2.2 - Les Liens du Sang

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— C'est moi ! cria une voix d'homme.

Surprises, elles se redressèrent aussitôt. D'un même mouvement, elles essuyèrent chacune leurs joues humides et se tournèrent vers la porte qui communiquait avec l'entrée.

— Désolé, je suis pas en avance, cria le nouveau venu. Mais tu as vu cette averse ? Un soleil magnifique toute la journée ; il suffit que je mette le pied dehors et bam !

Clara entendit un bruit de vêtement froissé. Son cœur battait de plus en plus vite.

— Ah, grommela-t-il, je suis trempé.

Elle connaissait cette voix. Ses soupçons se confirmèrent quand elle vit Éric surgir dans la pièce, des mèches trempées collées sur son front. Estomaquée, elle le contempla bouche bée.

— C... Chloé ? Qu'est-ce que tu fiches ici ?

Tous s'observèrent avec stupéfaction.

— Comment tu es venue ici ?

— Éric ? murmura-t-elle d'une voix éraillée.

De tous les hommes de la ville, il avait fallu qu'Éric fût... son frère ?

— Vous vous connaissez ? demanda Michèle.

— Je ne peux pas le croire, murmura Clara.

À la manière de sa mère, Éric fronçait déjà les sourcils à son intention.

— Éric... c'est Clara, dit-elle alors.

Son regard d'aigle se tourna vers celle qu'il voyait toujours comme Chloé. Il s'approcha.

— C'est quoi cette histoire ?

— Je... je suis Clara.

— Tu ne peux pas être Clara.

— Et qu'est-ce qui m'en empêche ?

Il leva un doigt accusateur dans sa direction.

— Clara est morte ! gronda-t-il. Tu ne peux pas être elle !

Michèle détourna les yeux, encore incapable de l'expliquer.

— D'ailleurs, comment as-tu eu connaissance de son existence ?

Leur mère sursauta devant la violence de son intonation ; Clara, elle, réprima un frisson. Malgré le temps qu'ils avaient passé ensemble au bar, jamais elle ne l'avait vu en colère. Elle l'avait vu défiant, insistant, amusé, lassé, épuisé... mais jamais dans un tel état. En ravivant un passé que tous auraient préféré oublier, elle avait non seulement touché, mais tiré sans ménagement une corde sensible. Tous avaient dû souffrir de sa disparition. Elle l'avait deviné avant même de mettre le pied dans cette maison. Revenir en clamant être la petite fille disparue dix-sept ans plus tôt ne pouvait se passer sans heurts.

Michèle se leva, posa une main apaisante sur son bras, qu'il baissa aussitôt. Sa fureur se calma instantanément.

— Je t'en prie Éric. Regarde ses yeux... regarde-les... ils ne m'ont pas trompée...

— Maman, elle n'est pas la seule personne à avoir les yeux verts...

— Mais ces yeux verts-là, tout le monde ne les a pas.

— Maman... je...

— Elle se rappelle...

— Tu lui as tout dit, encore !

— Je n'ai rien dit, espèce d'imbécile ! C'est Clara ! Je suis encore en mesure de reconnaître ma propre fille... Et tu devrais pouvoir reconnaître ta sœur !

Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant