Esclave | Banglo

Chapitre 13 - Secrets

Soudain, Junhong rouvre les yeux. Sa respiration est rapide, il ne comprend pas tout de suite où il se trouve. De nombreux souvenirs sous forme de rêves lui sont apparus, mélangés, pendant qu'il était inconscient. Il a entre autres revu le peu de vagues images de ses parents dont il se souvenait, qui étaient à vrai dire plus un assemblage bancal de sons, de couleurs et d'émotions que de véritables images.

Le jeune homme avait le souvenir d'avoir perdu connaissance dans le froid glacial de la forêt, il ne comprend pas pourquoi il fait si chaud ni comment il s'est retrouvé confortablement allongé. Après ces quelques secondes de panique, il réalise que la chose ferme contre lui qui lui tient chaud n'est autre que Monsieur Bang en personne.

- Ah... tu... es réveillé.

- Qu'est-ce que je fais ici?

Junhong, par réflexe, tente de s'éloigner de son propriétaire, mais celui-ci le retient de s'écarter ne serait-ce que d'un petit doigt.

- Eh bien, je suis allé te chercher, répond-il naturellement, comme si cela allait de soi.

- Lâchez-moi.

- Écoute, je suis vraiment désolé...

- Je n'en ai rien à faire, lâchez-moi.

Surpris par l'attitude quelque peu désobéissante du garçon, Yongguk décide se placer au-dessus de Junhong pour le garder immobile et rester maître de la situation.

- Seulement si tu promets de ne plus essayer de t'échapper.

L'adolescent ne répond pas. Il se contente de défier son possesseur du regard, une lueur nouvelle de rébellion dans les yeux. Ce comportement ne plaît bien sûr pas à Yongguk, qui réplique par un regard d'une froideur à geler instantanément une éruption volcanique. Il penche son visage de plus en plus près de celui du jeune homme, puis lui murmure à l'oreille, d'une voix si grave que l'on croirait plutôt entendre le grognement d'un prédateur sauvage.

- Je ne serai pas toujours aussi indulgent. Estime-toi heureux d'être vivant.

Junhong est tout à fait terrifié par ces mots. Pétrifié par la peur, à deux doigts de fondre en larmes, il trouve cependant la force de répondre.

- Je n'ai rien à perdre. J'aurais préféré en finir.

- Promets.

- À quoi bon?

- Si tu promets, je fais quelque chose pour te faire plaisir.

- Bon... je promets que je ne tenterai plus de m'enfuir.

- Bien, réplique l'autre, une ombre de sourire au coin des lèvres. Qu'est-ce que tu veux?

- Un vrai bon repas.

Junhong n'avait absolument rien mangé depuis environ deux jours, son estomac le torturait énormément.

- Je vais faire ce que je peux...

Sur ce, Yongguk laisse le jeune homme seul sur le lit pour se rendre dans la cuisine.

Pendant ce temps, Junhong décide d'explorer l'étage de la maison, qu'il n'a pas encore totalement visité. En dehors du dressing, il y a deux autres pièces. La première que le garçon découvre est une bibliothèque un peu poussiéreuse, plutôt sombre, qui semble contenir plusieurs centaines de livres. Un canapé en cuir noir se trouve à côté de la fenêtre, rendant le lieu plus accueillant et propice à la détente.

Ce lieu fascine Junhong, qui sait à peine lire, n'ayant été scolarisé que jusqu'à son enlèvement à l'âge de cinq ans. Cependant, étant très précoce, il est parvenu à apprendre à écrire et lire très tôt et s'est tant bien que mal exercé à écrire ce qui lui passait par la tête en gravant ou marquant sur le sol lors de ses années de captivité. Il se dit qu'il devra revenir lorsqu'il en aura l'occasion, pour voir ce que valent les vrais livres.

Curieux quant aux goûts de son propriétaire, il décide de jeter un œil aux nombreuses étagères. L'une d'elles en particulier retient son attention: elle est entièrement consacrée à des ouvrages historiques ou généalogiques sur la famille Choseon, la famille impériale coréenne. Cette trouvaille laissant Junhong totalement sans explication, il passe à l'autre pièce inconnue.

Il est encore plus perplexe en entrant dans la pièce suivante, qui n'est ni plus ni moins qu'un studio d'enregistrement de musique avec tout le matériel dont pourrait rêver un musicien: piano, guitare, micros et PC équipé de tout un tas de logiciels pour composer, arranger...

Contrairement à la bibliothèque, le studio est parfaitement propre: les intruments brillent et tout le matériel semble comme neuf. Junhong trouve incroyable la manière dont cet homme prend soin de cette pièce, alors qu'il semble incapable de s'occuper de lui-même convenablement. Jamais il ne se serait douté que ce genre de demeuré aurait un si grand intérêt pour la musique.

Poussé par la curiosité, le garçon allume l'ordinateur (en le tâtant maladroitement de tous les côtés pour trouver le bouton ON), irrésistiblement attiré par le désir d'écouter la musique qu'a composé son détenteur. Celui-ci vivant habituellement seul, le PC n'avait pas de mot de passe. Sur le bureau, Junhong clique sur le dossier "chansons finies". Il met le casque branché à l'ordinateur sur sa tête et clique au hasard sur une chanson nommée "Drunkenness".

Une douce mélodie mélancolique envahit ses oreilles. Il est agréablement surpris, et il ferme les yeux pour mieux apprécier la musique. Toutefois, il les rouvre rapidement, surpris d'entendre la voix grave de Yongguk commencer à chanter. Les paroles sont si touchantes, à briser le cœur même. Elles parlent d'une rupture amoureuse, un sujet somme toute banal pour une chanson, mais traité avec tant de douceur et d'honnêteté. Et sa voix... Elle est simplement délicieuse, sensuelle, mais sincèrement peinée. Junhong ne peut se retenir de pleurer. Il n'a jamais rien entendu d'aussi beau.

Après la fin de la chanson, les larmes continuent de couler sur le visage du garçon. Lorsqu'elles cessent enfin, après plusieurs minutes, Junhong se met à réfléchir au sens des paroles. Elles semblent raconter l'absence de ce Himchan auquel Monsieur Bang tient tant. À la connaissance du jeune homme, Himchan est la seule personne à qui il voue tant d'amour et qui l'a abandonné. Il songe un instant à l'invité mystère, mais cela ne peut pas être lui, puisqu'il a apparemment ses habitudes ici.

Junhong s'apprête à écouter une autre chanson, mais la porte du studio s'ouvre brusquement et Yongguk fait irruption à l'intérieur. À l'expression de ce dernier, Junhong comprend immédiatement qu'il n'a rien à faire ici. Apeuré, il retire le casque et tente de bredouiller une excuse. L'homme devant lui ne lui en laisse pas le temps: il l'attrappe par le bras et le tire hors de la pièce, refermant la porte derrière eux en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

- Qu'est-ce que tu fais ici?!

- Je... je ne savais pas... que je n'avais pas le dr...

- Tu as fouillé dans mes affaires, n'est-ce pas?

- N-non, j'ai juste écouté une chanson...

- TU AS ÉCOUTÉ MES CHANSONS???

Le jeune garçon se fait plaquer sans ménagement sur le mur. Yongguk semble plus furieux que jamais, et un silence de mort s'installe entre eux deux, seulement dérangé par le léger son de leurs respirations. Junhong s'attend au pire. Finalement, le plus âgé demande à voix basse:

- Laquelle?

- Drunkenness.

Pour la première fois depuis leur rencontre, le regard de Yongguk flanche légèrement. Le jeune homme a touché à son point le plus sensible. Après un autre silence semblant durer une éternité, Yongguk change de sujet.

- Descends. J'ai fait du bœuf et des légumes verts.

Tout penaud, l'adolescent suit l'autre jusqu'à la pièce à vivre où la table est dressée pour deux personnes.