Chapitre 2

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Cette femme est morte sous les yeux d'une quarantaine de personnes incrédules.

Une main puissante me saisit le bras, m'arrachant un cri de douleur.

- Tu ne bouges pas sans mon consentement, princesse, grogne la voix du jeune garçon.

Je me retourne et tente de tenir son regard, sans grand succès. Il s'esclaffe alors.

Nous passons une bonne vingtaine de minutes en mer. Par précaution, les hommes nous ont bandé les yeux car « Personne ne doit savoir où nous sommes », ce sont les paroles de William. Ce sont les vingt minutes les plus lentes de ma vie. Pour tenir l'équilibre, le garçon, dont j'apprends finalement le nom, serre ses bras sur mon buste. Il s'appelle Chris, Chris Schistad. Est-ce son vrai nom ? Ça m'étonnerait, sans doute une couverture. Je ne doute cependant pas de l'authenticité de son prénom car William l'a appelé ainsi. Ces vingt minutes se terminent atrocement : ça tangue beaucoup, on reçoit de l'eau un peu partout et je manque de glisser lorsque Chris relâche sa prise. À chaque fois que je le sens desserrer sa prise, je m'accroche désespérément à ses bras assez musclés, ce qui a le don de le faire rire aux éclats. Sa voix est plutôt grave mais agréable à écouter. En tout cas, plus agréable à écouter que les vociférations des autres hommes contre les femmes à leurs côtés. Certaines sont passées par dessus bord, dans des eaux tumultueuses. Personne n'ignore ce qu'elles vont devenir : des appâts. Je pensais dès lors que les hommes retrouvés seuls se jetteraient sur celles déjà prises, mais non. Il semble régner un profond respect au niveau du droit de propriété. C'est comme si la femme accompagnant chaque homme était un trophée, un objet.

- Terre en vue ! s'exclame un des hommes à William

Une forte secousse précède l'arrêt du bateau et je suis retenue par les mains de Chris sur mes hanches. Une fois équilibrée, je tente de retirer vivement ses mains mais tout ce que j'obtiens c'est une violente tape sur mon bras. J'imagine déjà la marque rouge se former sur ce dernier.

- N'essaie même pas, chérie, me murmure Chris

Les hommes évacuent le bateau et Chris retire mon bandeau. C'est un port, tout ce qu'il y a de plus normal. Il y a deux jet ski et un autre bateau comme le notre. Il me porte comme une princesse jusqu'au quai, mon nez est juste à côté de son cou et je perçois une odeur d'eau de Cologne. Ma robe me colle à la peau et mes cheveux tombent mollement sur mes épaules. J'ai perdu mes chaussures dans l'eau et me trouve pieds nus sur de l'herbe. Ces détails ne manquent pas à Chris qui relève mes cheveux et les essore. Pardon ? Alors que je vois les femmes se faire pousser pour avancer plus vite, je me fais sagement recoiffer ? Ce type me perturbe... Devant nous, une fille s'est écroulée, ses vêtements lui collent à la peau et elle semble à bout de forces. Je m'avance pour l'aider mais Chris presse ma taille et je me cambre en avant sous la douleur.

- Laisse-la, c'est à son homme de s'en occuper.

Son homme ? Woh woh... Dans quel lieu avons-nous atterri ? Nous marchons quelques kilomètres à pieds : 2 ou 3 ? Nous entrons dans un village avant que l'on ferme d'épaisses grilles derrière nous. Et là, j'entre dans un nouvel univers : il y a de petites cabanes en bois un peu partout. Mais surtout, des hommes dénudés qui se donnent avec entrain à leur masturbation en public. Certaines femmes sont nues, traînées au sol et violées. Ce qui me frappe le plus c'est que personne ne réagit, comme si c'était normal. Mais bordel, c'est loin d'être normal ! Il n'y a rien de normal ici ! Les femmes sont kidnappées et utilisées jusqu'à plus soif ! Voyant mon regard trop insistant, un des hommes qui s'occupait de sa femme relève la tête dans ma direction. Il la rabaisse aussitôt lorsque Chris passe ses mains dans mon décolleté.

La claque est partie, trop vite, trop spontanée. À peine est-elle partie que je la regrette aussitôt. Chris se masse la joue où une marque rouge naît. Son regard s'assombrit, il souffle puis me soulève d'un seul coup et me porte comme un sac à patate et me colle une fessée. Sérieusement, une fessée ? La douleur irradie ma fesse et je retiens un cri.

- Bien, sois sage maintenant, Eve

Il connaît mon prénom, qu'est-ce qu'il sait d'autre sur moi ? Face à mon regard interloqué, il rit et sourit de toutes ces dents. S'il y a bien une chose chez ce dégénéré que je ne peux pas ignorer, c'est sa beauté. Il est grand, assez musclé, puissant, sa voix est délicieuse et son regard fou pourrait faire craquer tout un campus. Est-ce que lui aussi avait une vie similaire à la mienne ? Il a l'air tellement serein dans cet endroit.

Chris me repose à terre, sans interrompre ma contemplation. Je ne remarque même pas son regard interrogateur. Si je suis censée rester à ses côtés un certain temps, j'aimerais au moins savoir à qui j'ai à faire. Son nez se fronce avec ses sourcils et sa bouche forme un sourire moqueur. Moqueur mais étrangement gentil. J'ai l'impression d'être ce bébé qui découvre sa mère pour la première fois. Chris a bien deux tête de plus que moi, un corps assez musclé. Il porte un débardeur blanc et un jean noir troué sur les genoux. Ça moule parfaitement sa corpulence. À côté de lui, je me sens minable, vêtue de ma pauvre robe mouillée. Mais peu importe, le plus important est de savoir ce que je vais devenir...

Chris roucoule et pendant notre temps d'arrêt, il passe ses bras autour de ma taille pour me coller à son torse. Je ne dis rien, la douleur de tout à l'heure est suffisamment présente pour me dissuader. De plus, d'autres femmes ont tenté d'échapper à la prise de leur compagnon et les conséquences ne sont pas jolies à voir : claque, griffure... Il vaut mieux pour moi hocher sagement la tête et trouver un plan ensuite. Chris a toujours un bras autour de ma taille, il peut sentir à quel point je suis crispée. Comme s'il pouvait entendre mes craintes, il dépose un baiser sur mes cheveux.

Chérie, tu m'appartiens !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant