«Il n'était plus personne. Il se sentait heureux. Comme il est doux de n'être rien. Rien d'autre qu'un homme de plus, un pauvre homme de plus sur la route de l'Eldorado.»Laurent Gaudé, Eldorado.
Comme ce livre qui, petite, avait semblé me dire entre ses mots qu'il fallait que l'art de la littérature me fascine, d'autres rencontres insolites et situations dérisoires semblaient me porter vers l'existence de quelconque destin, ou encore, d'une entité qui puisse me diriger dans la vie de façon consciente ou inconsciente.
Je me voyais encore, assise sur ce banc du parc dont la peinture commençait à s'en aller, observant mes alentours. Mes yeux cherchaient quelque chose à laquelle s'affarer. Un visage, une expression. Un sourire, un trait, quelconque marque de gratitude ou de mépris. N'importe ; il me semblait simplement que je cherchais à trouver une étoile qui puisse me montrer et me faire découvrir autre chose. Cette petite fille aux deux longues nattes qui pendaient sur ses épaules, aux yeux afferés qui divaguaient entre les arbres et les jeux ou des enfants hurlaient de joie et de plaisir, c'était cette Hélène à la recherche d'aventures.
J'observais chaque détail sous mes yeux. Les enfants qui jouaient, leurs mains pleines de boues, leurs visages radiants. Lorsque l'un d'eux attirait mon attention, j'allais à sa rencontre. Mes pas maladroits le suivaient ; oui, je suivais l'ombre de ses pieds, j'allais ou il allait. Pour qu'il me berce de ses aventures, de son imagination débordante. Parfois, je continuais ma marche sans trouver où m'arrêter ; alors je repartais sur mon banc et j'observais encore. Mais jamais il m'est arrivé de découvrir ce que le garçon faisait ; d'entrer dans son univers.
Sauf une après-midi. Où j'avais effleuré du doigt cet El Dorado.
Il s'agissait d'un petit garçon que je suivais. Son k-way aux couleurs vives, mêlant du rouge écarlate, jaune canari, vert pomme et bleu océan attirèrent mon regard. Il semblait chercher quelque chose ; ses doigts s'enouffraient dans le sol, entre les écorces des arbres environnants. Je décidai alors de le suivre, et mes petites ballerines roses s'accrochaient à ses baskets pleines de boue. Je le suivais, sans cesse. Le garçon s'était subitement retourné.
« Tu fais quoi?
-Je t'aide.
-Non, j'ai pas besoin d'aide.
-Pourquoi?
-Je cherche tout seul.
-C'est débile. Laisse-moi t'aider».
La réponse fut brève et courte. «Non», lança-t-il avant de repartir dans une course effrénée que mes pas ne suivaient pas.
J'étais restée muette et immobile. Moi aussi, je cherchais quelque chose, entre tous les détails de cet univers qui ne me laissait pas respirer. Moi aussi, j'avais cet El Dorado que je ne parvenais pas à atteindre.
Cet El Dorado, il s'appelait amitié. Et reconnaissance. Et petite, ils me manquaient.
Cette pensée me vint à l'esprit alors que je marchais dans les couloirs de la faculté avec Héloïse et Lola, quelques jours après mon escapade nocturne avec Koïwenn. J'avais décidé de raconter toute mon aventure à mes amies. Et Héloïse avait fait une remarque plein de questionnements:
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Oedipe reine
Roman d'amourHélène a toujours rêvé d'être quelqu'un d'autre, s'imaginant dans un corps étranger. Elle voudrait être cette silhouette qu'elle voit et observe autour d'elle, celle qu'elle aperçoit parfois dans ses rêves les plus profonds. Oui, Hélène voudrait êt...