18.1 : L'Affront

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De colère, Clara jeta le pendentif par terre.

— C’est pas vrai !

Après un regard mauvais au ciel qui se dégageait, elle répara la fenêtre brisée, toujours éparpillée à travers la pièce.

N’avait-il donc pas songé que Jérôme aussi pourrait le tuer ? Qu’il pourrait l’utiliser pour l’atteindre, elle, ainsi que toutes les personnes qu’elle protégeait au bar ? Pragmatique, l’Ange renforça les sorts censés préserver le bâtiment de toute incursion. L’intervention du Fossoyeur quelques dizaines de minutes plus tôt avait démontré à Clara son inefficacité actuelle. Associer Samuel au sortilège permettrait peut-être de le renforcer ; elle devait l’interroger à ce sujet.

Elle frappa le bureau du poing.

— Mais… Quel idiot ! s’écria-t-elle.

Rageuse et abasourdie par le comportement dangereux de Nicolas, elle commença à parcourir la pièce de long en large. L’Ange la poussait à ne pas se laisser envahir par sa colère : certes, elle était justifiée, toutefois elle devait rester plus prudente que jamais et palier tous les dangers potentiels.

Le tempérament sanguin de la sorcière en décida autrement. Oui, Nicolas était fort, mais elle ne parierait pas en sa faveur. Bouillonnante de rage, elle s’approcha du bureau, relut le papier, plaqua sa main sur la feuille, la chiffonna et la fourra dans sa poche. Elle ne pouvait pas l’abandonner à Jérôme, moins encore attendre son retour.

Elle n’y croyait pas.

— C’est pas vrai…

Elle savait qu’elle devrait passer à l’action d’un moment à l’autre… mais ne supportait pas qu’on lui forçât la main. Pourtant, si elle ne voulait pas assister une seconde fois à la mort de Nicolas, quel autre choix avait-elle ?

« Est-il utile d’attendre encore ? demanda l’Ange.

— Je ne suis pas prête !

— Le seras-tu bientôt ? Plus tu attends, plus Jérôme détruit et tue. Plus Nicolas risque de disparaître pour de bon. »

Clara se serait bien gardée de cette pression supplémentaire… mais une fois n’est pas coutume, l’Ange marquait un point. Elle glissa les doigts dans ses cheveux et les y contracta de nervosité. Qu’apprendrait-elle de plus en quelques heures ? Personne ne savait comment vaincre les Fossoyeurs, sans quoi ils n’existeraient plus ou auraient déjà trouvé un foyer de résistance. Soutenue par l’Ange, elle sortit du bureau comme une furie et se rendit dans la salle où tous patientaient. La menace qui pesait sur leurs têtes avait rendu l’atmosphère lourde, orageuse, prête à craquer. Les discussions s’étaient raréfiées, et il planait une telle tension qu’elle se trouva presque écrasée sous son poids.

Patricia enrageait de ne pas pouvoir quitter le bar ; Éric s’énervait à cause d’elle tout en y mêlant son inquiétude habituelle ; ses parents, côte à côte devant une tasse à café vide, tentaient de faire bonne figure mais l’angoisse de sa mère transparaissait, même sans empathie. Une main sur son épaule, son père tentait de la rassurer, sans grande conviction. Boris, s’acharnait sur un vieux poste radio dans l’espoir de trouver une fréquence active. Ne pas savoir ce qui se passait dehors, en plus des dernières révélations sur la nature de Clara, l’avaient bouleversé ; il espérait occuper son esprit à une activité plus terre-à-terre. À côté de lui, Gilles paraissait confiant et l’épaulait de son mieux. Tatiana, à l’écart, observait la scène avec de grands yeux curieux, confiante elle aussi mais touchée par l’ambiance moribonde de ses compagnons de mauvaise fortune. Samuel paraissait plus curieux qu’inquiet, quant à Jennifer, elle s’interrogeait visiblement sur l’endroit où elle se trouvait et l’identité des personnes présentes. De toute évidence, elle souffrait du même mal que la journaliste et réfrénait autant que possible sa mauvaise humeur à rester coincer à l’intérieur.

Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant