Danse funèbre.

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            Je rêvai d'elle cette même nuit.

            Je rêvai de sa silhouette nue sous mes yeux. De ses longues jambes infinies dessinées à la craie. Ses hanches, rondes, semblables à une lune brillante dans la nuit, entouraient un espace profond et délicat, intime et furtif, que mes doigts voulaient toucher et caresser.     

            Je rêvai de ses reins, creux et langoureux. De son ventre qui tremblait d'excitation sous mon tact; de ses seins, ronds et magnifiques, d'où émanait une lumière brillante et aveuglante. Je baisais son cou qu'elle tendait vers mes lèvres.

            Je rêvai de son visage, de ses lèvres rondes qui ne demandaient qu'à me parler, qu'à me toucher. De ses yeux d'un bleu profond ; d'une couleur qui tant m'effrayait, par son infinie beauté. Ses cheveux blonds tanguaient ; on aurait dit qu'ils flottaient dans un océan invisible derrière elle. Mais la seule humidité était celle de ses lèvres et des miennes qui s'apprêtaient à l'aimer.

            Ses bras s'élevaient dans les airs, ils s'emmêlaient entre eux en un tourbillon de peau immaculée, effectuant des mouvements lestes et gracieux. Mes mains vinrent s'approcher de ce corps nu qui dansait sensuellement.

            Je rêvai d'elle cette nuit, et lorsque je me réveillai en sursaut, avec l'image de son corps sous mes paupières, je crus confondre encore le rêve et la réalité. Perdue dans le monde, perdue dans mes pensées ; dans ma conscience encore troublée par des images psychédéliques.

            13, Avenue Georges Pérec. C'était un jeu. Un tunnel dans lequel je m'engouffrais progressivement, en suivant les instructions que ces petits bouts de papier froissés me donnaient, aveuglée par une passion torride. Il faisait froid ce soir-là et la douce brise du soir me mordait la peau tandis que la symphonie lointaine des voitures se cloîtrait derrière les bâtiments en pierre de la ville. J'avançais dans les rues, marchais sur les trottoirs sales. Des fenêtres qui surplombaient la rue émanait une lumière, signe qu'il était encore trop tard pour dormir ; mais la lune qui s'effaçait entre les nuages du ciel pourpre semblaient dire le contraire.

            Je vis ce chiffre, qui souvent portait malchance. Et pourtant, j'étais la plus heureuse de l'univers entier à ce moment. J'appuyai sur l'interphone, j'attendis sa voix, mais ce fut sa personne qui vint à moi. Elle m'ouvrit la porte. Elle se mordit la lèvre, avant de parler de son timbre que tant j'aimais écouter, pénétrant dans mon âme au travers de nos regards qui brillaient dans la nuit.

            « Bonsoir Hélène », susurra-t-elle. « Suis-moi ».

            Je montai les escaliers de son immeuble. Il faisait noir, je suivais sa silhouette sombre qui se détachait dans l'obscurité. Elle s'arrêta face à une grande porte, fit tourner la serrure, puis entra. La voyant disparaître soudainement, je me suis précipitée vers elle, effrayée par la nuit environnante. Face à moi, son ombre se dessinait dans un couloir noir ; les lumières étaient éteintes. Les rayons de la lune peignaient les murs de gossiers traits blancs, traversant la vitre du salon.

            Alice marchait en silence. Ses pieds nus écrasaient le parquet avec délicatesse. Je la suivais en ôtant mon manteau, tandis qu'elle s'engouffrait dans une salle au coin du couloir, que je devinais être sa chambre lorsque je fus à ses côtés. 

            Mes yeux s'habituèrent à l'obscurité tandis que j'observais, muette, la silhouette noire d'Alice, telle une ombre qui se taisait dans la nuit. Semblable à un fantôme discret et muet, glissant entre les méandres du monde. 

            « Tu as facilement trouvé la rue ? » me demanda-t-elle, et sa voix brisa le silence. Ce fut étrange et réconfortant à la fois.

Oedipe reineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant