7.2 La Voyageuse

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Mécontent d'avoir été ignoré, l'Ange grommelait au fond de son esprit, peu enjoué à l'idée de confier à un Fossoyeur la sécurité de Boris, Gilles et Éric, en plus de la sienne. Le tout mêlé à son insupportable empathie, Clara se sentait trop mal pour réussir à fermer l'œil.

Installée sur le canapé du bureau, elle s'efforçait de vider son esprit. Même le plafond, malgré son manque d'intérêt, retenait toute son attention et lui maintenait ses yeux grand ouverts. Quand elle s'arracha à son spectacle et se tourna sur le côté, une petite tête blonde surgit devant elle. La fillette qu'elle avait déjà vue plusieurs fois était de nouveau là.

Saisie, Clara se figea. Puis elle se redressa et s'assit sur le canapé. La fillette fit un pas dans sa direction. Ses lèvres s'ouvraient et se fermaient mais, si elle semblait bien parler, aucun son n'en sortait. Clara s'apprêtait à lui poser la question quand quelques coups heurtèrent la porte. Elle détourna les yeux, mais réalisa trop tard que regarder ailleurs impliquait la disparition de la fillette.

Elle souffla de dépit puis, agacée, cria au visiteur d'entrer. Nicolas se tenait sur le seuil, légèrement voûté, comme à son habitude. Si grand que constamment, il devait se pencher pour franchir les portes ou simplement regarder son interlocuteur dans les yeux.

— Je t'ai réveillée ?

— Non... pas vraiment.

— Tu as pu dormir un peu ?

Elle haussa une épaule. L'horloge indiquait huit heures, mais elle ne pensait pas avoir dormi plus d'une heure depuis leur dernière conversation.

— Je vois bien que non, murmura-t-il en refermant la porte derrière lui.

— C'est difficile de trouver le sommeil vu les circonstances...

— C'est compréhensible. Mais si tu continues comme ça, tu vas tomber au moment où ce sera le pire.

Son visage avait toujours affiché une expression indéchiffrable, concentrée, tendue. Sa haute taille et ce visage, combinés à sa large carrure, impressionnaient dès le premier regard. Clara, elle, l'admirait.

— Gilles et Boris ? demanda-t-elle.

— Boris s'est assoupi sur une banquette. Et Gilles bricole quelque chose derrière le bar. Je crois qu'il essaie de réparer le poste de radio.

Elle sourit.

— Il me regarde toujours étrangement. Il me met mal à l'aise.

— Tu l'intrigues. Et l'inquiètes.

— Vu la réputation que j'ai désormais... je ne peux pas l'en blâmer.

Elle plissa les yeux, posa la main à côté d'elle.

— Viens t'asseoir.

— Tu devrais essayer de te rendormir...

— Nous savons tous les deux que je ne dormirai pas.

De la pièce voisine parvenaient les ronflements sonores d'Éric. Bienheureux, il dormait toujours à poings fermés. Le sommeil avait au moins l'avantage d'anesthésier les sentiments des gens et donc d'atténuer son empathie.

— Quel boucan, murmura-t-elle en souriant.

Après une seconde d'hésitation, il s'assit à côté d'elle et passa un bras sur ses épaules, par simple habitude.

— Pardon, se reprit-il presque aussitôt. Ça te gêne ?

Elle retint sa main avant qu'il ne la retirât.

Les Fossoyeurs (L'Hybride, livre 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant