Chapitre 2 - Himchan

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Non. Non, non. Tu t'appelles Himchan maintenant.

Bien que Junhong soit en train de se faire tirer dans la voiture d'un homme probablement mentalement dérangé, ceci l'interpelle. Pour quelle raison son nouveau maître veut-il le renommer? Est-ce un fétiche? Ou était-ce le nom de la dernière personne qu'il a tué? Cette dernière question reste coincée dans la tête du jeune homme et en soulève beaucoup d'autres. Ce Monsieur Bang est-il un meurtrier? Se lasse-t-il vite de ses conquêtes? Si c'est le cas, Junhong ne fera pas long feu.

Perdu dans ses pensées, Junhong s'assoit docilement à l'arrière de la voiture noire. Mais l'autre homme ne l'entend pas de cette oreille. Il attrappe le bras du plus jeune et le tire violemment hors de son siège. Faisant face à un Junhong incrédule, se demandant ce qu'il a bien pu faire de mal, Yongguk sourit presque normalement.

- Qu'est-ce que tu fais Himchannie? Viens devant...

- Je... je suis Junhong...

À ces mots, les yeux de Yongguk se durcissent et il répond avec fermeté, en insistant sur chacun des mots:

- Tu es Himchan.

Sans laisser au jeune homme l'occasion de répliquer, il ouvre la portière de la place passager. Son regard donne un ordre silencieux mais formel: monte.

Junhong s'exécute et le trajet se passe dans un silence de mort. L'atmosphère dans l'habitacle est si pesante qu'elle semble solide. Les deux hommes se jettent de temps en temps des regards furtifs, et l'esclave se sent de plus en plus oppressé à mesure qu'ils se rapprochent de la destination, qui se révèle être une maison étonnament propre et moderne au milieu d'une vaste forêt, seulement reliée au reste du monde par une vieille route cabossée.

Le jeune garçon est soudain pris d'une envie de pleurer. C'est ainsi que sa misérable vie finira: au beau milieu de la forêt avec un dégénéré. On ne retrouvera même pas son corps. Personne ne se souviendra de son existence. Il ne peut plus contrôler ses larmes. Elles coulent librement sur ses joues, ce qui n'échappe pas à Yongguk au moment où il ouvre la portière au garçon.

- Tu es ému Himchannie? Comme c'est touchant... Moi aussi tu m'as beaucoup manqué.

- Je ne suis p...

Junhong est interrompu par la main de l'autre sur sa bouche. Il ose regarder son propriétaire dans les yeux, et, pendant une fraction de seconde, celui-ci a l'air d'un enfant à qui l'on aurait annoncé que Noël serait en avancé exceptionnellement à demain.

- Chut, n'en dis pas plus! Je sais que tu es tout content de revenir enfin à la maison!

Sur ce, il retire sa main de la bouche du jeune homme et pousse dans la maison avec enthousiasme un Junhong qui ne sait plus quoi penser. Ce dernier est frappé par le bon goût de son "hôte" en décoration. Tout est principalement noir et rouge à l'intérieur, ce qui rend les pièces très sombres et donne au lieu une atmosphère mystérieuse mais confortable. Lorsqu'ils arrivent au salon, Yongguk prend de nouveau la parole.

- Voilà Channie, j'espère que tu aimes bien la maison, et comme je sais que tu préfères le rose, j'ai mis des coussins roses sur le canapé pour que tu te sentes chez toi!

- Je... n'aime pas spécialement le rose, et... je ne suis pas Heechan ou je ne sais plus qui...

Junhong regrette immédiatement ces paroles. Il est poussé violemment dans le canapé par Yongguk, qui semble furieux. Il fixe le jeune homme sur le canapé avec les yeux froids d'un animal sauvage destructeur. Après quelques secondes qui paraissent durer des heures pour le garçon assis, Yongguk attrappe un des coussins roses et hurle sans prévenir:

- HIMCHAN!!!! TU ES HIMCHAN! HIMCHAN AIME LE ROSE, DONC TU AIMES LE ROSE!!!

À ces mots il lance le coussin sur la tête de Junhong qui couine faiblement en le recevant. Cela ne lui a pas fait mal, ce n'était qu'un coussin, mais il est terrifié par la soudaine violence de Yongguk. Quand il se sent assez courageux pour regarder ce dernier, il est stupéfait de voir que la bête cruelle qui lui faisait face il y a quelques secondes a laissé place à un Yongguk à l'air de chiot perdu. Curieux mais ne se laissant pas attendrir, Junhong se lève lentement pour se placer devant l'autre, qui parle doucement, d'une voix tremblante, si différente de celle, grave et dure, que le jeune homme avait entendue précédemment.

- S'il te plaît. Sois Himchan... je t'en supplie. Dis moi "je suis Himchan". Juste une fois...

- Je suis désolé, mais je suis Junhong.

Le chiot perdu disparaît à cette phrase. Le fauve revient. Junhong a à peine le temps de se rendre compte de la tempête qu'il vient de provoquer en Yongguk, seulement visible à travers ses yeux sombres comme un ciel d'orage, avant qu'une main délicate ne vienne se poser sur son cou de manière presque agréable.

La caresse et de courte durée; après quelques secondes à contempler et toucher la douce peau blanche du garçon, l'homme lui attrappe la gorge d'une poigne de fer et le pousse contre le mur du salon avec une force étonnante. Junhong est terrifié. Il est coincé entre le mur et le corps de son maître, et il commence à manquer d'air. Yongguk plante son regard dans celui de sa victime et lui ordonne d'un ton sans appel:

- Dis-le. Dis "je suis Himchan". Maintenant.

Il desserre sa prise sur Junhong juste assez pour le laisser répondre. Mais la réponse ne vient pas. L'esprit confus du jeune homme ne formule qu'une idée, vague mais réelle. Il ne veut pas perdre son identité. Non, il veut être Junhong, pas Himchan! Voyant que l'esclave ne se soumettra pas, Yongguk resserre l'étau autour du cou de l'autre le plus fort possible et le regarde attentivement bleuir comme si c'était la chose la plus fascinante qu'il ait eu l'occasion de voir.

Les pensées de Junhong sont de plus en plus confuses. Il voit flou, et le monde autour de lui s'estompe. Il esquisse un sourire arrogant à son tortionnaire avant de sombrer dans l'inconscience. Les yeux Yongguk s'agrandissent de panique quand ceux de Junhong se ferment. Il réalise que la couleur du visage de sa victime est alarmante et le relâche aussitôt, puis le pose délicatement sur le canapé.

La colère de Yongguk était grande, mais il n'avait tout de même pas l'intention de tuer ce garçon... Il pousse un soupir de soulagement en voyant la couleur de l'autre redevenir normale ainsi que sa respiration.

Junhong se réveille quelques heures plus tard, à 17h22 selon l'horloge sur le mur. Il est soigneusement bordé dans une couverture, sa tête reposant sur un coussin rose, et sur la table basse en face du canapé sur lequel il est étendu sont posés un sandwich ainsi qu'un verre de jus d'orange.

Esclave | BangloOù les histoires vivent. Découvrez maintenant