Chapitre 23 - Troisième portrait

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C'est dans une toute autre ambiance que se déroule le mardi de Yongguk et Junhong. Vers dix heures, le plus jeune se réveille, bien reposé et frais pour attaquer la journée. C'est loin d'être le cas de Yongguk, qui comate pendant une bonne heure en se débattant avec un affreux mal de tête. Aucune des tentatives de Junhong pour le lever ou lui faire manger quelque chose ne font effet, l'aîné ne communiquant que par de vagues grognements. Alors que Junhong, amusé, tente de le faire réagir en le chatouillant, Yongguk prononce enfin un semblant de phrase.

- T'cuppes pas d'moi... S'pas la peine...

- Mais si, viens, lève-toi, je te fais tes tartines si tu veux!

Les restes d'alcool embrouillent encore ses pensées et ses sentiments, et cette phrase innocente lui fait un effet inattendu que le jeune garçon à califourchon sur lui en train de le titiller ne comprend pas: Yongguk commence à sangloter. Junhong, confus, ne sait pas comment interpréter cette réaction et lâche l'homme en-dessous de lui.

- Qu'est-ce qu'il y a, j'ai fait quelque chose de travers? Je te fais mal?

Les pleurs de Yongguk s'intensifient brutalement. Il retient violemment le garçon de s'éloigner de lui en l'étouffant contre lui.

- Du calme, du calme, je ne pars pas, j'ai compris! Je crois que l'alcool v... te rend un peu trop émotif.

- M-moui...

- Alors, dis-moi. C'est quoi le problème, aujourd'hui?

- Je t'ordonne d'arrêter de t'occuper de moi.

L'homme tente d'adopter un ton ferme, mais sa voix tremble légèrement et la force de ses propos est atténuée par le fait qu'il tient son interlocuteur dans ses bras. Junhong ne se laisse donc pas impressionner et répond d'un ton presque insolent.

- Ah oui? Et pourquoi?

- Mais parce que tu devrais me détester, merde!

- Peut-être, mais de tous les gens tordus que j'ai connu, tu es le moins pire parce qu'il t'arrive d'avoir de bonnes intentions envers moi.

- Arrête de me pardonner, on sait tous les deux de quelles horreurs je suis capable. Dès que tu auras tes papiers, tu te barreras chez Himchan ou quelqu'un d'autre, et ce sera bien mie...

- Il y a quelque chose d'autre qu'on sait tous les deux, c'est que tu étais complètement déconnecté de la réalité à ce moment-là. Même pendant que j'étais en train d'avoir le pire moment de panique de ma vie, j'ai tout de suite vu que tu avais l'air spontanément défoncé à une douzaine de drogues différentes en même temps. Je ne vais pas dire que tu es doux comme un agneau, et oui, j'ai souffert, mais ce serait débile de te reprocher d'être timbr... d'avoir des problèmes. Bref... viens manger.

- Mmmhhh.

- Tu veux le mot magique? S'il te plaît.

- Mouais....

Tandis que Yongguk entame mollement son déjeuner accoudé à la table de la cuisine, Junhong commence à dévorer avidement le deuxième tome du Seigneur des Anneaux dans le canapé du salon. Ce dernier passe l'entièreté de sa journée à lire, ne faisant que quelques pauses pour manger et emportant son précieux livre aux toilettes avec lui.

Cependant, quelque chose perturbe son immersion dans l'œuvre: contrairement à leurs habitudes tacites, Yongguk n'est à aucun moment venu le rejoindre au cours de sa lecture. Le jeune homme trouve son canapé bien froid sans présence à ses côtés, et la pièce lui semble trop silencieuse sans la respiration sereine et l'apaisante voix grave de son hôte.

Vers huit heures le soir, il prend la décision d'arrêter de lire pour faire le dîner, et a l'idée de faire participer son aîné à la préparation du repas, un peu inquiet de ne pas avoir vu ni entendu Yongguk depuis midi. Junhong souhaite faire d'une pierre deux coups en adoucissant l'humeur de l'homme tout en se mettant en bons termes avec lui. Cependant, ce qu'il trouve en entrant sans frapper dans la chambre de Yongguk vient se mettre en travers de ses plans.

Esclave | BangloOù les histoires vivent. Découvrez maintenant