Feelings

Chapitre 15

Jamais je n'aurais pu imaginer qu'à seulement 40 minutes de chez moi, sur la côte du lac Des Trembles, que la forêt cache un château d'une telle ampleur. Accessible par une allée pavée de presque​ un kilomètre complet et bordée​ d'arbres mûres​ de part en part de la route, il devient impossible pour un non-initié de le trouver par simple hasard. Il faut absolument être dans le secret des dieux comme, ont dit.

Chaque fois que je tourne la tête vers Dan et que je vois sa tête de con avec son noeud papillon dans le cou, sa chemise bien serrée​ jusqu'en haut et ses boutons de manchettes aux​ poignets, je pouffe de rire comme une gamine. Si les rôles étaient inversés​ je serais agacée​ par son comportement, mais lui il trouve ça drôle. Je pense qu'il a du mal à y croire lui-même ou à s'y habituer parce qu'il tire s'en cesse sur le bord de ses manches depuis qu'il a laissé les clés de sa voiture au valet du stationnement.

Le parterre de ciment devant la structure de pierre du château est tout simplement immense et recouvert d'un tapis rouge qui la recouvre et parcours les marches jusqu'à l'entrée. La grosse porte en bois de quatre mètres​ de hauteur et deux mètres de large est ouverte et deux valets se tiennent de chaque côtés.

Danny me tend un bras et je le prends par le coude comme dans un vieux film d'époque. Je retiens mon rire en retournant la tête vers lui, mais mon sourire est éloquent. Sa réponse est un petit clin d'œil brillant au moment où il pose le pied sur la première marche d'une rangée de douze. Je soulève l'excédent de tissu de ma robe pour éviter de me prendre les pieds dedans et je monte en suivant le pas de Dan. Nos deux corps sous les lampadaires créé une ombre derrière nous.

Quand ont​ passe enfin la porte sous l'œil attentif des deux valets complètement figé en piquets bien droit, j'ai encore plus le goût de rire. Une chaleur envelloppante et une musique classique nous accueille à l'intérieur du grand hall. Juste devant nous, une vielle dame s'extasit devant le lustre gigantesque en pièces de verre juste au dessus de nos deux têtes, alors que son mari la tire par un bras pour la presser.

Les valets-statues, cette drôle de vielle dame, ça fait partie des petites choses qui me donne le goût de rire et qui contribuent​ à l'énormité de mon sourire.

Danny passe son bras sur ma taille et se penche dans mon oreille.

-T'ammener ici... C'est la meilleure idée d'ma vie. Chuchote-t'il avec une voix rieuse.

Mon amusement, l'amuse et c'est d'autant plus amusant.

Il me tient par la taille maintenant et me conduit dans le large couloir au mur briquelé de grosse pierres saillantes et arrondies.

Le couloir débouche sur une immense salle de réception avec un plafond haut en forme de dôme garnis de six lustres identiques​ à celui du hall d'entrée, mais chacun deux fois sa grandeur. Une vingtaine de tables avec trois couches de nappe différentes sur chacunes​ et une multitude de couverts dorés sont disposés dans la pièce de façon à  dégager l'espace devant une grande scène tout au fond.

De toute​ ma vie je n'ai vu une telle splendeur. Autant le plafond en dôme au fini texturé dans des teintes de marine et d'or que les murs​ de pierres​ aux coins drapés​ de haut en bas d'un épais velour couleur bleues nuit. Les luminaires imposants​, éclairent​ le plafond et sa couleur se reflète sur les pièces de verres des lustres, envelloppant la pièce d'un million de petits rayons bleues.

Sans m'en rendre compte j'ai arrêté de marcher et je me tiens debout devant l'ouverture de la pièce.

Dan tire sur ma taille et je me retourne vers lui avec mon air incrédule, mes yeux ronds et ma bouche ouverte. J'ai presque peur d'entrée dans la pièce et de gâcher le portrait parfait avec mon côté incontrôlablement excessif et débordant. Je suis sûre d'avoir l'air vulgaire ici. C'est trop pour la petite fille sans grande éducation que je suis.