L'attente

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Dans les salles d'attente, mon plaisir coupable, c'est d'observer les autres patients. D'autres humains. Aujourd'hui, c'était le ballet des lectrices.

Il y avait cette jeune femme séduisante, séduite par la littérature française. Elle retenait des exclamations, touchée au cœur, choquée, triste, amoureuse.

Et puis, ce couple apaisant, une mère et sa fille. La fille avait l'âge de ma mère. Un livre à la main,elle était absorbée par la lecture. De temps à autre, comme une enfant, elle montrait des passages à sa mère, pour qu'elles s'en amusent ensemble. Un paradoxe par observation de quelques détails,se créait. La fille disait à sa mère les passages, pour l'aider à lire, comme une maman apprend à sa fille la lecture justement. Et puis cette maman-mamie-enfant avait la posture d'une adolescente. Je la voyais se tourner les pouces, avachie dans un siège, le regard dans le vide. Elle me semblait aussi impatiente qu'une prépubaire face à ce futur rendez-vous médical.

Plus tard encore, un père et son fils se sont postés sur une rangée de sièges, dans le couloir, juste à côté de salle où nous attendions tous. Le jeune homme, le fils,avait une stature d'adolescent fier, de futur héros. Le père, lui,parlait avec le vocabulaire et le ton insouciant d'un enfant. Il avait le rire d'un petit garçon content d'une de ses blagues. Et même son corps avait un langage de gosse. Ses mains étaient accrochées aux bretelles de son sac à dos. Et il donnait des accoups avec ses pieds dans les chaussures de son fils comme dans des tambourins, avec un rythme régulier, comme un jeu qu'il aurait l'habitude de faire.



Ensuite, j'ai du quitter ce spectacle candide. Le médecin m'annonçait la fin de la pièce par le simple fait de prononcer mon nom.

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