L'homme aux mille mots

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J'ai finit par ne plus la voir, à force de passer devant. Donc je n'ai jamais répondu à mes questions. Je suppose que ce n'est pas grave. Proposons cela comme un suspens infini, un mystère éternel.

Pourtant je me suis souvenue l'autre jour, d'un souvenir justement. Une simple vague de mots vagues eux aussi.

"L'homme parlait huit langues."

Le fait d'avoir si peu d'informations a construit comme un mythe. Alors, l'autre jour, quand je suis repassée devant, j'y ai songé.

Une vieille bâtisse très délabrée, le sorte d'engin agricole toujours à la même place. La nature a repris ses droits, du moins en partie. Les volets en bois peints de rouge voient la couleur partir en lambeaux. Pas de portail devant mais un semblant de mur. Le marron de la façade est accompagné d'un noir crasseux issu de la crasse, d'ailleurs. Les rideaux semblent ne pas avoir bougés depuis un siècle, tout comme les piles de livres qu'ils laissent entrevoir. La maison serait remplie de ces livres que ça ne m'étonnerait pas.

On m'a dit petite que celui qui y habitait parlait huit langues. Je me souviens imaginer ces huit langues comme une infinité de paroles, un flot continu d'histoires passionnantes. Pour moi, c'était l'homme aux mille mots, l'homme aux mille langues.

Je l'imaginais comme un vieux barbu, de taille moyenne, le dos à peine courbé avec une de ces anciennes cannes en bois mais marchant correctement. En fait, il n'en aurait pas réellement besoin de cette canne. Il paraîtrait renfermé de l'extérieur mais il suffirait de s'approcher et de parler avec lui pour qu'il devienne calme et souriant. C'était, pour l'enfant curieuse de l'époque, la figure apaisée d'un sage près à donner, à offrir son savoir.

Je n'ai jamais vu personne sortir de cette maison, même pas un signe de vie.

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