Chapitre 14 - Jeux

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Suite à un signe de Yongguk, Junhong prend place à table. Le plus âgé ramène un plat bien plus luxueux que ce à quoi l'esclave est habitué: une pièce de bœuf accompagnée de divers légumes. Yongguk sert le déjeuner puis s'assoit face au garçon. Alors qu'ils commencent à manger, Junhong est loin d'être rassuré, car Yongguk, juste devant lui, est en possession d'un couteau bien aiguisé. Un accès de colère à cet instant pourrait être très dangereux. Le garçon est cependant vite distrait de ses craintes, trop satisfait d'avoir enfin le ventre plein d'un bon repas.

L'ambiance est silencieuse mais détendue entre les deux hommes, ce qui étonne Junhong puisqu'il vient tout juste de contrarier son maître. Il décide donc de rester sur ses gardes, sans pour autant tendre l'atmosphère.

- Monsieur Bang, est-ce que vous pourriez me passer l'eau s'il vous plaît?

À ces mots, Yongguk se saisit de la bouteille, la fait passer devant le nez de Junhong, puis la remet à sa place initiale. Assez fier de sa blague, il adresse au jeune homme un énorme sourire. Junhong ne peut s'empêcher de commencer à rire, doucement d'abord, puis de plus en plus fort, manquant de s'étouffer avec sa viande. Puis, après être parvenu à avaler, il commence à rire franchement, bientôt imité par Yongguk. Ils s'embarquent dans un énorme fou rire.

Cela leur fait énormément de bien, autant à l'un qu'à l'autre, de se détendre enfin après tous les conflits des derniers jours, et ils rient encore et encore à cette blague plus que nulle, jusqu'à en avoir les larmes aux yeux. Alors qu'ils commencent tout juste à se calmer, Junhong parvient à articuler:

- C'était tellement nul que c'était marrant!

Il émet ensuite un son bizarre en riant, ce qui suffit à relancer le fou rire pour plusieurs minutes encore. Ils parviennent enfin à s'arrêter et reprennent leur repas, plus gaiement, et le finissent. Alors que le rire semble révolu, Junhong reprend la parole.

- Par contre, j'ai vraiment soif, est-ce que je peux avoir l'eau maintenant?

De nouveau hilare sans vraie raison, Yongguk manque de cracher son verre dans son assiette. Le fou rire menace de reprendre, mais il se contrôle et passe véritablement la bouteille à Junhong, qui peut enfin se désaltérer.

Si seulement il pouvait être comme ça tout le temps... Junhong trouve cette facette enfantine de la personnalité de Yongguk adorable, il aimerait tant qu'il reste comme cela pour toujours. Cela rendrait son séjour cent fois plus agréable.

Ils débarassent ensemble la table, puis, la tâche accomplie, se retrouvent bêtement face à face dans le salon-salle à manger sans avoir aucune idée de ce qu'ils devraient faire de l'après-midi, jusqu'à ce que Yongguk, les yeux rieurs, demande:

- Hé, on joue à quoi?

Junhong a l'impression de fondre. C'est beaucoup trop beau pour être vrai, ce n'est pas lui, il ne peut pas être aussi adorable. La seule chose à faire est de profiter à fond de ces heureux instants avant qu'il ne redevienne dangereux.

- Chat perché, c'est toi le chat!

Après avoir mis une tape à l'épaule de l'autre, Junhong court se percher sur le canapé, vite suivi par Yongguk.

- C'est pas juste, tu ne vas pas descendre et le jeu ne va pas être drôle...

- Bon, d'accord, on va dehors? Il y aura plus de place!

- Le dernier prêt est une poule mouillée! S'écrie alors Yongguk en se ruant vers l'entrée pour se chausser et enfiler son manteau.

Junhong fait de même, mais il est moins rapide que l'autre, qui s'empresse d'ouvrir la porte et sort en premier, pointant le plus jeune du doigt.

- Perdu! Tu ne me rattrapperas pas!

- Ah ouais?

Junhong ayant fini de s'habiller, il se lance à la poursuite de son aîné, mais bien que les jambes de Junhong soient plus grandes, celles de Yongguk étaient bien plus puissantes, forgées par de longues randonnées. C'est donc facilement que Yongguk distance le plus jeune.

Fier de son petit succès, il se retourne pour narguer l'adolescent essoufflé, mais il ne le trouve pas. Revenant sur ses pas, il appelle Junhong, sans obtenir de réponse. Alors qu'il commence à s'inquiéter, le jeune homme surgit de derrière un arbre et lui lance une boule de neige en pleine face.

S'ensuit une longue bataille de boules de neige dominée par Junhong, qui a le lancer précis. Ils rient, jouent comme des enfants, sans faire attention au froid ni au temps qui passe. Lassé de se faire bombarder sans cesse, Yongguk décide de contre-attaquer d'une autre manière. Après avoir craché la dernière boule de Junhong, qui lui était arrivée droit dans la bouche, Yongguk court jusqu'à son cadet qui tente de s'enfuir en riant.

- Celle-là tu vas la regretter!

Junhong s'essouffle et se fait vite rattrapper puis plaquer au sol par son poursuivant. Les deux hommes se débattent alors au sol comme des sauvages, Yongguk dominant largement la partie. Ce dernier laisse cependant son adversaire gagner de temps en temps pour rendre le jeu plus amusant.

Finalement, ils abandonnent tous les deux, à bout de souffle mais heureux, lorsque Yongguk s'effondre en soupirant, relâchant les bras de Junhong qu'il avait d'une manière ou d'une autre réussi à emmêler avec ses propres jambes au cours de la lutte, et libérant les jambes du plus jeune qu'il retenait avec ses mains. Ils restent ainsi, allongés l'un sur l'autre à l'envers, emmêlés, jusqu'à ce que Yongguk propose de rentrer.

- Chocolat chaud?

- Ça me va!

Ils rentrent, exténués et trempés, les joues rougies. Une fois dans le salon, Junhong se laisse lourdement tomber dans le canapé. Il se permet de prendre une couverture pour se mettre plus à l'aise pendant que Yongguk prépare les chocolats, qu'il ramène fumants. Ils boivent en silence dans le canapé, et une fois les boissons finies, le plus âgé allume la télévision.

- Tu veux regarder quoi?

- Peu importe, ce que vou... tu as.

Yongguk met un DVD au hasard, qui s'avère être un film de science-fiction. Lors du générique de début, il s'invite sous la couverture de Junhong et passe un bras autour de ses épaules. Le garçon est étonné mais ne proteste pas, trouvant le contact agréable.

Le film s'appelle Bienvenue à Gattaca, et l'on voit deux enfants, deux frères, l'un modifié génétiquement pour être parfait et l'autre normal, naturel, avec des défauts. Bien entendu, celui qui est parfait est traité en chouchou et reçoit toutes les attentions alors que l'autre est laissé de côté. À chaque fois que ces inégalités se manifestent, Yongguk se tend, écrasant l'épaule droite de Junhong dans sa main, ce qui fait extrêmement mal à ce dernier, qui craint en plus qu'une violente colère éclate chez son propriétaire.

- Ce n'est pas la peine de s'énerver, c'est juste un film... dit-il pour tenter d'apaiser Yongguk.

- Juste un film... Pour toi c'est juste un film... On va changer de DVD.

- Oui, bonne idée.

Yongguk se lève, cessant ainsi de meurtrir l'épaule de Junhong, pour échanger le film en cours contre un autre, qui s'avère être un film d'horreur. Pour faire correspondre l'atmosphère avec le film, il tire les rideaux, laissant la télévision pour seule source de lumière, puis revient prendre sa place auprès de Junhong.

Le gore et l'étrange étant quotidiens dans l'imagination de Yongguk, le film a peu d'effets sur lui. En revanche, le jeune homme à ses côtés est novice en la matière, et il lui en faut très peu pour être effrayé. Yongguk est à la fois amusé et attendri par ses réactions. Lorsqu'il a peur, Junhong a tendance à se blottir contre lui, il cache sa tête dans l'épaule de l'autre quand il ne veut pas voir les images les plus choquantes, et Yongguk se voit obligé de le prendre dans ses bras au moment où son personnage favori se fait arracher une jambe.

- Ce n'est pas la peine de pleurer, c'est juste un film, gamin.

- M-moui...

- Bon, le temps que tu te calmes, je vais me laver.

Sans laisser à Junhong le temps de le retenir, il s'en va vers la salle de bains. Le garçon et lui vont se coucher sans incident quelques temps plus tard, et Junhong a même droit à un "bonne nuit" avant de fermer sa porte.

Esclave | BangloOù les histoires vivent. Découvrez maintenant