Les Dociles - Tome 1

Chapitre 10

La nuit fut longue et mes doutes ont persisté. J'ai dormi comme un loir sans m'être préoccupée du temps. Je me sens ailleurs, dans un monde nouveau que je vais découvrir à grand pas. Je pense à ma mère et à mon père... Je croyais les connaître mais en fait, non. J'ignore si mon père est réellement un vampire. Si c'en est un, je suis foutue. J'ai peur. Je suis un personnage assez étrange, qui aime les vampires et qui se retrouve dans un sale pétrin avec les Chasseurs. Ironie du sort, j'en suis un ! Le troll continue sa longue marche sur cette route étoilée. Au fur et à mesure qu'il avance, je peux entendre des bruits. Le ciel est couvert d'oiseaux de nuit qui survolent les lieux. Leur cri est majestueux et leurs couleurs fluorescentes. Je peux voir l'un des leurs se poser sur mon épaule. On dirait à la fois une chouette et un aigle... C'est magnifique ! Je me penche sur mon livre et je lui demande de m'éclairer sur ces créatures. Le livre fait apparaître des écritures et des croquis qui représentent l'animal.

On les appelle les Lègletons. Ce sont des volatiles nocturnes qui vivent en groupes. Ils se nourrissent de souris, de petites bestioles et préviennent les Chasseurs du danger ou des saisons des pluies. Ils ne peuvent pas vivre le jour car leur plumage n'est pas adapté à la lumière. Concernant leurs plumes fluorescentes, elles leur permettent de se déplacer dans les coins les plus obscurs. Quand ils se sentent en danger, les plumes se noircissent. Aussi, lorsqu'un Lègleton est mourant, il se fait manger par les autres.

Je reste sans voix face à tant de beauté. Je suis quand même mal par rapport à mon impuissance face à ces événements. Je reste à la fois apeurée, triste et bouleversée par la situation. J'ai peur de ne plus revoir ma mère... Soudain, le troll s'arrête dans une petite ville. Il y a une petite clairière. Le vent se lève et me caresse le visage. Une femme débarque avec une lampe à huile. Elle se penche sur la marchandise, me découvre et m'emmène. En direction d'une toute petite ville, je la suis apeurée et je m'enfonce avec elle vers un chemin de pierres. Il y a du brouillard et quelques Gardes de la paix, rôdant dans les alentours. Elle me fait signe de rester discrète et d'éviter de faire du bruit. Je me cramponne à elle, la mine serrée et légèrement angoissée. Il n'y a autour de nous que des petites maisons en argile ou en pierre, des bêtes tels que des moutons ou des chiens, qui circulent dans la ville à une heure aussi tardive. Nous entrons dans une maison entourée de boue. Je reste un peu stressée. Elle sent le réglisse et la pêche, ce n'est pas désagréable ! Son sang est difficile à analyser, j'essaye de rester sur mes gardes. Face à ce mystère, j'ai besoin d'avoir des réponses. Son sang doit être délicieux, il faut que je me contienne. Elle allume une bougie, et je découvre une pièce recouverte de crasse sur les murs comme sur le plafond. Elle me tend un verre d'eau et des petites baies.

— N'aie pas peur, je ne te veux aucun mal.

— Qui êtes-vous ?

— Je m'appelle Ortysse. Ortysse Queue-de-verre. Je suis une amie de Ralph.

— Enchantée, je me nomme Rebecca Laurence... Mais ici, mon nom de famille, c'est Moon.

— Je sais, tu es le fameux Chasseur de rang S...

— Comment vous le savez et, vous, qu'est-ce que vous êtes ?

— Je suis une sorcière mais je ne suis pas considérée comme un Puant. Je fais partie des créatures soumises.

— Je ne comprends pas ?

Elle remonte la manche de son manteau et un symbole est inscrit. C'est l'emblème du serpent ! Il est marqué au fer rouge sur sa peau, c'est ignoble !

— Dans le Monde des Chasseurs, les sorciers sont considérés comme des êtres intelligents mais parfois inférieurs à eux. C'est nous qui créons vos portails pour que vous puissiez passer d'un endroit à un autre. On rend vos munitions puissantes contre les vampires, on y ajoute un peu de magie. Mais comme certains sorciers se sont révoltés, on les appelle les Puants.