Un bruit de pas, lourds et lents. Bientôt deux têtes apparaissent, leurs propriétaires grimpent épaule contre épaule. Ils bouchent toute tentative de fuite par ce chemin.
Putain !
Ce n'est pas le moment-là, ils me cassent mon coup. Je suis très à l'étroit dans mon jean et j'aurais préféré continuer ce que j'ai commencé avec ma jolie poulette.
Ce sont des mecs de mon père, faciles à reconnaître grâce au tatouage de lion stylisé caractéristique dans leur cou. Des gorilles patibulaires. Ils ne portent pas une once d'intelligence sur leur visage. Ils exécutent les ordres sans poser de questions. Ils approchent de façon calme et sûre. Certains de leur position dominante et de leur force brute. Me connaissant, ils devraient réviser leur jugement.
Juste derrière, vient un gabarit plus petit mais dont on doit se méfier. L'homme semble passe-partout. Un physique vite oublié. Pas très grand, pas musclé, pas de signe distinctif, banal quoi. Il en joue à son avantage.
La plupart n'y font pas attention, et le regrettent amèrement. C'est pour moi qu'ils sont là. Je connais les hommes de main qui travaillent pour l'organisation.
Je n'ai rien à lui reprocher, à celui-ci. Il a toujours été neutre avec moi.
Si Williams, un lieutenant est ici, dans cet immeuble, c'est pour me transmettre un ordre. Comme le dit ma réputation, je suis réfractaire à tout ce qui vient de mon paternel. Je freine des quatre fers et n'aime pas obéir dès qu'il s'agit de lui.
On a une super relation père-fils, nous deux. Tout est dit quand on voit qu'il envoie une paire de malabars et un gradé pour me transmettre un message.
Je me déplace et me mets entre eux et Evy, dans un réflexe de protection qui surprend tout le monde, moi y compris. Elle est plus petite que moi et ne doit plus rien voir de ce qui se passe. La tension est montée d'un coup. L'ambiance, sur ce palier devenu trop petit et bien rempli, est à couper au couteau.
-Five, bonjour, fait-il.
-Williams, je réponds sobrement. Que veux-tu ?
-Ton père voudrait que tu nous accompagnes pour le rejoindre. Il souhaite que tu participes aux combats de cette nuit. Comme c'était prévu.
-Tu es bien poli. Tu tournes les phrases de façon plus diplomatique que ce que Lyons a sûrement dit.
-Tu n'aimes pas les ordres, tout le monde le sait, autant mettre les formes. Ça ne me dérange pas de reformuler. Tant que j'obtiens des résultats.
Je sens de petites mains agripper mon t-shirt, les doigts crispés n'arrivant pas à rentrer plus loin que dans le tissu, mes muscles étant trop durs pour eux.
-Rends-moi mes clefs, me souffle la voix de ma future conquête.
Je la repousse doucement en faisant mine de l'ignorer. Elle me frappe l'omoplate du plat de la paume.
Je regarde par-dessus mon épaule et hausse les sourcils. Il faudrait lui faire passer cette manie de donner des ordres. En plus ce n'est pas le moment de se faire remarquer.
Si elle pouvait passer inaperçue, ça m'arrangerait. Ne pas m'inquiéter pour elle serait un plus. Déjà que j'ai trop d'elle, de ses courbes et de ses hésitations en tête. Elle me fait un effet dingue. Si j'avais pu, je l'aurai prise contre la porte de ce palier. Nous aurions fini la nuit dans son appart. A terre, sur le divan ou dans son lit, peu importe.
Mais je n'ai pas voulu la pousser au-delà de ses limites. Pourquoi a-t-elle eu une réaction pareille ? On aurait dit qu'elle n'avait jamais échangé un baiser. Et que j'allais la forcer et la violer.
Je suis un vrai connard mais je ne m'en prends pas aux filles. Si je veux baiser, je n'ai pas à aller loin pour en trouver une prête à écarter les cuisses. Où est le plaisir à forcer une femme ? Aucun.
Et j'ai pris, il y a longtemps, la décision que je ne ferai plus de mal physiquement au sexe dit « faible ». Plus jamais !
-Reste tranquille ! Lyons veut que je me batte cette nuit, je lui explique.
Au départ, je voulais lui faire faux bond mais maintenant avec toute cette excitation qui ne demande qu'à être libérée, je vais me faire une joie de défoncer le mec choisi pour être mon challenger. La frustration que je ressens dans l'immédiat pourra se trouver un défouloir. Je vais faire redescendre la tension, frapper un inconnu me fera du bien.
Je reprends en la plaquant contre mon jean.
-Tu vois, je bande, je te veux et au lieu de ça, je vais à la castagne.
Indifférent à nos spectateurs, je glisse les doigts sur le cou d'Evy, les passe dans la nuque en une caresse délicate et les enfonce dans ses cheveux attachés. Mon geste lui tire un frisson. Je resserre ma prise et bascule sa tête en arrière.
-Tu vas te coucher et repenser à notre baiser, je lui ordonne. Je te verrai demain pour avoir ma récompense. N'oublie pas, j'ai gagné.
Sa bouche est entrouverte et appelle au « crime » mais je n'ai pas le temps. Je la mordille par petites touches.
Ses iris ont tout un monde renfermé derrière eux. J'aimerais le comprendre, toutefois elle a déjà repris son calme et remonté ses barrières. Elle ne me laissera pas entrer à présent. Ses pommettes reprennent leur couleur naturelle, perdant ainsi le beau rose que j'avais réussi à leurs donner.
-Hum, excuse-moi, mais la petite dame est invitée aussi, m'interrompt le lieutenant.
Il se tourne vers elle.
-Quoi ? Je lui balance.
-Oui, le boss veut la voir également, répond-il en se tournant vers elle.
-Mademoiselle Hunname, veuillez nous suivre.
Sa politesse commence à me gonfler.
Ma brunette a retrouvé son visage indifférent et sans émotion que je lui avais déjà vu dans la ruelle. Un masque pour cacher ce qu'elle pense et ressent. On ne peut plus rien lire en elle.
-Moi ? Pourquoi ?
-Monsieur Lyons ne nous explique pas ses motivations, il nous ordonne et nous obéissons. C'est tout.
Il hausse les épaules et fait demi-tour, certain d'être suivi.
*****
La salle, où ont lieu les combats, se trouve en sous-sol d'un des immeubles appartenant à mon paternel.
Au-dessus se trouve un bar. Plus facile pour que le commun des mortels pense qu'il est normal de rassembler autant de véhicules et que le va-et-vient de personnes soit banal. Ce serait suspect tout ce beau monde dans un quartier, mal famé, sordide et à moitié abandonné. Trop de passage pourrait mettre la puce à l'oreille des flics. En plus, tous les spectateurs-parieurs peuvent dépenser leur fric en boissons et débauches. Un double bonus pour Lyons.
Notre voyage s'est déroulé dans le silence. On s'est tous entassé dans l'habitacle d'une berline noire passe-partout.
Evy est perdue dans ses pensées, le regard tourné vers la route. Le seul signe d'inquiétude visible étant le frottement machinal de son pouce sur l'entrelacs des tatouages qui recouvrent son avant-bras droit. Je ne l'avais pas encore remarqué. Il est vrai que ce n'est pas sur ça que je pose mon regard en premier chez une femme. Je suis plus attiré par son cul et son décolleté. Dans la pénombre du véhicule, il me semble qu'ils s'étendent sur tout l'intérieur, de son poignet au coude. Je ne vois pas ce qu'ils représentent mais elles les contournent comme si elle les connaissait par cur.
Nous sommes escortés jusqu'au bureau à l'arrière du bar. Il donne sur la salle des combats et permet une vue en hauteur. Lyons peut ainsi surveiller ses intérêts sans se mêler à la « populace ». Il nous attend le dos tourné, le regard braqué sur son domaine.
-Monsieur, votre fils est là, annonce Williams avant de reculer près de la porte.
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Five [Sous Contrat d'édition Hugo Poche. Sortie le 13 Juin 2019]
RomanceFive Evy a une liste de cinq noms. Noah, alias Five, est l'un d'entre eux. Elle veut se venger. Il veut savoir qui elle est. Elle désire les voir souffrir, à la hauteur de ce qu'elle a vécu. Il est rongé par la disparition de sa sœur et doit obéir à...