L'immeuble maudit - L'Épreuve Parallèle (en pause)

Chapitre 7

18/04/224, 14h30

Coup. Glisse. Glisse. Coup. Coup...
Lucie s'exerçait depuis déjà une heure à mémoriser et à apprendre le langage morse.
Et plus particulièrement à faire la phrase "Qui es-tu ?". Ce n'était pas si compliqué, compte tenu du fait que la jeune fille avait une feuille en sa possession avec l'alphabet.
Coup. Glisse. Coup.

— Raah ! s'énerva-t-elle.

Elle tapa du poing sur la table. "Un peu de patience", s'encouragea mentalement Lucie. L'effort en valait la peine. C'était le prix à payer pour pouvoir communiquer avec celui ou celle qui se trouvait dans la pièce d'à-côté.
La jeune fille se trouvait dans une salle informatique, avec la permission de Severina. La jeune femme semblait s'être calmée et avoir oublié leurs différents.

— Concentre-toi, s'exorta Lucie...
Elle souffla puis réessaya.

***

La blondinette se trouvait dans son lit, à attendre le moindre signe de vie de la personne à côté. Elle avait bien inculqué les notions du morse et avait hâte de voir ce que ça donnerait. Toujours rien, et la jeune fille perdait patience.
"Mais qu'est-ce qu'il fout bon sang ?"
Si c'était un garçon, évidemment.

Lucie somnolait. Elle regarda l'horloge digitale au plafond. Ses gros chiffres rouges indiquaient 23h25. Serait-il encore à l'extérieur ?
Soudain, elle entendit une porte s'ouvrir et une clé tourner dans une serrure. Ça y est.
La jeune fille tendit l'oreille, aux aguets. Là. Un frottement significatif. Une demande de présence ? Lucie passa sa main sur le mur à son tour. Pas de réponse. Elle recommença son geste. Et puis, tout doucement, l'autre lui répondit. La jeune fille traduisit les coup et les glissés.
*Il y a quelqu'un ?*
Folle de joie, Lucie formula soigneusement une réponse à son tour.
*Oui. Qui es-tu ?*
Hésitation.
Lucie colla sa tête au mur, s'imaginant l'enfant derrière en train de choisir ses mots.
*Je suis un garçon. Et toi ?*
*Une fille. Tu as quel âge ?*
Pause.
*Onze ans, et toi ?*
*Dix.*
*Ravi de faire ta connaissance.*
*Plaisir partagé. Ça fait six ans que je n'ai pas parlé avec un autre enfant de mon âge.*
*Moi non plus. C'est triste et je m'ennuie tout seul.*
*Moi aussi.*
Du bruit résonna dans le couloir et Lucie se figea.
Le garçon aussi, compte tenu du silence qui s'ensuivi.
*Quelqu'un vient. On reparle plus tard, ok ?*
*Ok. Demain ?*
*C'est d'accord, même heure.*
Lucie ne put pas répondre. Une femme avait fait irruption dans la chambre voisine. Elle entendit des éclats de voix, de surprise et d'agacement. La jeune fille ferma les yeux pour mieux saisir les paroles échangées entre les deux interlocuteurs.

— Mais enfin, qu'est-ce que tu fais ? demanda la femme. Tu as vu l'heure ?

Seuls des morceaux de phrases lui parvinrent.

— Oui...je ferai attention...d'accord...

Lucie avait espéré connaître le prénom du garçon. Mais la femme ne l'avait pas prononcé, comme si c'était fait exprès. Bizarre. Quel pourrait être l'intérêt de cacher le nom des uns aux yeux des autres ? Lucie grogna de mécontentement. Trop de mystères. Énervée au plus haut point par l'attitude douteuse des employés du WICKED, Lucie se rallongea et ferma les yeux. Sa courte nuit fut truffée de rêves.

La fillette, à cinq ans, se trouve dans un grand bureau, entourée de gardes à l'aspect menaçant. Leurs poings sont serrés sur leurs lançeurs et il est impossible pour elle de distinguer le moindre trait de leur visage.
Une porte à sa droite s'ouvre et deux médecins en blouse blanche apparaissent dans l'encadrement. La petite fille les observe, curieuse, en oubliant momentanément la présence des gardes. L'un des deux médecins, une femme de petite taille à l'air coincé, tire un fauteuil en face de la blondinette et la regarde quelques secondes, avant de chuchoter à l'oreille de son collègue qui a pris place à sa droite. L'homme affiche un rictus méprisant sur son visage et dévisage Lucie à son tour.
Mal à l'aise, cette dernière détourne le regard, et baisse les yeux.
À cet instant, un homme imposant de grande taille et aux larges épaules fait son entrée dans la pièce. Il ne tarde pas à se présenter.

— Bonjour à tous. Pour les rares personnes qui ne le savent pas, je m'appelle Anderson. Je suis depuis peu le nouveau chancelier de l'organisation du WICKED, qui a pour but de trouver un vaccin contre le virus Braise. Il se trouve en effet que notre ancien représentant, M. John Michael, ait présenté les premiers signes avant-coureurs de la maladie. Rien n'est encore sûr, nos équipes médicales l'examinent encore pour le moment.

L'homme ressère sa cravate et tourne la tête vers Lucie.

— Bonjour Mlle Hayle.

La petite fille, ne sachant pas quoi répondre, hoche légèrement la tête en guise de salut.

— Bien. Je vois que nous sommes au complet, la réunion peut enfin commencer.

Lucie se réveille en sursaut, alertée par un vacarme à l'extérieur de sa chambre. Son rêve, quoique perturbant, ne lui a rien appris. Elle se souvenait encore de cette réunion, où le nouveau chancelier lui expliquait l'origine du WICKED, ses actions, pourquoi il existait, les éruptions solaires, etc...sur une diapositive, des vidéos et des images affreuses montraient le monde dans l'état actuel, les radiations, les émeutes, les hallucinés. La blondinette avait pris peur devant tant d'atrocité, et n'avait pas pu s'empêcher de mettre ses deux mains sur ses yeux. Anderson lui avait cepandant expliqué qu'elle n'avait pas été la seule à avoir assisté à cette réunion, que d'autres enfants de son âge aussi.
La jeune fille mit ses souvenirs désagréables de côté et se prépara. Depuis environ trois-quatre mois, Lucie avait la permission de se rendre par ses propres moyens à la salle où elle prenait son petit-déjeuner. Une liberté qui venait à point, et dont elle profitait pleinement. Après tout, pourquoi s'en priver ?
Sa coiffure vérifiée une dernière fois, Lucie ouvrit la porte de sa chambre et jetta un oeil dans le couloir. Il était désert. La jeune fille se glissa donc dehors et ferma doucement sa porte. Puis une idée lui vint.
Elle alla se poster devant la porte voisine et colla son oreille gauche dessus. Aucun bruit, ni le moindre mouvement à l'intérieur. Déçue, Lucie tourna les talons et s'aventura dans le dédale du complexe.
Elle mangea, toujours en zieutant du côté des garçons dans le self, puis se prépara avant d'aller à son cours de chimie.

***

— Dans une semaine, tu rencontres quelqu'un de très important, lui apprit Severina.

Lucie se tourna vers elle, la bouche pleine, intriguée. Elle était en train de finir son yaourt, et se dépêcha d'avaler sa dernière cuillerée.

— Ah bon ? Anderson ? Mais je l'ai déjà...

— Non, ce n'est pas lui, la coupa son assistante.

— C'est qui alors ? s'enquit Lucie.

— WICKED préfère que tu le découvres par toi-même, le moment venu. D'accord ?

— D'accord.

La blondinette bailla à s'en décrocher la machoire, puis s'étira longuement avant de relâcher ses bras qui retombèrent mollement le long de son corps.

— Je vais aller au lit...

— N'oublies pas ta piqûre.

— Ah oui...

Severina regarda la jeune fille. Il y a trois ans, elle aurait sauté de joie, grâce au carré de chocolat qui l'attendait à la fin. À présent, elle avait juste prit le pli, et pour elle c'était devenu une routine comme les autres. La jeune femme ne pu s'empêcher de penser avec regret que la fillette qu'elle avait connue n'existait plus. Les enfants grandissaient toujours trop vite.

***

La semaine passa à vitesse grand V. Lucie n'avait pas vu le temps passer, que déjà, Severina l'attendait devant la porte de sa chambre, pour la conduire à un important entretien. Impatiente, la jeune fille s'était habillée rapidement, et marchait désormais derrière son assistante, dans une partie du complexe qui lui était totalement inconnue. Elle regardait partout autour d'elle, à se tordre le cou. Des tableaux, montrant de jolies fleurs et des animaux, qu'elle avait étudié en biologie, décoraient le couloir immaculé qui s'offrait à elle.
Severina s'arrêta enfin devant une porte grise, portant un écriteau en fer. Dessus, il y avait des inscriptions, que Lucie déchiffra.
En lisant ce qui était marqué, elle déglutit et son rythme cardiaque s'accéléra.

Dr Ava PAIGE
  Chancelière adjointe du
WICKED
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