Five / Chapitre 21.

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Je maintiens ma compagne contre mon flanc, la main sur sa hanche. Les deux abrutis se remettent de leurs émotions et font leur boulot. Ils fendent la foule et nous ouvrent un passage.

Mon geste protecteur et possessif est remarqué. Je note des regards surpris et jaloux en provenance de certaines groupies. Ce n'est pas dans mes habitudes d'être aux petits soins avec celle que je baise. Non. La fille m'accompagne, me suit et la ferme. Point. Pas plus.
Du coup, le prestige d'Evy est renforcé. Tous les regards, toutes les questions et supputations sont tournées vers elle, vers nous. Des murmures se font entendre au-dessus de la musique.

Cette partie du plan fonctionne.
Nous sommes au centre de l'attention générale. Du coin de l'œil, je vois Shane se diriger vers une zone privée, une fille pendue à son bras. Il n'a pas perdu de temps. Tant mieux. Plus vite il aura les infos, plus vite il pourra surveiller mes arrières.

Je repère Cobb à sa table habituelle. Il est assis dans une alcôve, une table privatisée à son seul usage. Les sièges sont pris par les hommes de mon père. Ils vont et viennent. Allant chercher telle ou telle personne pour collecter les dettes. En argent ou en service. Parfois on y voit l'un ou l'autre qui vient quémander un prêt.
Tout se passe bien en vue. Il se fiche de la police. Les flics de la ville sont pourris. Le FBI ou un autre service serait repéré bien avant d'arriver ici.

On pourrait croire que ce serait plus facile, plus discret dans un bureau. Mais Cobb préfère le bruit et la masse pour brouiller toute tentative de mise sur écoute.

Son pc portable, qui ne le quitte jamais, est ouvert devant lui. En costume Armani, il ressemble plus à un trader qu'au bras droit du véritable maître de la ville. Je presse les doigts d'Evy et la tourne dans la bonne direction. Elle comprend, raidit les épaules et se prépare à rencontrer celui dont elle veut se venger.

Je ressens l'arrêt puis la reprise de sa respiration. Elle tente de rester calme.

-Ça va aller, je lui souffle à l'oreille.

-Il le faut.

Elle se secoue et recommence à marcher. Cobb nous remarque enfin. Il tourne légèrement la tête vers notre couple, pose ses coudes sur la table. Les mains jointes devant sa bouche, le regard neutre, il attend avec patience.

Depuis que je le connais, il n'a jamais montré de vraies émotions. Une machine, ce mec. Froid, glacial.
Ses traits sont carrés, le nez busqué, les yeux sombres et les lèvres fines. La seule touche de couleur, si on peut dire, se trouve dans ses cheveux qui tirent depuis quelque temps vers le gris.

Evy jette un coup d'œil à l'ordinateur puis se dépêche à détourner le regard. Son intérêt est pour moi évident mais je connais une partie de sa stratégie. Je sais où chercher les indices dans ses gestes et sur son visage.

-Cobb.

-Five.

Je le salue d'un mouvement de tête. Il a enfin compris que je ne voulais pas entendre mon prénom dans sa bouche.

-Et qui est cette jeune dame qui t'accompagne ?
-Evy... Evy Langdon.

-Tu as l'air d'avoir réussi l'exploit de retenir l'attention de notre champion.

-Tu ne la tutoies pas, je lui balance.

Elle ne tend pas la main vers lui mais trouve naturellement une place sur la banquette de cuir en demi-lune où il est assis. Elle glisse toute en légèreté vers lui et dépose sa main sur le tissu riche qui lui recouvre le bras.

-Enchantée Monsieur Cobb.

Un regard doux et sensuel, un sourire tout sauf innocent sur les lèvres, elle l'appâte comme si je n'existais plus.
Bien que je sache que c'est de la comédie. Bien que je n'en ai rien à foutre de ce qu'elle pense de lui, de moi, de nous. Je sens mon ventre se tordre, ma respiration s'alourdir et mon sang devenir acide dans mes veines. Je fronce les sourcils et essaie en vain de réfléchir. Au lieu de voir rouge.

-Hey, mon petit volcan ! Tu m'abandonnes déjà pour un plus gros poisson.

Ma voix sonne rauque, ça me fait chier. On dirait que je suis possessif, jaloux. Je le suis. Je le reconnais. Mais je ne veux pas le montrer.

Et puis merde.

Je vais profiter de ce que je ne me maîtrise pas pour laisser croire que je tiens à Evy. Elle, elle sait que mon intérêt n'est que physique. Ça sert nos plans après tout.

-Five, je ne fais que dire bonjour.

-Reviens ici.

Je prends place sur le bord et je la tire presque sur mes genoux. Je l'installe au creux de mon bras, une main sur son genou dénudé. Elle soupire suffisamment fort pour qu'on l'entende malgré la musique.

Cobb nous observe et je vois presque les rouages se mettre en branle dans son esprit... Il doit se dire que cette femme pourrait aider à tenir, à obliger Five à se tenir à carreau. Je lui souris et continue ma caresse sur la peau de sa jambe. La sensation arrive à ancrer mon esprit et me calmer. Un peu.

-Que me vaut ta visite ?

-Rien. Je sors mon petit volcan. Elle veut danser. Et comme je suis poli, je viens te saluer.

Il sait très bien que je n'en ai rien à foutre du savoir-vivre quand il s'agit d'eux.

-Tu as besoin d'argent.

-Non, et s'il m'en fallait, je ne serais pas assez con pour en devoir à Lyons.

-C'est moi qui voulais vous parler, nous interrompt Evy.

-Oh ?

-Oui, je voulais savoir si mon nom figurait sur une de vos listes.

-Votre nom ? Langdon ? Si c'était le cas ma jolie, vous seriez la première au courant. Mais je vais vérifier.

Il tape sur son ordinateur, fait une recherche.

-Vous n'y êtes pas. Je suppose que c'est votre père qui a eu un « compte » chez nous.

-Oui, je voulais vérifier que tout est en ordre.

-Oui, ma jolie. Pas de soucis avec nous.

-Me voilà rassurée.

Elle flirte avec lui comme jamais elle ne l'a fait avec moi. Regards langoureux, sourire mielleux.

-Vous savez, je suis tout à fait prêt à vous accorder une avance si un jour ou un autre vous êtes, disons, dans les ennuis financiers. Je peux vous fournir ce service.

Il sourirait presque. Elle le fascine visiblement.

-Tu proposes à ma meuf un prêt ! Tu insinues que je ne peux pas lui donner tout ce qu'elle veut, je grogne.

-Elle, elle peut parler toute seule ! Elle, elle a un nom aussi. Et elle sait décider par elle-même.

Evy nous remet à notre place en trois phrases avec un sourire sarcastique.

-Je vais danser au lieu d'écouter de telles âneries.

Elle se lève, me regarde pour m'inciter à ne pas oublier notre deal. Elle se coule entre mes jambes, se caresse contre mon corps pour passer et part. La chaleur a augmenté d'un seul coup. Je ne peux que la suivre des yeux vers la piste de danse.

-Tu es dans la merde Five. Elle te tient par les couilles, celle-là.

Il peut se marrer, il a raison. Je suis frustré. Tant que je ne l'aurai pas eu dans toutes les positions possibles et imaginables, je serais accro.

-Ouais. Alors, pas touche.

Five [Sous Contrat d'édition Hugo Poche. Sortie le 13 Juin 2019]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant