Evy / Chapitre 16.

1.5K 176 14
                                    


Je me réveille en sursaut.

Comme à l'habitude, recouverte de sueur, au bord de l'asphyxie. Mon passé est revenu net et sans concessions. Mes souvenirs sont remontés à la surface, conséquence directe de ma confrontation dans le bureau de Lyons.

Je me débats dans les replis des draps emmêlés. Je dois sortir, il me faut de l'air, la panique m'a envahie.

Je vais vomir.

-Chut,... il ne te fera plus rien, je suis désolé, tu ne crains rien ici.

-Noah ?

-Oui. Lyons est loin. Tu es à l'abri.

Sa voix calme est rauque et chaude dans l'obscurité de la chambre. Ses mains glissent dans mon dos, essayant de me réchauffer par des mouvements en rond.
Nous ne sommes plus dans la cave, la réalité reprend ses droits. Je suis dans le lit que nous avons partagé cette nuit. Ses bras m'entourent et me réconfortent. Leur chaleur se veut apaisante.

Il croit que ce cauchemar est lié à ce qui s'est passé aujourd'hui. Il pense que je l'appelle pour sa protection.

Il me dégoûte. Je le hais.

Il était peut-être jeune, victime lui aussi, mais je le déteste.

Et je l'ai laissé me caresser, me donner du plaisir, se servir de mon corps. Mon estomac se tord et la bile me remonte dans la gorge.

Je me débats, le rouant de coups, le repoussant. Il tombe en bas du lit, emportant les couvertures.

-Hey ! Qu'est-ce que ... ?

Je bondis, cours récupérer mes chaussures, sors de l'appartement et retourne chez moi. J'entends crier mon nom au loin. Prenant la fuite, je trouve refuge derrière ma porte, glisse à terre en tenant mon bras. Mes pleurs se confondent avec ma respiration hachée.

Mon regard se porte sur ce membre qui me fait mal. D'une douleur fantôme, surgie du passé.


Torturée pour l'exemple.


Malmenée par le plaisir malsain d'un violeur d'enfants.

Pour cacher les cicatrices, j'ai choisi le tatouage. De grandes fleurs qui prennent toute la place du poignet au coude. Les cœurs des roses cachent les marques indélébiles de ma douleur. Fleurs épineuses qui planteront leurs crocs dans mes anciens bourreaux.


Cinq noms, cinq cicatrices, cinq fleurs.

Les lignes colorées cachent les blessures au regard du monde. Mais le toucher révèle ces petites boursouflures de chair discrètes à jamais présentes.

Noah était jeune, je m'en rends compte maintenant. Ce qu'il a avoué, il y a quelques heures, le prouve. Il subit un chantage affectif. Son père l'a entraîné de force dans l'horreur et la torture pour le pervertir, le corrompre et lui faire suivre sa voie.

Pour des bribes d'information, dans l'espoir vain de revoir cette personne disparue ou pire une protection hypothétique contre son propre père. En toute logique, j'aurais fait la même chose, je ne pense pas avoir plus de courage, je n'aurais pas su comment résister à ce monstre.

Mais la petite fille tout au fond de moi crie sa peine et sa douleur. Elle ne comprendra jamais, ne pardonnera jamais. Elle avait mis tous ses espoirs en lui, toute sa confiance en un jeune homme qui lui apparaissait comme un sauveur.

Devenu son bourreau.

Je frappe ma tête contre la porte, tentant de me calmer. Je dois me reprendre, ne pas craquer. L'apaisement vient progressivement jusqu'à ce qu'un coup sec sur le bois, me fasse sursauter et pousser un faible cri.

BAM.

Mon cœur fait un bond et essaie de sortir de ma poitrine, à travers les côtes.

-Evy !

-...

C'est Noah. Furieux ou inquiet d'avoir été planté sans explication. Peut-être les deux.

-Je sais que tu es là ! Ouvre.

Oui, bien sûr, tout de suite. Et un café aussi.

-Je veux savoir ce qui se passe.


Il continue à tambouriner. J'ancre les pieds au sol et appuie les épaules contre le bois. Comme si j'étais assez lourde et forte pour le retenir, s'il décidait de forcer le passage.

BAM.

-Je vais entrer, que tu sois d'accord ou non, continue-t-il.

-Va-t'en ! Je ne veux plus te voir pour le moment, je crie à bout de nerfs.

BAM.

La porte vibre. Puis le silence. Suspect et effrayant. Il est parti ? Ou mijote-t-il quelque chose ? Cette attente me rend nerveuse, à fleur de peau. Rien. Une minute passe, puis deux.

Je me relève, colle la joue contre la surface froide, ferme les yeux pour me concentrer. Aucun bruit ne me parvient. La main à plat, je me fonds dans le rythme de ma respiration.
Il s'en est allé. A fait demi-tour sans insister. J'en suis soulagée et déçue. Ça devient lassant ces contradictions perpétuelles dans mes sentiments envers lui. Un soupir s'évade de mon corps. Je me relâche.

Un mouvement furtif traverse le coin de mon œil. Rapide, sans un bruit. Telle une ombre. Un corps chaud se colle au mien. Me pousse contre la porte et m'y coince. Des mains attrapent mes poignets. Je sursaute effrayée, et crie comme une petite fille. Mais elles ne sont ni violentes ni annonciatrices de douleurs. Son souffle chaud dévale dans mon cou. Son torse nu contre mon dos me déstabilise.

Je secoue les bras pour me libérer et me retourne pour lui faire face. Five est entré dans mon appartement. Comment a-t-il fait ? Et aussi vite. Dans la pénombre de la pièce je sens un courant d'air. Il a ouvert une fenêtre et s'est infiltré par là. Plus doué que certains voleurs.

-Je sais que cette journée a été horrible pour toi. Je comprends que tu ne sois pas heureuse de te réveiller auprès de moi, à cause de Lyons. Mais tu ne dois pas t'éloigner de moi ainsi.

-Pourquoi ?

-J'ai marqué de l'intérêt pour toi, donc tu es une cible pour Lyons comme pour ses ennemis.

-Pourquoi ? Je répète, impossible de dire autre chose.

-Pour se servir de toi. Faire de toi la faille qui me fera tomber. Me mettre à genoux.

-Je ne suis pas assez importante à tes yeux.

-Ils utiliseront tous les moyens. Même une femme qui me plaît.

Il n'a pas contredit ma réflexion. Je ne l'obsède pas encore assez. Je ne dis plus rien, je ne veux pas lui dévoiler mes sentiments. Il me caresse le visage et rencontre mes larmes.

-Tu pleures.

Il me soulève et me porte vers ma chambre. Je le laisse faire cette fois. On se retrouve dans un lit pour la deuxième fois en quelques heures. Il nous installe sous les draps et emboîte nos corps en cuillère, pour ne pas tomber. Le matelas étant beaucoup plus étroit que chez lui. Il cale son menton sur ma tête et respire lentement.

-Il faut arrêter de se tourner autour, murmure-t-il. Nous avons un but commun. Tu vas me dire ce que tu veux faire en premier. Et moi, je vais t'épauler.

-Je veux rester seule pour le moment, nous discuterons demain.

-On est déjà demain.

-Ok, je soupire. Lyons a tué mon père. Je veux le détruire.

-Tu as déjà un plan.

Ce n'est pas une question, une affirmation plutôt.

-Oui, je vise Cobb et sa comptabilité.

-Tu as besoin d'aide ?

-Je dois avoir accès à son ordinateur.

-Pas facile. Il ne le quitte jamais. On va trouver un moyen. Et après ?

- Ça tu verras en temps et en heure. Nous ne sommes pas assez proches pour que je te le dise.

Je lui balance sa réplique. Pourquoi lui faire confiance totalement, si lui, ne le fait pas pour moi.


Son rire se perd dans mes cheveux.

-Je l'ai mérité. Dors maintenant. Cette semaine va être épuisante.

########

Hello
Merci de me lire. N'hésitez surtout pas à donner votre avis et mettre des commentaires. ❤❤❤


Five [Sous Contrat d'édition Hugo Poche. Sortie le 13 Juin 2019]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant