Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)

5.1 : Nicolas

Il fronça les sourcils et la dévisagea en retour.

Elle refusait d'y croire. Toute sa logique, toute sa raison l'empêchaient d'accepter cette réalité. Comment un homme qu'elle avait elle-même tué plus de trois ans auparavant pouvait encore se tenir devant elle ? Mais ces yeux noirs, ces pommettes saillantes, ce nez légèrement busqué, ces cheveux noirs mi-longs... ils ne pouvaient que lui appartenir.

Le cœur de Clara, qui avait comme cessé de battre, se remit à tambouriner. Le souffle court, elle posa sur sa joue une main tremblante, désireuse de s'assurer qu'il n'était pas une simple illusion, sur le point de se dissiper au prochain contact. Tous ses membres se paralysèrent lorsqu'il referma les doigts sur son poignet et l'éloigna en douceur, sans pour autant le lâcher. Il paraissait intrigué.

— Clara...

Sa voix.

Sa voix.

Elle porta une main à sa bouche, les yeux emplis de larmes. Elle aurait voulu dire ou faire quelque chose, mais son corps semblait coulé dans du béton.

Nicolas se tenait face à elle, vivant.

Vivant ?

Elle glissa sa main hors de la sienne en réalisant qu'elle ne ressentait pas sa présence. Non, vivant, il ne l'était pas à proprement parler. Cela expliquait sans doute pourquoi il résistait si bien aux bousculades, ou pourquoi son rempart magique n'avait rien absorbé de leur impact : Nicolas était devenu un Fossoyeur.

Elle voulut articuler son nom, mais sa gorge nouée refusa de laisser s'échapper le moindre son.

— Clara... c'est toi ?

L'Ange la sortit de sa stupeur et raviva son corps engourdi. L'alerte résonnait dans son esprit : qu'il s'agît de Nicolas ou d'un autre, un bon Fossoyeur était un Fossoyeur loin d'elle. Elle devait fuir et ne surtout pas lui laisser l'occasion de la blesser, voire de la tuer...

... et le serra aussitôt dans ses bras. Depuis plusieurs mois, elle ne pouvait plus se fier à rien. Toutes ses certitudes, tout son confort, toute sa tranquillité d'esprit avaient disparu. Nicolas avait été la seule personne à pouvoir lui fournir un peu de sérénité, et elle refusait de l'envisager autrement.

— Comment... comment...

L'Ange ravala ses mises en gardes lorsque les bras de Nicolas se refermèrent sur elle en une étreinte affectueuse et nullement menaçante. Si ses sens de sorcière ne reconnaissaient pas l'être qui la retenait contre lui, Clara retrouvait physiquement une place qu'elle regrettait depuis trop longtemps. Elle se rappelait si bien ce jour fatidique, le pouvoir du Démon qui l'avait contrainte à enfoncer la lame dans son cœur, le moment où sa vraie personnalité avait repris le dessus pour découvrir l'horrible réalité, le carnage, ce gâchis de vies...

Pouvait-elle enfin se permettre d'oublier l'instant où elle lui avait volé sa vie ? Lui offrait-on une seconde chance ?

Un sourire de bien-être effleura ses lèvres. Nicolas était son roc, son point d'ancrage, une personne auprès de laquelle elle se sentait en paix. Le monde pouvait s'écrouler, il avait sur elle un effet apaisant que seul l'Ange était parvenu à égaler. En dépit des années écoulées, ses sentiments n'avaient pas changé. Le pendentif avait même ravivé la flamme éteinte par son amnésie. Qu'il faisait bon être dans ses bras...

— Ne restons pas ici, déclara-t-il en la repoussant à bout de bras. Il y a trop de monde.

Il glissa sa main sous son visage et le releva tendrement.