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En ouvrant les yeux je me rends compte avec surprise que je suis en réalité dans les bras d'Ellior qui lui observe Keryan d'un regard noir. Je dégluti difficilement alors que la situation semble m'échapper. Par réflexe et certainement pour éviter tout dérapage j'empoigne les bras d'Ellior. Je ne voulais pas empirer davantage cette situation, c'est d'ailleurs ironique de voir cette scène alors qu'à mon départ de Nirmuth cela avait été complètement l'inverse. Les choses changent mais pas forcément de la façon que l'on souhaite.

— Arrêtez s'il vous plaît, cela ne mène à rien de s'énerver.

— Blaze je ne laisserais jamais quelqu'un te faire du mal tu m'entends ?

Ellior avait dit cela en enveloppant mon visage pour me regarder sous tous les angles. Son regard émeraude m'apaise rapidement alors qu'il essuie d'un geste tendre les larmes restantes aux creux de mes yeux. Nous nous regardons ainsi un long moment avant qu'un rire cynique ne brise notre lien dans un élan amer et rempli de rancoeur.

— C'est assez drôle de vous entendre dire cela, alors que vous êtes le premier à lui en avoir fait.

D'un geste presque instinctif Ellior sort son épée pour la pointer en direction de Keryan. L'elfe aux cheveux d'argent s'approche d'un pas ne se souciant aucunement de larme devant lui. Il fini par poser ses yeux fermement sur moi. Je sens mon coeur entreprendre un long marathon dans ma cage thoracique, alors que nos regards se scindent.

— Blaze n'a plus besoin de moi à présent.

— Ne parle pas à ma place Keryan, j'ai...

— Non, peut importe ce que tu pourras dire, ma décision est prise.

— Pourquoi ? Pourquoi tout d'un coup ?

Ma voix trahie ma déception et ma colère, mes doigts se serrent et mes jambes se déplacent pour que je sois juste devant lui. J'oscille entre ses lèvres et ses yeux, pourquoi faisait-il ça ? Pourquoi maintenant ? Avec douceur je lui empoigne la main ce qui lui fait lever les yeux vers moi.

— Je ne veux pas me faire à l'idée que je t'ai perdue Blaze.

Mes sourcils se froncent ne comprenant pas ce qu'il sous-entendait derrière sa réflexion. Comment ça perdue ? Pourquoi disait-il ça ? Je serre un peu plus sa main dans l'espoir qu'il m'en dévoile plus mais j'ai l'impression de faire face à un mur, inaccessible et froid. Il fini par écarter ma main et s'éloigne de moi au même moment que le capitaine arrive sur le pont. Il ne semble pas réellement surprit par cette scène se contentant de donner l'ordre de remonter une chaloupe.

— Keryan s'il te plaît tu dois partir avec nous...

Je m'avance une nouvelle fois vers lui et pose mes mains contre son dos, il ne bouge pas et reste parfaitement immobile. J'empoigne sa chemise en lin et pose ma tête, sentant son odeur et profitant de cette proximité.

— Ellior veillez sur elle.

— Inutile de me dire cela.

— Keryan je t'en supplie reste ! J'hurle contre lui.

— Je suis désolé Blaze... que cela se finisse ainsi.

Sa phrase fait ricocher dans mon esprit alors que je sens mon corps s'alourdir tout d'un coup. J'ai dû mal à percevoir ce qu'il se passe, bien que je peux encore entendre de l'agitation tout autour de nous avant que mon esprit se laisse complètement porter par les ténèbres. De légers mouvements berce mon corps alors que celui-ci s'éveille en douceur. Au-dessus de moi un voile d'un bleu époustouflant pur et sans nuage. J'ignorais ce qu'il avait pu se passer mais là, j'étais terriblement bien, je me sentais légère et j'avais cette sensation de voler dans ce ciel avant que mes désillusions ne reprennent le dessus sur la réalité dans lequel je reprenais peu à peu place. Mon corps se redresse d'une traite pour observer ce qui m'entoure, seul Valdir et Ellior sont là, deux rames en mains en nous amenant à ma fameuse destination initiale.

— Maudit capitaine.

— Blaze... il a fait ça pour vous, Keryan a prit...

— Je le sais.

Oui Keryan avait prit sa décision de me laisser, de m'abandonner à cette quête qui nous était destiné. Je soupire en regardant l'horizon, le coeur lourd et empli d'une douleur amer qui ne semble pas vouloir partir. L'île que nous apercevons devant nous est en réalité très grande, bien plus que je l'imaginais, mes yeux s'écarquillent d'ailleurs en voyant un gigantesque cristal en son centre. Je n'avais jamais rien vu de tel, il devait être aussi grand que les montagnes de Nirmuth. Dans la barque poussée par les vagues, nous nous approchons suffisamment prêt de l'île pour pouvoir accoster. Mes pieds rencontrent pour la toute première fois le sable. J'en avais déjà vu dans les livres de mère, lorsqu'elle racontait son voyage dans le continent du sud à Anthéon, cette sensation de marcher sur ces épais grains de sables me décroche rapidement un sourire. Je me retourne une dernière fois, je voyais désormais à peine les voiles blanches du bateau de Rumdel, il était donc vraiment partit.

— Cela fait si longtemps que je n'étais pas revenu.

Je me retourne vers Valdir qui semble plus qu'apprécier d'être de nouveau chez lui. En le voyant faire j'en viens à me demander si mon retour à Nirmuth me procurera autant de satisfaction qu'à lui. Ellior guette prudemment les alentours alors que nous nous avancions dans une sorte de forêt, mais les arbres étaient différents du continent d'Emerys, puis ici il le climat était si lourd. Je retrousse les manches de mon chemisier blanc et attache ma longue chevelure noire en une haute-queue-de-cheval avant de m'aventurer avec curiosité à travers ses grands arbres aux longues feuilles tombantes. Nous sommes surpris de voir de nombreux cristaux sur notre chemin, à vrai dire plus nous nous avancions et plus l'ensemble de notre environnement était figé dans ces cristaux. Je comprenais désormais pourquoi cette île avait la dénomination de l'île aux joyaux. Puis ce que nous avait dit Valdir à l'auberge me fait subitement froncer les sourcils, c'est ma mère qui avait cristallisé cette île, à cause d'une bête.

— Blaze ?

— Qu'allons-nous faire si nous venons à tomber sur la créature qui protège l'île ?

— Ne vous en faites pas dame Blaze, elle est emprisonnée, tenez juste là-bas.

Je suis la désignation du petit homme qui mène à l'immense cristal que j'avais vu sur la barque. Cela semblait être d'ici l'épicentre du sort de ma mère. Mais au vue du résultat j'en reste sans voix, l'enchantement devait être très puissant, qu'est-ce qu'elle voulait préserver ? Ou alors de protéger l'île de ce monstre ?

— Dépêchons-nous il va bientôt faire nuit.

— Et alors ? Que se passe-t-il lorsqu'il fait nuit ?

Le nain s'immobilise aussitôt en nous regardant un à un. Je déglutis rien qu'en regardant son visage méfiant qui ne signalait rien de bon. De toutes évidences, je ne comptais pas m'éterniser dans ces bois. Nous avançons à grandes enjambées, la lumière du coucher du soleil n'éclairait bientôt plus les lieux nous faisant presser le pas. Les cristaux de cette forêt scintillent d'une étrange lueur lorsque le ciel s'assombri, une sorte de bioluminescence. Je touche de mes mains l'un des cristal que je caresse brièvement, toute la forêt finie par s'illuminer dans un résultat des plus magnifiques. Tout brillait autour de nous de diverses couleurs suivant la teinte des cristaux. J'élargir un sourire en m'arrêtant pour observer plus attentivement ce spectacle de lumière lorsqu'un long hurlement me parcours l'échine. De toute ma vie je ne crois pas avoir entendu un cris aussi terrifiant que celui-ci. Je me recule et attrape d'instinct la main d'Ellior qui se place devant moi par réflexe.

— Valdir c'était quoi ce bruit ?

— La bête...

— Quoi ? Mais tu nous a dit qu'elle était enfermée ?

— Ba tout compte fait je crois bien qu'elle a fini par s'échapper, suivez-moi et vite.

Je ne réfléchis pas bien longtemps avant de partir en courant sous les pas rapides de Valdir qui traverse la forêt en un éclair. Autour de nous plusieurs cris se font entendre, puis en levant la tête je vois dans les arbres des ombres sauter d'une telle rapidité que je stoppe le pas.

— C'est quoi dans ces arbres ? Je demande en plissant les yeux pour mieux y voir lorsqu'un scintillement s'approche rapidement de mon visage.

Mon corps l'évite in extremis en se retrouvant plaqué au sol par Ellior qui me recouvre de son corps, a côté de nous je vois une lance, parfaitement taillée. Les cris autour de nous ressemblaient plus à des hurlements de bêtes sauvages, mélangés à des rires cyniques. Je me relève avec l'aide d'Ellior lorsque nous voyons Valdir nous désigner un tronc d'arbre de sa main, qu'est-ce-qu'ils voulaient qu'on fasse ?

— Entrez vite ?!

Quoi ? Mais il n'y a rien à part un arbre ? Qu'est-ce qu'il raconte ? Nous nous jetons un regard alors que les lances s'encastrent peu à peu autour de nous. En regardant à nouveau l'arbre, je fronce les sourcils en voyant que Valdir n'était plus là. Il y était il y a tout juste un instant.

— Ne restons pas là !

Je me sens immédiatement entrainé sous la poigne d'Ellior qui se précipite vers l'arbre désigné par le nain.

— Attends Ellior on sait pas ce qu'il y a !

— On a pas vraiment le choix au cas où tu n'aurais pas remarqué ?

Je n'eu le temps d'en ajouter plus que d'instinct je place une main devant moi et ferme les yeux à l'approche du tronc de l'arbre redoutant de ce qu'il pouvait y avoir derrière celui-ci. Je pousse un long hurlement lorsque je sens mon corps dégringoler dans le vide. 

Les Chroniques de l'EnchanteresseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant