Changement d'équilibre - 14 ans 8 mois 22 jours 20 heures

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Elio se concentra sur son incantation, pas vraiment sûr de lui. Inspirer, expirer.
Il posa lentement ses mains à plat sur les contours du cercle.

Mon Oncle me fait confiance, donc je peux y arriver... Je suis l'esprit du Lion et Gardien de la Porte voyons...

En fermant les yeux, il commença à murmurer le sort. C'était une langue ancienne, dont le sens inconnu des gens d'aujourd'hui, appartenait aux vieilles tribus des esprits célestes, maintenant éteintes. Il racontait le début de la lune et du soleil, la course des étoiles dans le ciel, la mort de la voix lactée et de tous les mondes. C'était un chant triste et beau, qui rappelait à Elio les anciennes étreintes de sa mère.

Lentement, un attroupement de nuages se forma au-dessus de la clairière. Comme dans un ouragan, le vent soufflait fort. Presque trop fort même. Mais Elio ne s'arrêtait pas. Les bras levés, les yeux plissés de concentration et la gorge sèche à force de crier par dessus le vacarme ambiant, il continuait coûte que coûte.
Un ou deux éclairs tonnaient maintenant dans le ciel orageux et quelques arc d'énergie rouges parcouraient le cercle. De l'autre coté, Polyussica marmonnait son texte, tête baissée. En tant qu'aide, sa tâche était de structurer le sort, de le recadrer en cas de problème.
Le processus s'accéléra d'un seul coup, comme un cheval qui s'emballe et part au galop. La peur de l'échec montait à l'intérieur de la poitrine d'Elio, de plus en plus forte et écrasante.
En secouant la tête, il passa à la phase deux de la guérison.

En tout il y avait trois parties : l'accumulation d'énergie, l'entrée de la charge dans le corps à soigner et le retrait en passant par la terre. En somme, foudroyer la jeune fille sans causer de dommage physiques.
Pour cela, il fallait utiliser une grande charge d'énergie à l'état pur, rapidement accessible et facilement manipulable.
Enfin ça c'était la théorie. Dans la pratique, on oubliait vite les petits désagréments du genre de la douleur du patient ou du temps de l'opération.
Donc le "manipulable" passait à la trappe et on utilisait des éclairs. Simples, direct, efficace.
Un de ceux-ci frappa le sol à quelques mètres à peine du cercle. Sa couleur rouge inhabituelle resta imprimée dans les yeux de l'adolescente placée au milieu. Elle allait devoir prendre ça. Sur elle.

Elio abaissa ses bras, les yeux écarquillés, fixés sur Natshi, elle aussi terrifiée. Les éclairs suivirent le mouvement, ils tonnaient maintenant au sol, frappaient l'herbe de toutes leurs forces, toujours plus près de la patiente. Bientôt, un rideau de lumière rouge et de bruit à s'en perçer les tympans sépara Natshi du monde extérieur. Elle avait juste eux le temps de regarder une dernière fois le ciel noir. Noir comme son avenir.
Natshi se força à rester calme, en vain. Il ne fallait pas paniquer, sinon Elio paniquerait. C'était son opération, il savait ce qu'il faisait, et il fallait lui faire confiance. La jeune fille voulait lui faire confiance.

Le meneur de ce ballet monstrueux, aidé de son assistante, commença le décompte en rythme précis. Il poussa un profond soupir. Le moment décisif était arrivé. C'était un saut dans le vide, sans la sureté du filet protecteur en bas.

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Lucy eut a cet instant un horrible doute. Et si... et si elle faisait trop confiance ? Elio était un tout jeune esprit, à peine en possession de ses nouveaux pouvoirs de clé d'or. Il n'avait encore rien vécu, rien fait, rien prouvé... Et elle allait jeter sa fille entre ses mains là, qui n'avait donné aucune sécurité du retour ? Pendant quelques secondes, tout son corps hurlait de courir, de se jeter entre les éclairs et sa fille, de la protéger. Mais elle ne pouvait pas. Ses bras passés autour du cou de Natsu lui paraissaient comme des liens qui la retenait. Et puis... Elio avait la confiance du Roi, non ? Il pouvait le faire, il était l'esprit du Lion.
L'indécision la rongeait. Y aller ? Laisser faire ?
Puis le mage de feu se redressa, posa la tête de la blonde sur son épaule et elle sut qu'il était trop tard. Maintenant, elle ne pouvait plus partir sans donner d'explications.
Elle qui ne pouvait même pas se l'expliquer à elle-même.

Double vie Où les histoires vivent. Découvrez maintenant