Chapitre 24

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Alexe

Je prends soin de reproduire l'intensité de son regard à la perfection. Quelques coups de gomme pour accentuer l'euphorie dans ses yeux. J'entame ensuite son magnifique sourire. Argh, j'ai toujours du mal à faire les dents. Je dépatouille et finis jusqu'à être satisfaite du résultat. Je m'attaque à ses douces lèvres, j'estompe. Je sais que je ne m'y prends pas spécialement de la bonne façon pour dessiner. J'ai appris seule, comme le piano. Je suis autodidacte, je vais donc suivre le fil de ma pensée pour produire ce qu'on pourrait appeler mon œuvre. Je coloris ensuite l'intégralité de son corps, délicatement, comme si je la caressais, reproduisant sa sensibilité. C'est comme si, au fur et à mesure que mon doigt effleure sa peau, je pouvais véritablement la toucher. C'est ce que j'adore avec les portraits, on a l'impression que la personne prend vie sous notre crayon. Je jette parfois quelques regards sur cette magnifique photo afin de percevoir le moindre détail que je pourrais potentiellement oublier. Je change de crayon pour un plus gras afin de mettre en valeur les ombres. Je l'utilise pour remplir la zone de ses vêtements et poursuis avec des traits amples au niveau de ses cheveux, pour les rendre plus vivants, plus fous. Je continue ainsi sur l'intégralité de son corps jusqu'à obtenir un résultat aussi proche que sur la photographie, je prends même le temps de dessiner les plis sur son visage, surtout au niveau de son nez et ses yeux, plissés par son rire. J'ajoute enfin quelque éclats de lumière. C'est bon, je l'ai. Ma June est terminée. Je signe, date et admire mon dessin. J'avoue que ça semble un peu narcissique et ne croyais pas que je le trouve parfait, mais comme je disais juste avant, c'est comme si elle était devant moi, en rigolant comme elle le fait sur l'image. Je ne supporte plus l'impact qu'elle me fait. Je ne cesse de l'admirer. Pourquoi elle bon sang ? Je ne l'aurais jamais. J'éteins la lumière et vais me coucher. Dans le noir, je ressasse tous nos moments passés ensemble, j'imagine même ceux que je n'aurais jamais, comme celui de l'embrasser. Je plonge ma tête dans mes mains dans le but d'effacer cette pensée, qui refuse pourtant de me lâcher. Tu l'aimes. Ferme là ! Tu ne l'auras jamais. Je le sais ! Elle ne t'aime pas, personne ne t'aime. Je ne suis pas assez forte pour empêcher cette larme qui coule le long de ma joue, ni la seconde, ni les autres. Ça y est, je pleure pour elle.

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