7.Réveil brutal

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Bellamy avait l'impression de flotter. Aucune douleur, aucune angoisse. Seulement le vide. Le vide absolu. Il se sentait bien. Il avait l'impression, pour la première fois depuis trop longtemps, d'être en paix avec lui-même. Le cocon qui l'enveloppait le protégeait contre toute négativité et seul le sentiment de parfaite sérénité filtrait à travers son armure.

Et puis, il y eut le réveil. Brutal. Insupportable. Une migraine carabinée l'assaillit avant même qu'il ouvre les yeux. Il voulut porter les mains à ses tempes, mais réalisa rapidement qu'il en était incapable. Ses poignets étaient ligotés derrière son dos de sorte qu'il n'avait absolument aucune liberté de mouvement. Il en était de même pour ses chevilles, elles aussi attachées l'une contre l'autre.

Les muscles du jeune homme l'élançaient atrocement, mais il parvint miraculeusement à plier ses jambes pour s'asseoir. Il s'appuya contre le mur le plus proche pour éviter de perdre l'équilibre et porta enfin son attention sur l'environnement qui l'entourait.

Il faisait sombre et humide dans la pièce. Aucune fenêtre ne perçait à travers les épais murs de béton et la seule source de lumière était celle d'un néon blafard qui pendait du plafond. Il était seul et ne savait pas s'il devait en être soulagé ou non.

Le garçon tira sur ses liens, mais dût bientôt se rendre à l'évidence qu'il ne parviendrait pas à s'en défaire. On l'avait attaché si solidement que le sang peinait à passer jusqu'à ses mains et ses pieds, déjà engourdis. Il continua néanmoins à tenter de se libérer, car c'était la seule manière de s'occuper et d'éviter de penser à sa situation désespérée.

Il perdit alors toute conscience du temps. Comme il n'y avait ni horloge, ni astre pour lui permettre d'évaluer le moment de la journée, il ne savait pas quel jour ou encore quelle heure il était. Il n'avait donc aucun moyen de savoir depuis combien de temps il était prisonnier de cet endroit.

Tout ce qu'il savait, c'était que son ventre criait famine et que son coccyx commençait à le faire souffrir à force de temps passé assis. En s'aidant du mur sur lequel il s'appuyait , il parvint à se remettre sur les pieds, mais il lui était impossible de marcher avec ses chevilles liées. Il posa la tête sur le bêton froid, souffla un bon coup et s'efforça de réfléchir. Il devait trouver une manière de s'évader.

Ce fut à cet instant que la serrure de la seule porte de la cellule, un lourd battant en fer renforcé, se déverrouilla dans un déclic sonore. Deux hommes, plus baraqués que des armoires à glace, entrèrent dans la pièce sans un mot, précédant un autre homme que Bellamy connaissait un peu trop bien.

-Jaha, interpella-t-il son supérieur d'un ton tranchant. C'est l'heure des visites à ce que je vois ! Tu viens m'apporter du réconfort ? Parce que j'aurais bien besoin d'un câlin, en ce moment !

-Je suis heureux de voir que ta captivité n'a pas encore affecté ton sens de l'humour, mon brave Bellamy, sourit légèrement l'homme à la peau noire en s'approchant du détenu. Ne t'inquiète pas, ça viendra avec le temps.

-C'est ce qu'on verra, répliqua le bouclé sans se départir de son ton sarcastique. On m'a bien entraîné pour ce genre de situation.

Jaha croisa les mains derrière son dos en opinant distraitement du chef, méditatif. Il leva finalement la tête vers le néon qui pendait juste au dessus de lui, un petit sourire au coin des lèvres.

-J'espère que tu réalises que tu ne reverras plus jamais la lumière du jour, mon cher Bellamy. La seule lumière que tes jolies petites prunelles pourront capter, à partir d'aujourd'hui, c'est celle de ce vieux néon qui est à peine capable d'éclairer ta misérable cellule. Les premiers jours de ta captivité, tu ne sauras pas apprécier les bienfaits de cette maigre lumière. Tu en viendras probablement même à la détester parce que tu ne pourras plus supporter la vision qu'elle t'apporte, soit celle de ce minuscule cachot où tu passeras le reste de ta vie. Et puis, nous allons baisser graduellement l'éclat du néon, si bien que tu te réveilleras un jour dans l'obscurité la plus totale. C'est à ce moment que ton calvaire va commencer. Tu pourras peut-être tenir un mois, voire un an dans ce néant, mais lentement, tes pensées vont commencer à s'éparpiller et tu te verras progressivement sombrer dans la folie. Ce ne sera alors plus qu'une question de temps avant que tu nous supplies de nous dévoiler tout ce qu'on veut savoir sur ce que tu nous as volé.

Bellamy resta silencieux de peur de trahir son angoisse. Il préféra arborer son meilleur masque inexpressif et garder les yeux rivés sur les traits détendus de son supérieur. Une partie de lui ne parvenait toujours pas à réaliser que cet homme qui le narguait par sa liberté était celui qui l'avait entraîné, celui à qui il avait appris à se confier et qu'il était même venu à considérer comme un père. Jaha avait toujours été si doux et si bon avec lui que le garçon en était venu à croire qu'il était foncièrement gentil et qu'il n'avait pas sa place dans un monde aussi sanglant que celui de l'espionnage. Il fallait croire que l'hypocrisie de son employeur était parvenue à le flouer, tout comme il avait trompé le pays qu'il était censé protéger. Un homme bon ne menacerait certainement pas avec autant de détachement un agent qu'il avait pratiquement vu grandir.

-C'est ce qu'on va voir, cracha Bellamy. J'accepte le défi.

-Si je comprends bien, alors, tu n'as aucunement l'intention de nous dévoiler où tu as caché la clef USB ?

En voyant Bellamy secouer la tête, le sourire de Jaha s'élargit encore davantage. Il se tourna vers les deux hommes avec qui il était entré dans la cellule quelques minutes plus tôt. Un seul signe de tête de la part de leur supérieur leur donna le mot d'ordre et tous deux sortirent de la pièce. Ils se représentèrent quelques secondes plus tard en traînant une énorme bassine remplie d'eau. Bellamy se sentit frémir en comprenant à quoi elle allait leur servir, mais resta tout de même de marbre pour éviter de montrer sa peur. Ce serait faire trop plaisir à Jaha.

-Tu sais ce qui pourrait t'aider, Bellamy ? le questionna ce dernier. Je pense que tu as simplement besoin de te rafraîchir les idées. Laisse-moi te procurer mon aide, tu veux ?

Les deux gorilles de Jaha se jetèrent sur le bouclé qui, les mains et les pieds liés, fut bien incapable de se soustraire à leur poigne. On le traîna jusqu'à la bassine, devant laquelle on le força à s'agenouiller. Bellamy tenta vainement de se débattre lorsqu'il sentit une pression sur sa nuque qui le poussait inévitablement vers la surface de l'eau. La main qui le maintenait lui empoigna les cheveux et le garçon ne put retenir un cri de douleur lorsqu'on tira dessus pour le forcer à combler l'espace qui le séparait encore de la bassine. Sa tête s'enfonça sous l'eau, qui lui donna l'impression de le transpercer tels mille couteaux glacés. Il tenta comme il le put de rester calme et de garder sa respiration le plus longtemps possible, mais les secondes passèrent bien trop lentement à son goût. Ses poumons lui brûlèrent comme s'ils eurent été chauffés à blanc et la douleur due à l'apnée montait à travers sa gorge jusqu'à son palais.

Ce fut à cet instant qu'il se sentit submergé par la panique. La noyade était déjà atrocement douloureuse, mais elle l'était encore davantage dans une situation comme la sienne. Il s'était si souvent imaginé perdre la vie sur le champ de bataille ou lors d'une mission particulièrement dangereuse que l'idée de mourir noyé dans une stupide bassine l'insupportait plus que tout. Il voulut se débattre de plus belle, évacua le dernier souffle d'air qu'il gardait jusqu'alors si précieusement, mais rien n'y fit. La poigne de son adversaire agrippait toujours fermement ses boucles noires et lui, ne pouvant se servir de ses mains ou de ses pieds, se trouvait totalement inapte à se défendre.

Le jeune agent se sentit lentement partir, son espoir l'abandonnant avec sa conscience. Ses paupières devinrent lourdes, il accepta enfin sa fin...

Et puis, tout à coup, sa tête fut entraînée hors de l'eau et l'air emplit de nouveau ses poumons. Il s'écrasa sur le sol, incapable de retrouver son équilibre à cause de ses membres ligotés, et cracha toute l'eau qui lui entravait les voies respiratoires.

-Tu as aimé l'expérience, Bellamy ? demanda Jaha d'un ton sarcastique. Tu es prêt à y retourner ?

L'aîné Blake toussa, peinant à reprendre sa respiration. Il ne voulait surtout pas revivre les dernières minutes, mais que pouvait-il bien faire à part encaisser les coups de ses ennemis jusqu'à saturation ? Leur dévoiler à qui il avait donné la clef ? Jamais il n'avouerait une telle information. Pas alors que la vie de Clarke (et celle de millions d'autres personnes) était menacée.

Bellamy prit donc sur lui, releva fièrement la tête vers Jaha et lui cracha dans un rictus confiant:

-Je pourrais faire ça toute la journée, connard.

***

Ave ! Comment avez-vous trouvé ce chapitre ? Que pensez-vous de Jaha ? De Bellamy ? De l'histoire en tant que telle pour le moment ? Dites-moi ce que vous en pensez ;)

Mille mercis à vous tous xxx

Joe

Chasse à l'hommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant