Chapitre 18

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17/06/226, 5h08

Lucie marque un temps d'arrêt. Comment ça, dans le Labyrinthe ?
- C'est une plaisanterie ? Une mauvaise blague ?
Severina, qui a séché ses larmes, détourne le regard.
- Sev...réponds-moi.
Son assistante daigne enfin lui faire face.
- Non.
- Quoi, non ?
- Je te dit la vérité, Lucie.
- Impossible. Vous ne pouvez pas m'emmener là-dedans.
La jeune fille sait pourtant que WICKED ne ment pas dans ces cas-là. Et le silence de Severina l'angoisse d'autant plus qu'elle comprend que la jeune femme ne la détrompera pas.
Les larmes menaçent de revenir mais Lucie les retient avec force. Pas question de chialer, là, maintenant. Ça donnera encore plus l'envie à Ava Paige de l'envoyer dans le Bloc. Comme le docteur lui avait décrit l'endroit.
Elle décida de mettre le sujet de côté et de révéler à son assistante la présence d'un malade mental au sein du complexe.
- Severina ? Je crois qu'on a un gros problème.
- Oui ?
- Il y a un fondu dans les sous-sols...
Devant l'abscence de réaction de son assistante, elle insista.
- Eh ! Oh ! Je te parle là !
- Nous sommes déjà au courant.
- Huh ?
- Des gardes l'ont abattu.
La blondinette n'en croyait pas ses oreilles. Maintenant on tuait des gens, comme ça, à froid ?
- Mais...c'était un employé, protesta Lucie.
- Un contaminé...
- Toi aussi, je te rappelle.
Severina la fusilla du regard. La jeune fille regretta immédiatement ses paroles un peu trop attives.
- Excuse-moi. Je ne voulais pas te...
- Tais-toi.
- ...blesser.
L'assistante grelottait. Lucie commençait aussi à prendre froid.
- C'est déjà suffisamment dur comme ça, asséna Severina. Pour moi.
- Je t'ai demandé pardon.
Son assistante eut un rire forcé. Il se transforma en un éclat plus intense et hystérique, et les épaules de la jeune femme tressautèrent brusquement.
- Sev ? Est-ce que ça va ?
- Ça ne te fait ni chaud ni froid, hein ?
- Mais comment ose-tu dire une chose pareille ? répliqua la blondinette. Severina !
Cette dernière se tut.
Lucie opta pour la douceur.
- Viens, on rentre. Il y a beaucoup trop de vent ici.

Elles rentrèrent dans le couloir. Une fois la porte fermée, le silence revint en masse entre les deux femmes, tendu et pesant. Severina finit par le briser. Elle leva la main vers Lucie. Celle-ci la serra.
- Faisons la paix. Ce n'est pas le moment de nous engueuler pour des broutilles.
- Je suis entièrement d'accord avec toi. Si tu me disais plutôt pourquoi vous...
- Pas maintenant, l'interrompit Severina.
- Mmh...OK.
Son assistante secoua la tête et se massa les tempes.
- Viens avec moi, Lucie.
- Pourquoi ? répondit la jeune fille avec méfiance.
Severina lui sourit, une lueur de détresse dans le regard.
- Je comprendrais si tu ne veux pas mais...comment dire...j'ai beaucoup de choses à te montrer, à t'avouer, enfin, tu verras. Cela te résumera assez bien la situation.
- J'ai le droit de savoir des choses, maintenant ?
- Non. Mais moi, j'en ai ras-le-bol de tout te cacher. WICKED ne saura rien. Pas tout de suite.
Le visage de Lucie s'éclaira.
- Tu comptes leur faire un coup ?
- Braver l'interdiction.

Severina emmena la blondinette dans une zone du complexe que Lucie n'avait jamais pu explorer, celle-ci étant cadenassée à triple tours. Arrivées à une porte, elles s'arrêtèrent, et l'assistante se tourna vers la jeune fille.
- Es-tu prête, Lucie ?
La blondinette hocha la tête et déglutit avant de pénétrer dans la pièce à la suite de la jeune femme.

***

Lucie se trouve dans une salle remplie d'écrans de contrôle, et d'ordinateurs. À ses côtés, Severina pianote sur un clavier et entre un code d'accès. Elle ouvre un fichier renfermant des informations confidentielles et des dossiers concernant des messages gardés secret, et clique sur l'un d'entre eux. Il parle d'une certaine Katie McVoy.
- C'est elle, dit Severina.
Elle ferait partie des membres du conseil du PFC, Coalition post-éruptions, et, après réunion sur les mesures nécessaires à prendre au vu du problème de surpopulation en fonction des ressources, aurait proposé la solution au premier chancelier, John Michael, sous forme d'un virus mortel, qui ferait disjoncter le cerveau en douceur. "En douceur"... la bonne blague.
Lucie ricana nerveusement et continua à lire. Severina passa au suivant. Il s'agissait de la réponse approbative de John Michael.

Lucie serra les dents et ferma les poings...pourquoi ? Pourquoi ?
Tant de questions, et si peu de réponses. En acceptant cette alternative, le chancelier signait son arrêt de mort. Et celui de tellement d'innocents...à cause de cette foutue décision, la vie de Lucie et celle de milliers d'autres était détruite, sans retour en arrière possible.
Une larme roula sur sa joue. Elle l'essuya d'un geste rageur avec la manche de son pull et renifla avant de se pencher à nouveau vers l'écran.
Severina fit défiler la note. La réponse du chancelier à McVoy.
Une autre.

Il avait déjà envisagé cette solution parmi les autres et demandait à ce qu'ils en rediscutent en privé. Plus loin, une note de service, écrite le 12/2/219, à 19h32, détaillait la mise en oeuvre de l'Initiative de contrôle de la population n°1. "Et certainement la dernière", pensa amèrement Lucie. Sur recommandation du PPC, Commité de contrôle de la population, ordonnance n°13 du PFC...le chiffre porte-malheur. Il portait mieux que jamais son nom, désormais...

S'en fut trop pour Lucie. Elle se leva brusquement, faisant crisser sa chaise sur le carrelage.
Severina ne la retint pas.
Elle savait aussi bien qu'elle ce que l'on ressentait en apprenant la vérité. Trop lourde pour l'ignorer.
Avant de sortir de la petite pièce, Lucie se retourna vers la jeune femme.
- Merci, Severina...pour ne rien m'avoir caché. Vraiment.
- Je ne pouvais pas te protéger plus longtemps des vraies sources de ce carnage. Je n'en pouvais plus, Lucie. Je vais sûrement me faire réprimander par le chancelier du WICKED mais ça n'a plus d'importance à présent. Tu es grande, tu as le droit de savoir. Peu importe ce qu'en pensent les supérieurs.
Lucie lui sourit. Severina fit une moue triste et se détourna.
- Tu es loin de tout connaître...mais bientôt...tu verras...

Troublée par ces dernières paroles, Lucie quitta la salle et s'aventura au gré de ses envies dans les larges couloirs du complexe. Il étaient déserts.
Puis, accablée des révélations auxquelles elle avait dû faire face, elle s'écroula dos contre le mur en se laissant glisser au sol. Elle ramena ses jambes vers elle et les entoura de ses bras tremblants.
Sa poitrine lui faisait mal et son coeur comprimé était douloureux lorsqu'elle respirait. Puis, sans qu'elle puisse les prévenir, les larmes se mirent à couler. Un torrent d'eau salée ravagea son visage et elle enfouit sa tête dans ses bras croisés, assaillie par les pleurs, son buste parcouru de soubressauts.

***

Elle ne sut pas combien de temps elle resta ainsi, à même le sol, à pleurer toutes les larmes de son corps. En cet instant, le manque cruel de ses parents et de ses frères et soeurs lui revint en pleine figure.
- En une nuit, c'est trop, sanglota-t-elle.
Effondrée, Lucie tenta de calmer sa respiration saccadée et ses sanglots.

Au bout de vingt minutes, les larmes s'étaient taries et ses yeux étaient secs.
Elle trouva enfin la force de se relever et de se reprendre en main. Plus aucune émotion maintenant. Plus aucune trace de faiblesse. Elle érigea une barrière de protection autour de son coeur ainsi que ses sentiments et mit ses souvenirs de côté.
Elle allait devoir se ressaisir.
Pour eux. Pour leur faire honneur. Qu'ils ne soient pas morts pour rien.
La préparation de Lucie et son enseignement étaient bientôt arrivés à terme.

***

Durant les mois qui suivirent, Lucie repensa souvent à ce qui allait lui arriver. Plus elle y réfléchissait, plus elle se disait que, tant pis, elle était prête à se sacrifier au nom de la science. Ce qui comptait désormais, c'était de trouver un vaccin contre la Braise. Stopper cette saloperie de fléau, tout reconstruire. Et c'était loin d'être gagné.

Plus le temps défilait, plus la jeune fille voyait ses tests et ses examens quotidiens prendre en vitesse et en intensité. Tout devenait plus lourd, à mesure qu'elle prenait de l'âge. La blondinette croyait dur comme fer que WICKED lui ferait passer les Épreuves du Labyrinthe. De plus, elle se sentait en confiance par rapport à ses connaissances sur le sujet.
Tranquille, elle ne s'en préoccupait pas.

Mais comment, à douze ans à peine, aurait-elle pu deviner que le WICKED manigançait dans son dos ?

Qu'il lui mentait depuis le début ?

L'immeuble maudit - L'Épreuve Parallèle (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant