Ange blanc.

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Lorsqu'il nous l'était permis, lors d'absence de professeurs, ou quand les cours ne semblaient pas nous intéresser, Lola et moi nous retrouvions dans mon studio. Souvent, elle me parlait d'elle et j'envisageais de donner quelques détails sur moi. Nous pouvions passer des heures ensemble sur le minuscule balcon de mon appartement ; elle avait toujours sa cigarette fumante entre les lèvres, alors que nous buvions un thé au jasmin ou à la cannelle.

En cette fin de mois de novembre, l'hiver s'annonçait rude alors que la pluie battait son plein et que le froid nous griffait la peau. Lola et moi courrions le long de la Rue Catherine, nous réfugiant sous les porches des magasins. Il y avait autour de nous les vieux bâtiments en pierre ocre qui s'élevaient sur un ciel noir de nuages d'où ruisselaient des gouttes d'eau. Nous passâmes entre des boutiques de vêtements chers, près de chocolateries exposant mille et une merveilles sucrées. Des garages aux graffitis laids et sans beauté, des petites épiceries et des kebabs. Des boulangeries qui sentaient le pain frais. Pour enfin arriver devant chez moi.

« T'as la clé? demanda Lola en sautillant sur place, alors que nous nous réfugions sous un porche qui se faisait marteler de gouttes de pluie.

- Oui, attends deux minutes. - Je la cherchais dans mon sac à main- Bon sang, elles disparaissent toujours lorsque j'en ai le plus besoin. C'est la loi de Murphy ça! ».

Je me suis alors souvenue d'un petit détail qui je m'avait pas effleuré une seule seconde l'esprit en me dirigeant vers la rue où se trouvait mon appartement. Lorsque je levai les yeux sur la façade de mon bâtiment, je remarquai que ma fenêtre était ouverte en ce jour de pluie.

« Merde, je lâchai en un murmure, ignorant les gouttes d'eau qui venaient me tremper les cheveux.

-Quoi?

-Lola, tu...Tu m'en veux si je te dis qu'aujourd'hui ça ne va pas être possible que tu montes dans mon studio ?»

Elle me regarda derrière ses larges lunettes embuées d'un air surpris.

« Et pourquoi?

- Regarde, -je lui tendis mon index vers la fenêtre-.

-Ouais, elle est ouverte. Et alors? Tu sais Hélène, ça ne nous empêche pas de monter, de nous poser tranquillement sur ta petite terrasse de trois mètres carrés, de fumer une cigarette. En plus j'ai pas fini de te raconter l'histoire là, celle de ma tante et son beau-père, elle est hilarante! J'ai...»

Je la coupai dans son élan d'inspiration d'une vois maussade qui résonna au-dessus du bruit incessant de la pluie qui s'écrasait au sol.

« Ma mère est là», ais-je dit simplement.

J'avais déjà raconté à Lola que ma mère laissait toujours une fenêtre ouverte dans une maison parce qu'elle aimait « sentir l'air frais dans ses poumons». Elle le faisait dans toutes les situations, même lors d'un déluge. Et moi, comme une imbécile, j'avais complètement oublié l'épisode du matin même. «Je serais là lorsque tu reviendras des cours, m'avait-t-elle averti par téléphone». J'avais dit oui, sans forcément en mesurer les conséquences.

«C'est dommage, j'aurais pu te parler des personnages de mon film, lanca Lola avec une grimace sur son visage.

-Je sais bien.

-Mais j'ai déjà vu ta mère un jour. Elle a l'air sympa, non? Je pourrais sûrement discuter avec elle et... -voyant la tête que je faisais, elle a fermé les yeux-. Bon O.K, je laisserai le paquet de cigarettes dans mon sac, histoire qu'elle n'aie pas une raison pour laquelle me haïr. Mais sinon, je peux monter, non?

Oedipe reineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant