—Sébastien—
Cela faisait 2 jours que Dante était parti dans cette foutue "médiathèque", si je me souviens bien du terme exact. Deux jours que j'étais enfin au calme, sans chat de gouttière pour me réveiller de mes siestes... Et ça commençait déjà à m'ennuyer.
C'est vrai, quoi, maintenant j'ai plus personne contre qui râler ! Gabriel et Raphaëlle passent leur temps à fouiner les rues en quête de façons de voler du thé, alors j'ai beau les aider de temps à autre, ça devient vite chiant quand ils assomment les gérants des magasins pour que je les manipule dans leurs sommeils afin qu'ils aient l'air normal auprès des autres clients le temps qu'on prenne notre butin et qu'on se taille.
Dante avait fait l'erreur d'assassiner 3 personnes peu après notre arrivée. Il était hors de question que nous nous fassions remarquer pour les meurtres d'une cinquantaine de gérants de magasins de thé juste pour que ces deux timbrés puissent se droguer. Enfin timbrés... Il y en a bien une qui l'est plus joliment que l'autre.
J'étais en train de dormir quand je sentis qu'on me tapotait l'épaule. Levant la tête, j'aperçus le visage timide et encadré de lunettes de Tim. Il avait l'air de vouloir me demander quelque chose. Baillant, je lui demandais ce qu'il voulait, mais n'eus pas le temps de finir ma phrase :
-J-j'aimerai que tu m'accompagnes p-pour me montrer la ville.
-Pourquoi faire, répliquais-je de mon habituel ton trainant de fatigue ?
-J-je voudrais sortir un peu, e-et vu que tu connais un peu le coin et q-que les jumeaux sont occupés, j'ai pensé que...
-Pas la peine, j'arrive.
Il me sourit gentiment tandis que je me levais avec un dernier bâillement pour le guider hors de l'immeuble, avec un petit sourire aux lèvres.
N'importe qui aurait dit que Timothy avait mal choisi son jour pour sortir en raison du vent qui faisait rage, accompagné de quelques gouttes de pluie par moment. Mais en ce qui me concernait, je trouvais le temps acceptable. Le soleil me causait des maux de crânes horribles à cause de mes yeux, plus habitués à l'obscurité du sommeil qu'à l'éveil et sa clarté.
Nous avons marché ce que ma montre à gousset indiquait comme un quart d'heure avant d'atteindre la ville. La Souris avait vraiment l'air émerveillé en voyant les hauts édifices et les voitures qui circulaient dans les rues goudronnées. Il faut dire que cette époque lui semblait futuriste. S'il avait pu s'attarder dans les rues lorsque nous voyagions afin de trouver le meilleur lieu de résidence possible, il l'aurait fait sans hésiter.
Je décidais d'amorcer un début de conversation après avoir baillé tout mon soûl :
-Le monde ne ressemblait pas à cela quand tu es mort, non ?
-A-absolument pas ! C-c'est fabuleux ici !
Il m'offrit un grand sourire qui m'amusa alors que je lui proposais de passer dans un magasin de vêtements, histoire de rire un peu en voyant la tête des fringues à la mode ces temps-ci.
Seulement, nous venions à peine d'entrer que les regards que lançaient vendeurs et clients me mettaient déjà en rogne. Quoi, on fait encore ce qu'on veut non ? Connards !
Tim fouinait dans les rayons d'un air émerveillé, comme s'il n'avait jamais vu autant de vêtements réunis au même endroit. Il courait partout, comme la petite souris qu'il était alors que je le suivais à la trace en baillant, souriant. Il avait l'air de s'éclater, bien qu'il n'ait pas voulu que je lui achète le moindre bout de tissu. Nous sortîmes donc afin de visiter d'autres lieux de la ville, tout aussi banales pour les humains qu'ils lui étaient merveilleux. Il n'avait tellement pas l'habitude de ce genre de lieux que ça revenait pour lui à des voyages dans le temps. En ce qui me concernait, j'étais moins émerveillé que surpris par les nouveauté. Je savais comment grandissaient les villes, j'avais été ouvrier avant de m'engager dans l'armée française pour défendre mon pays, puis d'entrer dans la résistance lorsque nous eûmes perdu la guerre. Et puis, cette ville avait été la mienne.
Je me demande d'ailleurs ce que sont devenus ma femme et mon fils après ma mort... Je me demande quels âges ils doivent avoir aujourd'hui... Ont-ils pu vivre heureux ? Je préférais ne pas y penser, de peur que la réponse à ces questions ne me déçoive, et me concentrais sur les réactions de bonheur de mon ami qui courait partout.
Seulement, alors que nous nous baladions dans un parc publique, une petite fille me fonça dedans par inadvertance et tomba sur les fesses, les yeux humides. Je m'agenouillais à ses côtés pour l'aider à se relever, Tim ayant cessé sa course pour se poster à mes côtés. Je lui tendis la main :
-Allons miss, lève-toi.
Elle prit doucement ma main, avec hésitation et murmura :
-Grand-père m'a dit de ne pas parler aux inconnus...
-Dans ce cas, allons chercher ton grand-père, qu'en dis-tu ?
Mes propos eurent l'air de la rassurer. Elle me guida jusqu'à un banc un peu éloigné où était assis un vieil homme assez élégant, en dépit de son âge. Il leva un regard interrogatif vers moi, qui me semblait légèrement familier. Je m'empressais de répondre, après un bâillement :
-Elle m'a foncé dedans par inadvertance, alors je lui ai dit que je la ramènerai vers son grand-père.
-Eh bien merci, monsieur, c'est bien gracieux de votre part. Je vous en remercie.
-Je vous en prie.
Je m'apprêtais à partir avant qu'il ne m'interpelle :
-Excusez-moi, mais ne nous sommes-nous pas déjà vu quelque part ?
-Je ne crois pas, non, baillais-je.
Il me fixa quelques secondes, sous l'œil totalement perdu de Timothy, jusqu'à ce qu'il me lance un petit sourire triste. Quand je lui demandais ce qui n'allait pas, il me répondit toujours avec ce petit rictus mélancolique :
-Vous ressemblez à mon père... Enfin, sur les photos que j'ai de lui.
Il fouilla dans sa poche et en sortit son portefeuille, dans lequel il saisit une petite photo qu'il me tendit. C'était la photo de mon mariage avec Jeanne. Je savais ce qu'était devenu Éric maintenant... Je lui rendis la photo en cachant ma peine, répondant qu'effectivement, nous nous ressemblions beaucoup, puis lui souhaita un bon soir avant de repartir en direction du building abandonné dans lequel nous vivions.
Nous sommes restés silencieux quelques secondes jusqu'à ce que Tim me demande d'un ton hésitant :
-T-tu le connaissais ?
Je baillais et lâchais un bruit bizarre, mélange de rire et de sanglot avant de répondre :
-Tu viens de rencontrer mon fils... Je ne pensais pas qu'il serait resté vivre ici.
-A-ah... D-désolé...
-Pourquoi tu t'excuses, ce n'est pas de ta faute, si ?
-N-non, mais bon...
Je lui souris gentiment avant de lui ébouriffer les cheveux. Il poussa un petit cri de mécontentement. Puis au bout de quelques secondes, il me demanda :
-E-et sinon, niveau cœur, t-tu en es où, toi ?
-Nulle part, je suis au milieu de beaucoup de potes cools, pas envie de gâcher nos relations par amour...
Même en ce qui concerne cette magnifique Raphaëlle... Mais ça, c'est mon petit secret.
-Et toi ?
-N-nulle part également...
-Dans ce cas, soyons deux excellents potes, d'accord mon grand ?
-D-d'accord...
Nous finîmes par rentrer dans notre foyer temporaire.
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Le Monde des Humains, la Première Face du Miroir (EN PAUSE)
ParanormalSuite du premier bouquin sur Alice au Pays des Merveilles, enjoy ! ^^