Les Dociles - Tome 1

Chapitre 5

7h54 : Sous la pluie forte, j'écoute mon groupe préféré. Je ressens encore les griffures et les blessures causées par les rats. J'ai l'impression de les sentir dans mon lit me caresser les jambes. J'ai un peu mal à la tête. Ma mère prépare tout ce qu'il faut pour notre départ. On doit rentrer aujourd'hui à cause de son boulot. Je n'y crois pas une seconde. C'est un prétexte. Je profite un peu de mon lit puisque mon voyage en Picardie s'achève brutalement. A l'époque, j'aimais contempler cette belle verdure et courir pieds nus dans la maison, mais ma vie a changé quand je l'ai vu pour la première fois. J'ai encore du mal à me souvenir de son visage. Je vois sa silhouette et ses yeux. Je sais qu'il ne m'a pas croisée par hasard. Le fait d'avoir changé, c'est en partie à cause de lui. Je suis et je reste la pauvre gothique du coin, celle qui aime les vampires, les paysages glauques, les araignées, les chats noirs... Bref... Je suis un stéréotype vivant. Ma mère a tout fait pour me raisonner... Mais elle n'a pas réussi. Le fait de m'être donnée en spectacle devant la voisine Gérard a dû lui briser le cœur. Je sais que c'est pour cette raison qu'on doit partir...

Une heure plus tard, je me décide enfin à me lever. Je soulève mes quelques affaires de toilette en ouvrant la fenêtre. Je peux sentir les petites gouttes de pluie sur mon visage, ainsi que l'air frais. A l'instant, je remarque quelque chose d'étrange. Je vois un jeune homme aux cheveux blancs tenir à la main une arme. Cette arme me rappelle celle de Laure Stuart dans le métro... Il s'avance le pas lent vers une cible. Je cherche à savoir qui est visé depuis ma fenêtre. Mon cœur bat trop vite et le rythme augmente ! Je découvre qu'il pointe son arme sur un autre type. Avec stupeur, je reconnais le vampire qui avait attaqué Laure Stuart à la station Pyramides. Je n'arrive plus à bouger. Le temps devient de plus en plus froid, et le vent souffle une odeur de sang. Le vampire semble blessé et lutte pour sa survie. Il n'arrive pas à attaquer, il se contente de reculer. Il faiblit à vue d'œil ! Le jeune homme armé lui donne un coup violent en plein abdomen. Le vampire se retrouve sur le sol pratiquement inconscient. Je vois le sang couler à flot sur les belles plantes et ce jeune homme caresser son arme à feu. Le vampire tente de se relever... Bang ! Je retiens mon souffle. Je me laisse tomber le long de la fenêtre. Je suffoque... Je commence à paniquer. Il faut que je prévienne mes parents ! Mais je ne peux pas ! Alors, je cours dans la salle de bain et je m'enfonce dans la baignoire. Mes membres tremblent, je n'ose même pas descendre. Bêtement je me suis cognée. Je grimace de douleur ! Ce que je vois chaque jour me dépasse, j'ai l'impression de vivre dans une spirale infernale. Le vampire est mort ? Je n'en sais rien. Mes parents ont sorti les valises. J'entends ma mère hurler mon prénom dans toute la maison. Mince ! Peut-être qu'elle a découvert que le livre mystérieux a quitté sa place ? Là je n'ai pas la tête à mentir. Je dois prendre mon courage à deux mains et sortir de la pièce, cependant mes mains sont moites... Dès que j'ouvre la porte mon père surgit ! Je fais un bond en arrière, les yeux presque au bord des larmes.

— Ah ! Papa tu m'as fait peur.

— Oh sorry ma puce. On te cherche depuis un moment je voulais m'assurer qu'il n'y avait rien de grave de ton côté.

— Non tout va bien, j'ai dû juste un peu m'assoupir mais tout va bien.

— Bon, la voisine est là, elle voulait nous inviter à déjeuner chez elle avant que nous prenions la route.

— Laquelle ?

— Voyons Rebecca, Madame Gérard.

J'ai cru que mon cœur s'était arrêté quand il a prononcé son nom. Après ce que j'ai vu... Je ne désirais pas sortir de la maison. Les gens d'ici sont singuliers, je n'arrive pas à les comprendre. Il y a des armes, des gens inhabituels et des attaques de rats !

— Alors, on y va ?

— Euh... Papa...

Soudainement ma mère hurle : « Nous avons de la visite ! ».