Chasse à l'homme

15.Les mains liées

Monty et Jasper se tenaient solennellement près de la porte lorsque Clarke et Bellamy firent leur entrée dans le poste de contrôle. Clarke n'osa même pas lever les yeux sur les deux techniciens pour lesquels elle s'était prise d'affection, mais les deux jeunes hommes se donnèrent à cœur joie pour fixer gravement la jolie blonde qu'ils avaient mal jugée.

Lincoln les fit asseoir par terre dans un coin de la pièce et leur attacha solidement les mains à des barreaux de fer incrustés dans le mur.

-Vous faites une grave erreur, je vous assure ! répéta Clarke en daignant enfin lever le regard du sol. On n'est pas les méchants dans cette histoire, on essaye seulement de sauver des vies !

La blonde parlait également au nom de Bellamy, qui paraissait désormais totalement exténué. Force était de croire que le fait de se tenir debout tout seul avait vidé la dernière jauge d'énergie qui lui restait. Ses bras et sa tête retombaient maintenant mollement le long de son corps et il était visiblement incapable de garder les yeux ouverts. Ses membres tremblaient à cause de l'effort physique qu'il avait dû faire. En le voyant ainsi, Clarke craignait qu'il n'en ait plus pour très longtemps.

-Vous devez faire quelque chose, s'il vous plaît ! supplia-t-elle désespérément les trois hommes qui lui faisaient face. Il est blessé, fiévreux, et je ne sais pas quand est-ce qu'il a mangé pour la dernière fois. Il a besoin de soins !

-Seuls M. Jaha et M. Kane peuvent nous permettre de soigner un prisonnier, déclara nerveusement Monty en se triturant les doigts. On ne peut rien faire sans leur accord.

-Vous ne comprenez donc pas ? s'écria l'analyste en tirant inutilement sur ses menottes. Ce sont Jaha et Kane qui ont fait ça à Bellamy, alors pourquoi le soigneraient-ils ? Ils y gagneraient bien plus à le laisser mourir !

Voyant que nul ne réagissait à sa réaction, Clarke tenta le tout pour le tout. Elle le voyait bien, il ne lui restait pas beaucoup de chemin à parcourir pour convaincre Jasper et Monty de leur innocence, eux qui paraissaient particulièrement touchés par la situation de l'analyste.

-Depuis combien de temps travaillez-vous au Poste 13, dites-moi ? Depuis combien de temps Jaha et Kane vous tiennent-ils enfermés dans ce bunker ?

-Bientôt deux ans, souffla Monty.

-Et saviez-vous que tes employeurs torturaient des gens dans l'aile fantôme ? Bien sûr que non, suis-je bête, puisqu'ils ne vous laissent pas vous approcher des prisonniers ! Vous ne vous êtes jamais demandés pourquoi vous n'aviez pas le droit d'entrer en contact avec les hommes dans ces cellules ?

-C'est pour éviter qu'on se retrouve dans une situation comme celle-ci, où vous essayez d'entrer dans notre tête, grogna Lincoln. Maintenant, taisez-vous !

-Savez-vous au moins pourquoi Bellamy a été incarcéré ?

-Pour avoir trahi son pays. Il a volé la liste de tous les agents de terrain de la CIA et se préparait à la vendre sur le marché noir lorsqu'il a été arrêté. Je ne peux peut-être pas m'approcher de mes prisonniers, mademoiselle, mais je sais me tenir informé.

-Ça c'est ce qu'on vous a fait croire pour faire porter le chapeau à Bellamy, mais je peux vous assurer que la vérité est tout autre chose. Il l'a bien volée, cette liste, mais c'était pour éviter que Jaha et Kane ne la vendent au plus offrant et déclenchent une troisième guerre mondiale ! Il me l'a ensuite donnée à moi en sachant que je ne me ferais pas soupçonner parce qu'il savait très bien qu'il ne s'en sortirait pas vivant. Qu'est-ce qu'il aurait eu à gagner en la volant, autrement ? De l'argent ? N'importe qui de moindrement sensé peut comprendre facilement que Bellamy ne gagnerait absolument rien en risquant un tel coup à part une mort assurée !

Un silence de plomb accueillit Clarke lorsqu'elle se tut enfin. Seule la respiration saccadée de Bellamy perçait encore à travers ses oreilles et continuait de lui déchirer les entrailles. Et puis, lentement, Monty s'avança vers l'aîné Blake et se mit à sa hauteur.

-Donne-moi les clefs des menottes, Lincoln, ordonna-t-il en tendant la main vers le soldat.

-Quoi ? Mais t'es devenu fou, Monty ? Tu comptes pas vraiment...

-Ce type est plus mort que vif, alors qu'est-ce qu'on pourrait bien risquer ?

-Ce gars est dangereux et complètement imprévisible, Monty ! Il a été formé pour mentir et pour survivre coûte que coûte, alors qui nous dit qu'il n'est pas en train de jouer la comédie ?

-Alors tu es prêt à risquer la vie d'un homme simplement parce que tu as peur que ça se revire contre toi ? Et bien moi je compte bien prendre le risque, alors donne-moi ces clefs et sors si tu ne veux pas être mêlé à tout ça.

-Tu fais une grave erreur, Monty. Jaha et Kane ne te le pardonneront pas s'ils viennent à apprendre que tu es venu en aide à Bellamy Blake sans leur consentement.

-Et moi je ne me le pardonnerai pas si je laissais cet homme mourir sous mes yeux seulement pour sauver mon job, alors je te le demande une dernière fois : donne-moi les clefs.

Le jeune asiatique appuya sur ces derniers mots, si bien que Lincoln se vit contraint de tendre le trousseau à son collègue, qui détacha Bellamy en s'assurant de ne pas faire le moindre geste brusque, de peur de blesser davantage le prisonnier.

-Jasper, vient m'aider à le lever. On va le coucher sur la table juste là.

Avec l'aide de son collègue, Monty débarrassa une simple table en métal de tout ce qui reposait dessus, puis étendit le blessé comme il le pouvait. Bellamy gémit faiblement avant d'entrouvrir les yeux.

-Je suis désolé...souffla-t-il si bas que Monty dut se pencher pour l'entendre. Vous devez...Vous devez fuir. S'ils apprennent que vous êtes entré en contact avec moi...S'ils doutent de votre allégeance...

-Arrête de parler, ça épuise tes dernière forces, voulut le raisonner l'asiatique.

-...Ils n'hésiteront pas à vous tuer...

-Ne me dit pas que vous les croyez ! s'exclama Lincoln en voyant ses deux compatriotes perdre des couleurs. Il joue dans votre tête !

-Et à quoi ça lui servirait ? demanda Jasper. Ce type n'a aucune raison de nous mentir. Tout concorde, vieux ! Jaha est venu lui rendre visite en moyenne trois fois par semaine depuis son incarcération alors qu'il n'est jamais entré dans la cellule d'un quelconque autre prisonnier. On savait déjà que ce détenu avait quelque chose de spécial pour que les grands patrons s'intéressent autant à son cas. Est-ce qu'un traître qui n'est même pas parvenu à ses fins ferait autant de vagues, d'après toi ?

Voyant que Lincoln ne répondait pas, Jasper reprit.

-Ça ne peut vouloir dire qu'une chose, Lincoln : Bellamy Blake n'est pas celui quon veut nous faire croire et nos patrons sont mêlés jusqu'au cou dans cette histoire. Tu sais ce que ça veut dire, tout ça ? C'est que je suis beaucoup plus porté à croire la victime que les tortionnaires dans ce cas-ci et que je compte bien éclaircir cette histoire.