Chapitre 28

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Lucie avait appris tellement de choses que ses pensées se brouillaient. Un mélange d'anxiété et de curiosité naissait en elle, et la jeune fille ne savait pas exactement quelle émotion était la plus raisonnable à adopter.
La jeune fille repensait à ce que lui avait dit Carlos sur les éclaireurs. Et plus ce sujet tournait en boucle dans sa tête, plus l'envie de faire partie de ces trappers intrépides la tenaillait.

Peut-être était-ce le fait de ne pas pouvoir supporter un enfermement constant et maussade dans les lieux sécurisés ?
Toujours est-il qu'elle ne manquera pas d'en toucher un mot à Carlos.
Ce dernier qui, d'ailleurs, commençait à la regarder bizarrement.
Elle fronça les sourcils.
- J'ai quelque chose sur le visage ? lui demanda-t-elle.
- Non, non. C'est juste que tu as un regard étrange depuis deux minutes, c'est...perturbant.
- Comme ton épi, peut-être ?
Le garçon se tut et s'avança lentement vers un petit miroir accroché sur un des murs de la cuisine. En effet, une mèche de cheveux bruns rebelle lui tombait entre les yeux.
L'adolescent tenta de la remettre en ordre mais ses cheveux ne l'écoutèrent pas.
Vaincu, Carlos revint vers Lucie, qui ricanait sans retenue.
- Tu perds rien pour attendre toi.
Avant que la blondinette ne puisse réagir, le jeune homme aplatit une des ses mains sur son crâne et lui ébouriffa les cheveux avec hargne.
La tresse de Lucie fut dévastée.

Cette dernière bondit sur ses pieds en protestant de rage et se précipita sur le miroir, sous les éclats de rire de Carlos.
- Ta tête...articula-t-il en pouffant.
La blondinette ouvrit grand la bouche et pivota face à Carlos, des éclairs dans les yeux.
Elle leva un doigt tremblant vers lui.
- Toi, t'es un homme mort !

***

Carlos se laissa tomber, à bout de souffle, sur le canapé de la petite pièce dans laquelle Lucie avait dormi la nuit dernière. Il s'étala de tout son long dessus, tandis que la blondinette entrait à sa suite.
Les joues rouges et les cheveux en bataille, elle reprit ses esprits.
- Pause, fit Carlos, un main sur le ventre.
- J'avais passé du temps à la faire !
- On s'en fout. Ici tu n'auras ni le temps, ni le besoin d'être coquette.
Lucie se frappa le front et roula des yeux exaspérés.
- C'était uniquement par confort Carlos ! se plaignit-elle.
- C'est ça. Vous dites toutes ça, rétorqua le garçon en fermant les yeux.
"Tu vas voir", pensa narquoisement Lucie, gagné par une envie indéniable de vengeance.
- Attention à toi ! hurla Lucie en s'affalant en plein sur Carlos.
Ce dernier ouvrit les yeux d'un coup, en sursaut.
- Eh ! Mais t'es folle ! protesta-t-il, écrasé par le poids de la blondinette. Pars de là !
- Pas question ! Je suis très bien ici !
Le garçon sembla abandonner, car son corps se détendit.
C'était un piège car la pression de Lucie avait suivit le mouvement et la jeune fille n'offrait plus de résistance.
Carlos, qui avait mîmé un relâchement, rafermit ses muscles et poussa la blondinette hors de lui.

Celle-ci poussa un cri et tomba à genoux.
- Ne me sous-estime jamais la nouvelle, fit Carlos en lui tendant la main.

Bien que tentée de tirer Carlos pour le faire basculer, Lucie sourit au garçon, vaincue, et attrapa sa main.
Elle se sentit soulevée sur ses pieds avec force.
- Merci, dit-elle.
Carlos jeta un bref coup d'oeil à sa montre avant de regarder la jeune fille.
- La journée est passée vite. Il faut que je vérifie si tout est OK pour cette nuit. Vu ?
- Oui.
- Attends-moi deux minutes ici, je reviens.
Lucie opina du chef et s'assied sur le canapé, perdue dans ses pensées. Elles la ramenaient toujours aux éclaireurs.

Carlos revint l'instant suivant, et fit signe à la blondinette de le suivre. Ils retournèrent dans la pièce principale où quelques uns des trappers vaquaient à leurs occupations.
Certains, comme Billy et Andréa, lui sourirent amicalement.
Son guide la dirigea vers une planche en bois où étaient anotées quatre phrases au marqueur.
- Qu'est-ce que c'est ? l'interrogea la jeune fille.
- Nos règles, lui répondit Carlos, en pointant du doigt la première.
Numérotées de 1 à 4, elles s'étalaient les unes sous les autres.
- À quoi servent-elles exactement ?
- À maintenir l'ordre et le respect, ainsi que notre sécurité. Si tu faillis à l'une d'entre elles, tu encours un sanction.
- De quel type ?
- Par exemple, privée de rations pendant un jour, ou bien affectée au poste de surveillance, en bas.
- Mais encore ? insista Lucie.
- De corvée chez les nettoyeurs, ou chargée de transporter la nourriture du rez-de-chaussée jusqu'ici.

La blondinette déglutit, parcourue par un frisson d'horreur.
- Mais...c'est dangereux !
- T'inquiète. Ça n'arrive jamais, car tout le monde ici craint cette zone plus que tout.
- Ah...tant mieux.
Carlos reporta son attention sur les règles.
- Règle numéro un, ne frappe jamais un trapper. Ici, tout le monde entretient une entente basée sur la confiance. Et chacun doit contribuer à une bonne ambiance. Si tu as un souci à régler, tu viens d'abord me voir, puis on discute du problème. Compris ?
- Clair. De toute façon, je suis plutôt du genre températrice et pacifique.
- Ça reste à voir. Tu n'es pas aussi calme que tu le prétends.
- Certes. Mais toi non plus, j'ai remarqué.
- Oui. Je prends sur moi en général.
Il passa à la seconde.
- Règle numéro deux, tu fais ton travail. Ici, pas de place pour le repos.
- Entendu.
- Ce qui implique le devoir d'aller chercher seul sa nourriture et ses vêtements.
- C'est une blague ? Maintenant ? s'affola Lucie, inquiète à l'idée de revoir les fondus.
Carlos posa une main rassurante sur son épaule, le sourire aux lèvres.
- Ne t'en fais pas. On verra plus tard.
- Tu m'en vois soulagée.
- Bien. Règle numéro trois, toujours faire confiance aux autres, l'entraide étant de mise. Mais ! Si l'un des non-immunisés développe les premiers signes de la maladie, tu dois à tout prix ne pas divulguer le nouveau code de protection à celui-ci.
- Ok.
Lucie se demandait comment les Imunes pouvaient prendre le risque de cohabiter avec de potentiels contaminés, le virus circulant dans l'air.
Une bouffée de peine l'envahit pour ses camarades condamnés à une mort certaine, mais elle la ravala en vitesse, la gorge comprimée par le chagrin.
- Pour finir, la quatrième règle, la plus importante à suivre, si tu n'es pas un éclaireur, ne sors jamais du périmètre sécurisé, encore plus si tu n'es pas immunisé. Ceux qui ne le sont pas risquent une mort garantie, ou la contamination.
- J'ai pigé. Et je me tiendrai aux règles.
- Heureux de le savoir.

***

Après un repas léger, Lucie put dormir une seconde et dernière fois sur le canapé de la petite pièce.

Durant les premiers temps, elle perçut des bribes de conversation entre Carlos et la guérisseuse Carole. Ils parlaient encore de zone, de portes, de boîtier, de raccourci, et semblaient établir un plan.
Cependant, trop fatiguée pour écouter aux portes, la jeune fille s'assoupit.

- Vous pensez qu'elle réussira à s'en sortir ?
- Il n'y a pas de raison, Severina, répondit une voix de femme.
- Je pourrai la voir ?
- Bientôt. Dans un an, peut-être.
- Mais, et si...
- Taisez-vous. Elle pourrait nous entendre.
- Pardonnez-moi, Ava Paige, s'excusa Severina d'une voix blanche.
- Tâchez de poursuivre votre traitement.
- Il en sera fait selon votre désir.
- Parfait. Veuillez disposer.

Lucie se réveilla en sursaut, trempée de sueur, et porta ses mains tremblantes à ses tempes. Elle n'avait pas rêvé. C'était bien la présence de cette mégère et de son assistante qu'elle avait ressentit. Dans son crâne. Comme si elles avaient activé son implant et parlé à la jeune fille sans qu'elle le sache.

Inquiète, la blondinette parvint tant bien que mal à ignorer la démangeaison qui l'indisposait et se rendormit, apeurée.

                              ***

Quand elle se leva le lendemain, Lucie remarqua tout de suite l'absence de deux des trappers.
Elle s'avança vers Andréa.
- Il est passé où Carlos ?

L'immeuble maudit - L'Épreuve Parallèle (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant