Chapitre 31

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Lucie mit plusieurs secondes avant de réagir. Elle cligna des yeux et fronça les sourcils, sans comprendre.
- Euh...juste une question, dit-elle.
- Oui ? répondit Carlos.
La blondinette chercha ses mots.
Finalement, elle opta pour le direct et déclara franchement :
- Sûrement pas. Tu te fiches de moi encore une fois c'est ça ?
Son interlocuteur pencha la tête sur le côté.
- Non, pas du tout. Pourquoi ? fit le jeune garçon le plus naturellement du monde.
- Mais...mais, tu as conscience du fait que ce que tu me demandes n'est pas aussi simple que d'aller cueillir des framboises dans les bois ?
- Bien sûr, lui assura l'éclaireur.
La blondinette lui lança un regard qui se voulait suppliant.

Carlos, ainsi que tous les autres trappers, la fixèrent, l'air sur le point de craquer.
- Aaah, c'est bon, arrête de faire cette tête de chien battu, je plaisantais ! rit-il.
Lucie sourit niaisement, rassurée.
- Et cesse ce sourire aussi ! rajouta-t-il.
L'adolescent ne reçut qu'un regard incendiaire de la part de la jeune fille qui s'empressa de fermer la bouche.
- Bon, comme je disais, tu devras certes y aller, mais pas maintenant. C'est trop risqué et tu ne connais ni le chemin le plus court pour y accéder, ni le plus sûr.
- Sans déconner, rétorqua Lucie.
- Si tu es sage, je te montrerai le meilleur moyen d'y parvenir, la taquina-t-il.
- Si je suis "sage" ? Je ne suis plus une petite gamine je te rappelle.
- T'inquiète, je te parie que tu vas encore faire des tiennes.
- On verra, on verra.

                             ***

Lucie ne pipa mot durant le repas, trop abattue par sa journée avec les nettoyeurs. Demain, elle aura à faire le travail des cuisiniers, sous les ordres de Benedicte.

Une fois son assiette vide, la blondinette partit dans les douches pour faire sa toilette, suivie de Benedicte, Yana, Andréa et Carole. La nouvelle venue se vit offrir une brosse à dent toute neuve et un peigne en bois.
- Donc tout ça, c'est la Caisse qui vous l'envoie ? s'enquit-elle.
- Oui voilà, lui répondit Yana, qui se lavait le visage. Elle nous envoie tout ce qui est nécessaire à notre hygiène, aussi bien pour les filles que pour les garçons. Quand le stock est épuisé, on rédige un petit mot pour que WICKED puisse le recevoir.
- C'est quand même étrange, fit Lucie, songeuse.
- Quoi ?
- Ben, WICKED nous piège dans un endroit bourré de malade mentaux, et nous fournit tout de même tout ce dont nous avons besoin ?
- Cest vrai, tu as raison. Mais c'est comme ça, nous n'y pouvons rien.
- Ok. Et la Caisse, elle vient d'où, au juste ?
Yana prit une serviette pour se tamponner la peau avec.
- Mm...je dirais du sous-sol.
- Genre tractée sur des rails, venant du complexe de WICKED ? raisonna Lucie.
- Peut-être, c'est fort possible. Ou alors motorisée. Je rigole.

Lucie sourit. Malgré l'épée de Damoclès que les trappers supportaient au-dessus de leurs têtes au quotidien, ils trouvaient encore le temps de faire de l'humour.
La jeune fille trouvait ça génial. Cela les aidait sûrement à mieux affronter leurs peurs et à leur donner plus de force.
- Je change de sujet, dit-elle. L'accès aux sanitaires se fait d'abord pour les filles, puis pour les gars après ?
- Ouais, question de respect, et surtout d'intimité. Sauf si, bien sûr, certains changent d'avis.
La blondinette sentit ses joues prendre feu et détourna le regard.
- On...on est bien trop jeunes pourtant !
- Pour ces choses-là ? fit Yana, les yeux rieurs, amusée de la réaction maladroite de Lucie.
- Oui, enfin...tu vois quoi...
- Oh, mais je ne vise personne !
- Hein ?
- Chacun est libre de faire ce qu'il veut, tant que ses actes ne compromettent pas une des quatre règles. Et puis, nous ne sommes pas idiots. On saura le moment venu. Les mecs attendront.

C'en était trop.
- Arrête de parler de ça, Yana ! Ce n'est pas du tout ce que je voulais te demander à la base !
- Oui, et j'ai répondu à ta question, non ? De plus, je vois bien qu'entre Carlos et toi...
Lucie perdit patience, rouge comme une tomate.
- Stop ! Il n'y aura rien de tout ça !
Des pas retentirent.
- Rien de quoi ?
"Oh non", pensa Lucie, paniquée.
C'était Carlos.
Une serviette de bain jetée en travers de l'épaule et du shampoing dans les mains, il s'apprêtait sûrement à prendre une douche.

Yana s'avança au devant du garçon.
- J'étais en train de dire à Lucie que...
- NON ! cria la blondinette.
Les deux autres la regardèrent, surpris par son intervention.
- Enfin, ce...c'était pas important ! se rattrapa-t-elle.
- Laisse, elle est juste mal à l'aise, je parlais des passages aux sanitaires et...
- Yana ! la supplia la blondinette.
Cette dernière fit un clin d'oeil à Carlos et celui-ci lança un regard moqueur à Lucie qui baissa les bras, honteuse. De toute évidence, le jeune homme avait compris le sujet de la discussion.
Elle souffla d'agacement.
- Bon, moi je vais au lit, leur dit-elle, lasse.
- Bonne nuit la nouvelle ! scanda Yana, ce qui fit grimacer Lucie.
Puis la brune à la peau mâte chuchota quelque chose à l'oreille de Carlos que Lucie ne put pas entendre.
Tous deux rigolèrent doucement, avant que Carlos ne prenne la jeune fille dans ses bras.

                              ***

Lucie passa une très mauvaise nuit.
Elle avait chaud, transpirait et de mauvais souvenirs l'assaillèrent.
Souffrante, elle se remémora pour la première fois l'assassinat de ses parents, depuis qu'elle avait huit ans.

Le cri de douleur de sa mère, son regard terrifié, les premiers mots des gardes : "Nous avons besoin de votre fille...".
Tout autant de détails qui lui donnèrent la nausée, la forçant à se réveiller d'un coup ce qui lui donna le tourni.

Elle zigzagua entre les corps des trappers endormis, les yeux dans le vide. Elle failli percuter un mur de plein fouet mais parvint à se rendre sans plus d'encombres au-dessus d'un lavabo dans lequel elle rendit son repas.

La jeune fille sentit quelqu'un arriver et releva lentement la tête, les yeux humides.
- Salut Billy.
Le garçon lui tendit un mouchoir.
- Tiens.
- Merci, répondit-elle.
Billy l'observa un court moment. Ses lunettes rondes brillaient dans la nuit, illuminées par un rayon de lune qui traversait la baie vitrée.
- Ça n'a pas l'air d'aller fort. Tu as le mal du pays ?
Lucie secoua négativement la tête.
- Mauvais souvenirs, plutôt.
- Je vois. Tu veux en parler ? proposa-t-il gentiment.
- Non merci, je préfère pas. Mais c'est gentil à toi de vouloir m'aider.
Billy sourit.
- T'inquiète. Sache que tu peux compter sur moi pour te confier.
La blondinette retrouva des couleurs.
- Je m'en souviendrai.

                              ***

Lucie put se rendomir assez facilement, malgré ses lançinants mots de ventre.

À son réveil, elle ne mangea pas, l'estomac comprimé.
Son état commençait à inquiéter Carole, mais la guérisseuse se fit refouler à plusieurs reprises.

                             ***

La semaine passa relativement vite pour la jeune fille, qui apprenait vite.

Elle avait testé le rôle des cuisiniers, où elle avait malencontreusement fait brûler un plat, par manque d'attention, celui des guérisseurs, dans lequel elle s'était montrée attentive et minutieuse, puis le groupe des codeurs, qui la passionnait beaucoup.
"Au pire, si jamais je ne décroche pas une place parmis les éclaireurs, je pourrai tout aussi bien tenter d'être codeur."
Avec Billy et Yana, en plus d'avoir mis au point un nouveau boîtier puis un code, Lucie s'est amusée à construire un prototype de haut-parleur.
- Pour mieux entendre les fondus, lui avait expliqué Billy, sûr de lui. Le garçon était d'ailleurs le chef des codeurs, étant un as en informatique.
- Et tu comptes en mettre où ?
- Les éclaireurs les installeront aux points sensibles. Et là, grâce aux antennes, on suivra la progression des contaminés selon l'heure et l'endroit.
- C'est poussé, comme invention. Vous n'avez pas peur que les malades ne les détruisent ?
- C'est bien pour cela qu'ils seront placés hors de portée.
- Ah oui.

                             ***

Ça y est. C'est le grand jour. Celui où Lucie va enfin sortir. Où elle va risquer sa vie.

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Voili voilou, chapitre un peu monotone, mais le prochain contiendra plus d'action ! 😉

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L'immeuble maudit - L'Épreuve Parallèle (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant