Chapitre 6 - Deuxième portrait

171 20 16
                                    

Sans un mot, Yongguk sort de la pièce pour aller le plus vite possible chercher ce que le garçon lui réclame. Mais, arrivé à l'îlot central de la cuisine, il s'effondre soudain par terre pour pleurer. La culpabilité lui pèse horriblement, et il est conscient qu'il mérite bien pire que ce fort sentiment de dégoût envers lui-même.

Il ne souhaite qu'une chose: se réfugier dans sa chambre au plus vite. Se sentant tout de même obligé d'aider le pauvre garçon qu'il vient de faire souffrir, Yongguk écrit et glisse sous la porte de la chambre d'ami un mot expliquant où est le poulet et comment fonctionne le four. Puis il se rend dans son refuge personnel et s'y enferme.

Après environ 30 minutes, Junhong, ne voyant pas son maître revenir, se décide à se risquer hors du lit, puis découvre la note laissée par Yongguk. Malgré le choc provoqué par ce qu'il vient d'endurer, il parvient à remarquer que les jolies mains de son tortionnaire ont une autre qualité que leur beauté: elles savent aussi écrire de façon soignée et rendent agréabe à lire ce qui est inscrit.

Le garçon sort de la chambre d'ami avec l'intention de se rendre dans la cuisine, mais en ouvrant la porte qui donne sur le couloir où l'on trouve la chambre d'ami, la salle de bains et la chambre de Yongguk, il perçoit des bruits provenant de la porte d'en face, qui se révèle être la grotte de l'ours comme Junhong se le dit dans sa tête. En posant son oreille sur la porte, il entend plus clairement les sons et distingue des pleurs et des gémissements. Les plaintes s'arrêtent quelques secondes pour laisser place à un rire dément, qui dure quelques dizaines de secondes, puis ce rire se stoppe aussi vite qu'il a commencé, remplacé par de nouveaux pleurs déchirants.

Plusieurs minutes à écouter des gémissements, des fous rires et des pleurs plus tard, Junhong est pris d'une forte envie d'ouvrir cette porte. Cette fois, les sanglots ne se sont pas arrêtés, ils semblent continuer indéfiniment. L'esclave a beau se répéter que c'est un fou furieux, que cet homme vient juste de le violer, qu'il est dangereux, mais il ne peut pas s'empêcher de le prendre en pitié.

C'est alors que, poussé par la compassion et la curiosité, il toque à la porte. Cela a pour effet de faire soudainement taire Yongguk, qui lui ouvre et l'accueille avec son sourire dérangé. Il fait un signe de la main incitant Junhong à entrer, ce qui révèle au jeune homme ses avants-bras charcutés, saignant abondamment. Le garçon sursaute et fait un pas en arrière, surpris par tout ce sang, mais Yongguk le tire à l'intérieur, toujours souriant.

- Regarde... Regarde comme tu es beau!

Le doigt de l'homme pointe sa toute dernière création: un portrait de Junhong. La peinture rouge représente le garçon nu, assis sur un lit, une jambe étendue et l'autre, repliée, cachant son intimité. La tête de Junhong est posée sur son genou et il pleure sans retenue. Les larmes coulent encore sur les joues de son visage reproduit parfaitement à l'identique, car Yongguk vient seulement d'ajouter la dernière touche à son chef d'œuvre, à savoir quelques gouttes de sang frais supplémentaires sous les yeux du Junhong peint.

Le vrai Junhong, lui, est confus. Il a peur de "Monsieur Bang", capable du pire, mais il a aussi pitié de lui car il est évident qu'il a de sérieux problèmes mentaux et qu'il a besoin d'aide. En même temps, il admire son talent d'artiste et il est fasciné par sa personnalité à double face. Il est également inquiet pour lui, car il a perdu beaucoup de sang. Pourtant le jeune homme devrait se réjouir de la souffrance son tortionnaire. Il devrait se dire qu'il l'a bien mérité.

Mais là, à cet instant, il veut l'aider.

Junhong attrappe la main de l'homme, qui se laisse guider docilement jusqu'à la salle de bains avec un air absent. Le garçon commence à désinfecter ses plaies aux bras. La sensation piquante désagréable semble réveiller Yongguk, qui retrouve sa lucidité et refuse de coopérer plus longtemps avec Junhong en retirant ses bras des mains de celui-ci.

- Arrête. Ne m'aide pas.

- Pourquoi?

- Tu... tu ne devrais pas! Je t'ai... je t'ai... v...

Il ne finit pas sa phrase et pousse sans brutalité le jeune garçon hors de la salle de bains pour s'y enfermer. Junhong reste planté devant la porte, ne pouvant se résoudre à abandonner si tôt son effort pour venir en aide à son maître. S'il parvient à rendre son propriétaire moins atroce en se montrant agréable, peut-être cela évitera-t-il des tentatives de meurtre et viols à répétition. Junhong est tiré de sa réflexion par le son de la douche, ce qu'il trouve étrange puisque Yongguk n'a pas pris d'affaires de rechange. Perplexe, il colle son oreille à la porte et essaye d'espionner pour la deuxième fois en moins d'une demi-heure.

Il perçoit des claquements de dents et comprend que Yongguk est en train de profiter d'une bonne douche froide. Soudain, Junhong se met à angoisser de manière disproportionnée. Pourquoi s'inquiète-t-il tant? Après tout, ce n'est pas son problème si Yongguk gèle. C'est ce qu'il tente de penser, sans succès puisqu'il finit par se dire qu'il vaudrait mieux intervenir pour éviter de devoir supporter un Monsieur Bang malade.

- Monsieur... sortez!

- N-non...

- Si.

- Non!

- Si!

- J-j'ai p-passé l'âge du "non s-si", g-gamin, v-va jouer ailleurs!

- Monsieur Bang, sortez. Ce n'est pas bon pour vous.

Seul le bruit du vent d'automne dans les vitres de la chambre d'amis restée porte ouverte lui répond. Il tente par différents moyens de pousser son propriétaire à sortir, sans jamais obtenir de résultat, jusqu'à ce qu'il ait l'idée, après une vingtaine minute d'acharnement, de prononcer le mot magique.

- Himchan ne voudrait pas que vous fassiez ça.

La douche s'arrête immédiatement. Deux minutes plus tard, la porte s'ouvre sur un Yongguk tremblant violemment, les cheveux humides et les yeux indéchiffrables. Croyant avoir bien fait, Junhong réaffirme:

- Himchan n'aurait pas voulu ça.

- Himchan... arrête... arrête! Ne dis pas son nom, PAS SON NOM, ARRÊTE!!!

Yongguk explose sous les yeux apeurés et impuissants de son esclave. Il pousse sans ménagement Junhong hors de son chemin, avant de frapper dans un mur de toutes ses forces. Ignorant la douleur dans son poing, les yeux pleins de rage, il court dans la cuisine pour balancer des chaises à travers les pièces et donner des coups de pied à tout ce qu'il croise.

Il s'effondre sur le sol quelques instants, gémissant le nom de Himchan. Junhong ose s'approcher lentement, ce qu'il regrette aussitôt puisque le fou se relève, pour lancer cette fois des couteaux dans toute la cuisine. Il s'empare d'un couteau à viande particulièrement gros et probablement coupant pour menacer de poignarder le jeune homme qui s'est tapi dans un coin, mais il s'arrête au dernier moment et laisse tomber son arme, murmurant un vague "désolé" avant de s'effondrer inconscient devant Junhong.

Junhong a devant lui un dangereux fou évanoui seul au cœur brisé blessé en hypotermie avec un caractère imprévisible passant de l'enfant perdu au psychopathe en un clin d'œil.

On peut imaginer des situations plus faciles à gérer.

Esclave | BangloOù les histoires vivent. Découvrez maintenant