Five / Chapitre 18.

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À mon message qui lui annonce ma prochaine arrivée, elle m'a répondu d'un :



« OK, je laisse la porte ouverte, je ne suis pas encore prête. Entre »



Elle souffle le chaud et le froid. Un jour, elle me fuit, un autre, elle m'invite chez elle comme si on se connaissait depuis des lustres. Elle me rend marteau.


Je pousse le battant entrouvert et m'introduis silencieusement. J'aime surprendre et elle me donne l'avantage. J'inspecte vite fait son territoire. Meublé de seconde main mais trop clean, trop bien rangé. Ça sent la maniaque compulsive du nettoyage à deux kilomètres.
Comme cette fille que j'ai connue, qui faisait le ménage à toutes heures du jour ou de la nuit dès la moindre contrariété. Je ne comprends pas ces femmes, moi. Si elles veulent se détendre ou évacuer leur frustration et leur trop-plein d'énergie, je peux les aider autrement. Je connais des activités physiques bien plus intéressantes.

Sur le dossier du fauteuil, je trouve la robe que j'avais choisie. Étendue, tel un étendard pour me déclarer la guerre. Je souris devant l'objet du litige. Impossible de m'en empêcher. L'anticipation me plaît.


Qu'a-t-elle inventé pour me faire rager ?

-Evy ! Je crie pour lui faire bouger son cul. On n'a pas toute la nuit.

-J'arrive, j'arrive.

Sa voix me parvient de derrière, m'incitant à me tourner dans sa direction. La lumière de la pièce d'où elle sort la fait apparaître à contre-jour. Je ne peux que deviner sa silhouette. Clignant des yeux, je la perds quelques secondes de vue, elle en profite pour avancer vers l'entrée. Je la vois de dos à présent, en train d'enfiler ses chaussures à talons. Evy se penche, lève un pied tout en se retenant d'une main au mur pour maintenir son équilibre.

Mon regard a bloqué sur sa cheville. Fine et délicate, entourée d'une chaîne d'argent. La chaussure installée sur son petit pied, elle passe à l'autre. Ses mouvements gracieux attirent mon attention sur le jeu de sa jupe. Enfin ce qui ressemble à une jupe. Faite d'une matière ressemblant à du cuir bordeaux foncé, le vêtement semble être un ensemble de lanières cousues entre elles et se détachant à mi-cuisses pour retomber librement sur ses genoux, mélangeant le style rétro du Charleston et la modernité du cuir.

Chaque pas qu'elle fera, montrera ou cachera une parcelle de peau. Mes yeux continuent leur remontée, tirés vers le haut contre leur volonté. Son dos est nu, masqué par quelques entrelacements.

Ma respiration se coupe quand mon imagination me donne une idée de la face Nord. Bon Dieu, je suis au bord de l'A.V.C. Si je vois trop de chair quand elle se tournera, je lui ôte ce tissu et lui donne une fessée. Elle, qui se plaignait de mon choix. Cette robe cramoisie est un appel au crime. Un instinct territorial venant du fond des âges remonte en moi et se renforce. Et je n'ai aperçu que le dos.

-... et tu pourras me le présenter.

Hein ? Quoi ? J'ai raté toute son explication, enfin j'ai des bribes qui me reviennent mais je n'ai pas tout. Elle se retourne, les sourcils froncés pour souligner son étonnement face à mon silence.

Je me prends une seconde claque. Le bustier est sobre, son décolleté donne juste envie de s'y plonger pour apercevoir les trésors qu'il recèle. Les lanières se croisent et se décroisent. Entourant sa taille de guêpe, dévoilant son ventre plat et son nombril orné d'un piercing-bijou qui brille de mille éclats.

Le premier qui met ses mains sur elle, ou pire sa bouche, je lui éclate la gueule. Je veux l'exclusivité tant que je ne serai pas lassé d'elle. Et comme je ne l'ai pas encore baisée, je suis loin de l'ennui. Ils devront attendre, les jolis cœurs, et faire la file. De loin, de préférence, s'ils tiennent à leur santé.

-Five !

Merde, j'ai encore décroché. Encore un peu et je bave. Faudrait un peu plus de tenue et de fierté, ça ne me ferait pas de mal.

-Et ma robe ? Où est-elle ? Tu ne l'as pas mise ?

-Tu le vois bien, me répond-elle narquoise.

La main sur la hanche, elle me fait une révérence et tourne sur elle-même.

-C'est bien plus chic que ton chiffon.

J'avance en la fixant droit dans les yeux. Ils s'agrandissent quand elle comprend mon intention.

-Tu m'as désobéi délibérément. Je suis tenté de te dévêtir et t'obliger à la mettre comme je le voulais.

À chaque mot prononcé, je fais un pas vers Evy, qui se recule d'autant. On se poursuit dans le salon pour finir par le coin cuisine. Elle se colle à la table attenante au plan de travail. Je la bloque de mes hanches et la surplombe de toute ma hauteur.

Elle frissonne nerveusement. Ses joues ont rougi. Ses pupilles sont tellement écartées que je ne vois plus la couleur de ses iris. Les lèvres entrouvertes et tremblantes, elle respire de façon hachée.

D'un doigt, je suis le bord de son décolleté et plonge entre ses seins. Sa respiration fébrile se bloque. Pour échapper à mon toucher, elle se cambre sur la surface lisse. À tel point qu'il lui faut se soutenir d'une main pour ne pas s'effondrer en arrière.


Sa tête se rejette en arrière pour maintenir le contact visuel.

-Je choisis ce que je porte. Cette robe convient. Tu voulais me faire passer pour quoi ? Une pute ?

-Faudrait me persuader que tu es irrésistible là-dedans. Je n'en suis pas convaincu pour l'instant.

Je lui mens, elle me fait bander depuis que je suis dans cet appartement mais je veux qu'elle m'embrasse de son plein gré. Un défi est, ce qui est de plus sûr pour l'obliger à se lancer.

Je tire sur une des ficelles de son corsage pour appuyer ma phrase. Une ombre furtive passe sur son visage. Elle cache avec soin ses pensées, se referme aussi vite. Elle mordille sa lèvre charnue, me donnant une furieuse envie de la seconder dans cette tâche.

-Je suis capable de retourner la tête à n'importe quel mec.

-Si tu veux que ton plan fonctionne, tu as intérêt.

-Je ferai monter la température et tu devras trouver une excuse pour foutre une raclée à Cobb. Tu l'interceptes et le maintiens loin de moi quelques minutes.

-Pas de soucis, j'ai de l'imagination à revendre.

-Pendant ce temps, je ferai ce que j'ai à faire sur son ordinateur.

-Ok, mais il faut qu'on ait l'air d'un couple et je veux une démonstration de tes talents. Maintenant.

-Tu n'as pas tort.

-C'est l'heure de la mise en pratique.


Five [Sous Contrat d'édition Hugo Poche. Sortie le 13 Juin 2019]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant