Hélène.

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J'ai toujours aimé lire. Enfant, j'étais une petite bouille souriante qui se baladait entre les titres d'ouvrages, alignés sur les étagères de la bibliothèque, comme des univers enfouis derrière des pages emplies de mots.

Jamais je n'ai cru au destin, aux buts précis de la vie. Mais j'ai toujours pensé que certaines coïncidences peuvent être trop coïncidentes pour qu'elles ne soient que des coïncidences. Et si je ne crois pas au destin, je crois pourtant en quelque chose qui, nous observant avec assiduité, essaye de donner un sens à ce que nous faisons. On nous envoie des signes, des clés pour ouvrir des portes fermées. Parfois on les comprend, souvent on les ignore. J'ai formé cette hypothèse lorsque j'ai repensé à la première lecture qui m'avait captivée lorsque j'étais enfant. C'était un livre que j'avais choisi parmi tant d'autres dans une librairie, comme ça, par pur instinct. J'avais lu la quatrième de couverture, observé les lettres, les dessins qui l'ornaient ; j'avais lu quelques mots puis j'avais dit à ma maman de ma voix d'enfant qui semblait d'ors et déjà avoir une pincée d'audace : «Je le veux, celui-là ».

Le livre racontait l'histoire de deux jeunes enfants qui découvraient un cahier magique qui pouvait rendre réel tout ce qu'ils écrivaient en son intérieur. Ils créaient leur propre univers, péripéties et aventures. S'ils décrivaient l'envol d'un oiseau avec des mots, alors, s'échappait des pages un moineau qui, battant des ailes, s'engouffrait entre les nuages. J'avais lu ce livre d'une traite. Ça m'avait donné l'envie d'écrire, je me disais que si toutes les aventures dantesques qui se déroulaient dans ma tête pouvaient prendre vie avec des mots, je serais heureuse. Heureuse de pouvoir vivre ce dont je voulais, d'intégrer des personnages; de vivre dans mon imagination, ce qui est irréalisable et impossible ; de viser l'improbable et l'inaccessible.

Je m'étais mis à écrire dès mon plus jeune âge. Des histoires loufoques, où j'étais le personnage principal et je vivais des aventures pleines de péripéties. Des histoires où j'incarnais quelqu'un que je n'étais pas dans ma vraie vie. J'abandonnais la petite fille banale que j'étais pour devenir un personnage nouveau. 

J'ai grandi avec la lecture, avec les personnages des livres, dans un monde imaginaire dans lequel je me perdais le soir, avant de dormir, où dès que j'avais un peu de temps.

C'est ce qui a forgé ma vie. La genèse et la cause de moi-même aujourd'hui. Je vivais une vie monotone pour laquelle je n'avais aucune envie de vivre. Le seul moyen de m'en échapper, c'était en vivant de mes rêves et de mes fantasmes à travers les mots. Je pensais qu'en grandissant, tout changerait. Ce monde inaccessible s'offrirait à moi. J'allais devenir celle dont j'avais toujours rêvé. Mais ce n'étaient que de simples illusions. J'avais des rêves pleins la tête, mais ils ne se réalisaient jamais. Car la seule chose que je faisais, c'était attendre, lire, écrire encore. Puis attendre à nouveau. 

C'est sûrement l'un de mes plus grands défauts aujourd'hui, celui d'attendre que la vie ne vienne à moi. Elle était inconnue, seulement des mots que j'écrivais sur une feuille, que je lisais avant de me coucher,  que je rêvais dans mon sommeil.

Je m'en étais rapidement rendue compte, à quel point j'avais besoin de vivre. Mais j'avais peur de le faire.

Voilà, c'était ça. J'avais peur. Hélène, la jeune femme que j'étais, avait peur de la vie.

Oedipe reineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant