Chapitre 10 : Discussion Sentimentale

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—Eve—

Les autres m'avaient chargé de surveiller l'humaine. Rachelle s'était révélée être une demoiselle timide et peu sûre d'elle. De plus, son sens de l'esthétique était plus que déplorable. Aussi, je décidais de profiter de tout le temps que nous avions pour discuter d'une tenue qui serait relativement élégante et qui, de plus, lui siérait. 

Enfin, c'est ce qu'il arriverait si Sofia ne s'instaurait pas entre nous. C'était une toute jeune enfant, et je savais que je ne devrais pas me comporter de façon aussi hautaine et impolie avec elle, mais j'ai de nombreuses difficultés à gérer les petites filles. Probablement à cause de mes demis-sœurs. Seulement, cela faisait longtemps que je n'avais plus à les supporter. Malgré ce fait, à chaque fois que je voyais Sofia agir au travers du corps de Rachelle, avec toute l'innocence et la candeur de l'enfant qu'elle avait dû être, lors de son vivant, je ne pouvais m'empêcher de repenser à ces filles-là, celles qui, de part leur éducation et leurs jeunes âges, ne savaient faire la différence entre un paillasson et un être humain.

Lorsque je lui avais posé des questions sur l'existence de Sofia, Rachelle m'a révélé qu'elle était sa grande sœur, de 2 ans son aînée. Elle s'était brisée la nuque en tombant d'un arbre, qu'elle avait défié ses amis d'escalader lorsqu'elle avait 8 ans. Mais Sofia ne se considérait pas comme mort, elle pensait que son corps était simplement dysfonctionnel, et de ce fait, elle avait demandé à sa sœur si elles pouvaient partager le même corps. Bien entendu, la petite sœur ne pouvant rien refuser à la grande, elles habitaient désormais dans la même enveloppe charnelle.

En attendant, j'essayais de montrer à Rachelle que porter constamment des chemises vertes n'était pas quelque chose de très élégant, et que vu son joli minois, elle pourrait se vêtir de façon bien plus esthétique.

Cependant elle ne semblait pas très réceptive à mon discours, aussi j'ai supposé qu'elle était comme Émilie, une jeune fille qui trouve ce genre d'enseignement barbant et qui préfère s'adonner à toute autre activité un peu plus intellectuelle. En remarquant cela, je tentais de la sortir de sa rêverie en lui souriant gentiment :

-Vous n'écoutez pas ce que je dis, n'est-ce-pas ?

Elle avait l'air confuse et baissa la tête :

-Pour ne pas vous mentir... Oui, votre altesse...

-Hé, ne vous en voulez pas, je peux comprendre que cela ne vous intéresse guère. Je ne suis pas une brute assoiffée de sang, vous savez.

-Sans vouloir être vexante... Vu vos réactions démesurées, par moment, hein ! Je peux me poser la question.

Elle avait l'air subitement très mal à l'aise. Mais au vu de sa politesse et de sa gentille franchise, il m'était impossible de lui en vouloir. Je saisis son menton d'une main et le releva vers mon visage pour lui montrer que je souriais, et que je n'étais effectivement pas vexée.

-Je ne vous en veux pas, je vous le dis et je vous le répète. Vous faites bien de me dire ce que vous pensez, s'il y a une chose que je hais encore plus que la moquerie, c'est l'hypocrisie. Surtout en ce qui concerne ma personne.

Elle me rendit mon sourire. Je rajoutais :

-Mais ce n'est pas pour autant que je vais rechigner à vous faire changer votre tenue vestimentaire absolument immonde. En attendant, est-ce-que cela vous intéresserait d'aller étudier auprès d'Ambre, d'Émilie et de Lewis ?

Rachelle fit montre d'un engouement particulier envers cette proposition et se leva, me tendant la main pour m'aider, à mon tour, à quitter le sol poussiéreux. Je la guidais jusqu'à l'appartement voisin et frappais à la porte.

Le Monde des Humains, la Première Face du Miroir (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant