Five /Chapitre 9.

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Il y a énormément de monde.

Un bruit assourdissant aussi.

Pendant toute la traversée pour arriver au ring, les gens crient et hurlent, me touchant dans une tentative pour attirer l'attention. Les femmes me caressent et me jettent des regards chauds en proposant, devant leur mec, leurs corps sans aucune gêne. Ils sont venus pour assister à des combats ou juste des passages à tabac pour étancher leur soif de violence.

J'entre dans la cage. Le public vient se presser contre la grille, la secouer et taper dessus. Ils en veulent pour leur argent. Ils ont parié des fortunes et n'attendent que les cris, la violence et l'excitation qui en résulte. Pour le sang et la douleur. La sueur et les gémissements.

Je ne veux plus leurs prêter attention, je dois faire le vide en moi et me couper de cette ambiance. Comme si je baissais le son, je me focalise sur ma respiration. Ma concentration est à son paroxysme, toutes mes pensées et questions ne doivent plus interférer. Je me concentre sur le lieu et le moment.

La cage devient mon univers.
Quarante-huit mètres carré entourés de huit côtés grillagés. Mon territoire, toute ma vie pendant les prochaines minutes.
L'adversaire du jour est déjà présent dans l'octogone. Je ne l'ai jamais eu comme challenger. Plus grand, plus musclé. À voir maintenant, s'il a des neurones qui fonctionnent. La force brute peut être contrée par l'intelligence et les réflexes.

Un de mes points forts est la rapidité. Un autre est que je ne joue pas, je frappe pour mettre à terre le plus vite possible. Je ne fais pas le show.

L'arbitre qui ne sert qu'à chauffer la salle et à nous annoncer, fait son speech. Je n'y prête pas attention. Il n'y a aucune règle, ce n'est pas de la boxe pure. Les exploits de mon adversaire et son pedigree m'indiffèrent, je le surveille du coin de l'œil. Il se pavane en levant les bras, certain de sa victoire.

Que le présentateur répète à l'envi la version officielle de mon surnom ne sert qu'à meubler. La musique et les cris dominent Sa voix.
Tous ici savent ou croient savoir que Five vient du nombre de coups qu'il me faut pour mettre K.O mes opposants. Le choix de leur laisser croire que c'est la vraie histoire, est totalement voulu et assumé. Il n'y a que Lyons, Shane et quelques rares personnes qui sont au courant du véritable sens de ce surnom. Il est trop personnel pour être crié sur tous les toits.

Je reviens à la réalité, je ploie les poignets pour les faire tourner. De mes mains bandées, je donne des coups dans le vide pour m'échauffer.
Pour me concentrer, je me focalise sur ma respiration, n'écoutant qu'elle, laissant mon cœur accélérer sous l'effet de l'adrénaline. L'attente du début du combat augmente mes pulsations. La musique hurlante qui donne l'ambiance, augmente mon rythme cardiaque. Mon sang coule plus vite dans mes veines et aide mon corps à se charger d'oxygène, carburant vital pour ces prochaines minutes.

Dès le gong, je ne laisse aucun temps mort. Directement un uppercut au menton de mon adversaire pour lui faire comprendre que je ne plaisante pas.

Il suit le mouvement pour absorber le choc puis secoue la tête pour se recentrer. La foule entame l'habituel « ONE » qui acclame mon premier coup.

Ce tueur en puissance entame une approche, les traits crispés, pour m'infliger quelques uppercuts et coups droits. Je les pare de mes avant-bras et des pas de côté. Il cherche à me faire baisser la garde en imposant son rythme. Il me jauge sans vraiment comprendre que je le laisse faire. Je ne tente rien, mais je veille à ne pas être repoussé contre une grille ou un coin.

Son allonge est meilleure que la mienne. Mais son calme se fissure déjà. Il perd son avantage en s'essoufflant. J'esquive les attaques suivantes sans grand dommage et j'en profite pour observer son attitude et sa tactique.
Je suis mon adversaire des yeux, la crispation de ses épaules, le mouvement de retrait de son pied et de son épaule. J'attends.
Je peux être patient et exploiter les faiblesses.

Il arme son bras en position d'attaque et je profite de l'instant pour riposter. Sa garde est ouverte.
Plus lent et plus lourd que moi, il ne peut s'échapper quand j'accroche son poignet en bondissant. J'entame une torsion dans un mouvement classique de clef de bras et le remonte vers l'omoplate. Tout cela ne me prend que peu de temps et me permet de le contourner. Aucune échappatoire pour lui, son coude se déboite dans un claquement qui m'est audible par-dessus le bruit ambiant. Son cri prévient la foule de sa douleur et elle se met à scander « TWO ».

Pour soulager la tension douloureuse dans son articulation, il découvre son flanc droit en se penchant sur la gauche et en fléchissant les genoux. C'est l'ouverture que j'attends.

J'enchaîne d'un coup dans les côtes flottantes qui me sont offertes comme sur un plateau.

Un craquement se fait sentir sous mes phalanges. Elles sont sûrement brisées. J'y ai mis toute ma force. Le coup se répercute douloureusement dans mon bras mais me fait plaisir. Il gémit et se cabre. La foule s'époumone avec un « THREE » exubérant.

Le relâchant, je prends de la distance par petits bonds et le laisse se reprendre. Son bras ballant, plié en deux, il enrage. Il me maudit et déverse sur moi une avalanche d'injures. Le visage rouge et transpirant, il s'énerve.
Il est fini. Sans calme et réflexion, il commettra une connerie et me permettra de le mettre au tapis. Je sens la satisfaction se répandre en moi. Pourtant je dois rester vigilant.
Voilà, ça y est.

Cette montagne de muscles me fonce dessus. Même avec un bras sans tonus, il veut me clouer au sol en me percutant. Une option comme une autre.

Il ressemble à un taureau fou.
J'écarte les jambes, me mets de côté en appui sur mes talons. En attente.
Il se met à courir plus vite. Toujours patienter, rester concentré.
Il est presque sur moi, quand je lui lance mon pied droit, la jambe tendue, dans un mouvement circulaire, en plein centre du plexus solaire. Arrêté net, le choc est rude pour lui comme pour moi. Les vibrations remontent jusque dans mes reins. Ses yeux sont comme des billes, il exhale un souffle court et ses jambes ploient sous lui.

Il tombe à genoux sous les hurlements des spectateurs.

« FOUR »

C'est la folie de l'autre côté de l'enceinte de métal. Les paris s'envolent. Il y en a toujours qui espèrent le jackpot, si pour une fois je perdais ou si n'arrivais pas à finir mon adversaire en cinq coups. Je me remets sur pieds, m'approche et d'un dernier coup droit descendant à la tempe, je le fais rejoindre Morphée.

« FIVE »

Black-Out pour longtemps.

Adios Amigo.

Ma sortie du ring se fait sous les invectives de certains mais surtout sous les ovations de la majorité. La foule est en délire. Les billets s'échangent, les reconnaissances de dettes fleurissent. Les sourires de certains sont brillants et d'autres se fanent. Mais tous ont un regard jaloux quand ils me regardent.

Bande de connards !

Ils me pensent heureux de me battre alors que moi, je ne suis que le chien de mon père, qui me siffle et à qui, il donne ses ordres.

Putain de vie.

Five [Sous Contrat d'édition Hugo Poche. Sortie le 13 Juin 2019]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant