à clé, elle devait sûrement dormir. Je décide donc de sortir prendre un peu l'air. L'extérieur était tout enneigé, des enfants jouaient à se lancer des boules-de-neige. J'avais levé une main lorsqu'une éclate à mes côtés. En poursuivant mon chemin je remarque que le village est étrangement calme. Nous sommes pourtant dans la matinée.

Une fumée s'extirpe de ma bouche à chaque expiration, il fait un froid glacial. Mes longs cheveux noirs s'ondulent par cette humidité, et trainent sur mon buste. Je met une capuche lorsque la neige commence à dégringoler du ciel hivernal.

Nous sommes dans une nouvelle année, et je n'arrive pas encore à me faire à l'idée que cela faisait plus d'un mois que nous étions partis de la cité elfique. Ma mère me manquait, beaucoup trop. Isil et moi avions emprunté un petit sentier, continuant notre promenade.

Une soudaine sensation que j'étais observé me fais stopper le pas. Les deux mains sur ma capuche, j'observe discrètement les alentours, rien. Isil n'a pas l'air d'avoir remarqué quoi que ce soit. Je me fais sûrement des idées. Je continue ma marche pendant une bonne heure, peut-être plus, je me suis arrêté, boire une boisson chaude avec une paysanne qui me l'avait gentiment proposé. Nous avions parlé un long moment, je n'avais pas vu le temps passé. Après un grand sourire, je tournais des talons pour retourner à l'auberge.

A l'entrée je remarque Serys qui s'apprête à sortir. Elle s'emmitoufle dans sa cape rouge, et parraît aussitôt surprise de me voir, regardant un instant le haut de l'auberge, elle fronce les sourcils, me mettant mal à l'aise.

— Tu n'es pas avec la succube et Keryan ?

— Non, cela fait plus de deux heures je dirais que je suis partie dehors.

— Autant de temps ?

— Pourquoi cela Serys ?

L'attitude de la femme me fait une sorte de décharge dans tout le corps. Je décide de ne pas entendre la suite et de rapidement monter à l'étage. La main sur la poignée de la porte, mon cœur accélère fortement, et mon estomac se serre, j'avais un très mauvais pressentiment.

Lorsque j'enclenche la poignée et que la porte s'ouvre, je reste de marbre face à la scène qui se déroule sous mes yeux. Complètement tétanisée, il m'a fallu plusieurs secondes pour remarquer mes larmes chaudes dégringoler sur mes joues. L'homme que je pensais aimer, était nu contre le corps entièrement dénudé de la créature qui dormait sur son buste. Seul un drap caché leur intimité, déjà bien trop dévoilée.

Je comprends aussitôt qu'ils viennent d'avoir une relation charnelle, juste derrière mon dos. L'emprise de Serys me fait reprendre mes esprits, elle paraît à la fois choquée mais en même temps pas réellement surprise de la situation. Je pars rapidement de la pièce ne réalisant pas ce qu'il vient de se passer.

Dévalant les escaliers, les larmes dégringolant mon visage, j'espérais que tout ceci ne soit qu'un cauchemar et qu'en réalité il ne s'était pas passé cette situation. Mais la froideur de cet hiver m'avait prouvé que j'étais réellement éveillée.

J'avais couru à travers le village, le plus vite que je le pouvais, à en perdre haleine. Mon cœur allait à tout moment exploser, tellement j'avais mal. Cette trahison était la pire que je n'ai jamais connue. Les images d'Ellior obscurcirent mon esprit, moi qui venais de réussir à faire ma vie de côté. Comment ai-je pu être si stupide encore une fois ?

Je me rends enfin compte que je viens de sortir du village, je m'arrête essayant de reprendre mon souffle. Mes jambes se dérobent me faisant tomber au sol, mon visage au contact de la neige, me calme un peu. Pourquoi je devais subir cela alors que je viens de me dévoiler à lui ?

Son visage apparaît, ses cheveux d'argents, son sourire, son toucher. Tout, absolument tout faisait surface comme une déflagration explosant tout sur son passage. Je ramène mes jambes contre moi, avant de pleurer de toutes les larmes que je pouvais relâcher. Je renifle négligemment avant de me redresser.

D'une main, je secoue la neige qui était à présent sur mes cheveux sombres. Des craquements de branches, tendent mes muscles. Cette fois-ci Isil vient d'hérisser tout son poil, avant de grogner férocement. Je lève le visage, cherchant l'inconnu, mais je ne vois rien, enfin pas tout à fait.

Au loin une silhouette vêtue de noire s'approche doucement. En plissant des yeux je constate qu'il s'agissait d'une personne capuchonnée. Je me relève difficilement, avant de continuer mon observation. Deux points lumineux rouges tétanisent les membres de mon corps.

La silhouette s'avançant de plus près, je pouvais dire que ces deux points, étaient ses yeux. Je comprends rapidement la situation, et fait apparaître mon sceptre. Mais la silhouette le fait aussitôt voltiger, me désarmant. Maintenant à quelques centimètres de moi, et en enlevant sa capuche, je vois un homme devant moi, les yeux aussi rouges que le sang, un vampire.

Isil se met devant moi prêt à sévir s'il le fallait, mais le vampire lève l'une de ses mains vers mon familier et d'un coup celui-ci tombe au sol. Je recule d'un pas, puis d'un autre, jusqu'à ce que l'homme disparaisse de sous mes yeux. En reculant encore d'un pas je sens que je butte contre quelque chose, ou plutôt quelqu'un.

Nul besoin de dire, que le vampire s'attaque aussitôt à ma jugulaire me faisant pousser un long hurlement de douleur. Ses canines plantées profondément dans ma peau me fait pousser encore des cris, j'avais mal, terriblement mal. Il continue plus violemment son action, mettant l'une ses mains si froides contre mon cou pour mieux me maintenir. J'essaye tant bien que mal de me débattre mais à quoi bon. Il est beaucoup plus fort, et plus rapide que moi. Je n'ai aucune chance. Peu à peu je sens mes paupières se fermer, mon sang se glace, tandis que je ne sens plus mes jambes. Le vampire continue de me prélever de mon sang, et moi je me sens défaillir, ne supportant plus mon poids, mes jambes cèdent une nouvelle fois. Était-ce la fin ? Je me laisse emporter dans ce trou noir, si froid.


Les Chroniques de l'EnchanteresseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant