Strange School

Letter 1 : Mais où suis-je tombée?

Assise contre un mur, je regarde le jour se lever. Je n'ai pas réussi à dormir, cette nuit. Je me trouve sur le toit de l'école. Je suis arrivée hier et j'ai peur. Peur de ne pas me faire accepter, peur de me faire rejeter, une nouvelle fois. Il fait un peu frais mais j'aime ça. Je déteste la chaleur après tout. Ça me rappelle ces jours que nous avons passés, en famille. Aussi doux et sucrés que du miel. Alors qu'ici, je le sais, ma vie ne sera que froide, sans douceur, sans couleurs. Comme... Comme de la neige. On dit que dans cette école ne sont admis que les personnes possédant un don, un pouvoir ou une caractéristique magique. Je ne possède rien de tout cela. On m'a envoyé ici juste parce qu'il m'arrivait de faire des rêves prémonitoires. Bon sang, c'est pas la mort... Je ne suis pas une fée ou une sorcière, non plus! Juste une médium à la con...

« Encore deux heures. » soupirai-je en passant ma main dans mes cheveux.

Deux heures avant que les cours ne commencent. Deux heures avant que mon enfer débute. Je n'arriverai jamais à me faire d'amis ici. Jamais. Ils sont différents. Une élite, une classe à part. Je suis trop banale pour ça. Et dire que je ne pourrai plus sortir d'ici avant la fin de mes études. Les autres ont le droit à des permissions de sorties, de temps en temps d'après ce que j'ai pu comprendre, mais le directeur m'a clairement expliqué que pour moi, ces permissions ne seront pas permises. Pourquoi? Parce que j'aurais un « pouvoir spécial », très recherché par un groupe de mafieux. Que nenni. Je n'ai aucun pouvoir, oui.

« Putain... » soufflai-je, abattue.

Les larmes perlaient déjà aux coins de mes yeux. Kaya... Qui t'accompagnerait à l'école tous les matins? Qui te préparerait ton petit-déjeuner? Qui serait là pour te chatouiller jusqu'à ce que, haletante, tu supplies qu'on arrête? Qui t'obligerait à faire tes devoirs? Qui te forcerait à te mettre au lit à neuf heures tapantes? Et qui serait là pour te serrer dans ses bras lorsque tu auras passé une mauvaise journée? Qui? Certainement pas nos parents... Ils sont trop occupés par leurs boulots respectifs qu'ils n'avaient presque pas de temps à nous accorder, excepté les week-ends. Mais nous les aimions, alors nous acceptions la situation. Mais désormais, puisque je ne serai plus là, qui s'occupera de ma petite-sœur?

Je ne pus contenir mes larmes plus longtemps, enfouissant ma tête entre mes bras, sur mes genoux. Oui, l'aube se levait sur de nouveaux lendemains. Des lendemains où je ne serai plus aux côtés de Kaya. Plus avant longtemps. Tout me manquerait tellement. Je n'avais pas réellement d'ami, si je puis dire. Juste Thae, mon ami d'enfance et premier amour secret. Au final, il n'aura jamais su que je l'avais aimé un jour.

Mes yeux ambre se levèrent pour fixer le ciel. Un mélange d'une multitude de couleurs claires. Magnifique. Il me faudrait y aller sous peu. Je n'avais pas faim. Pas la peine de faire un tour par le réfectoire donc. J'appréhendais trop ma rencontre avec les autres pour cela. La simple perspective de me trouver en face d'inconnus me terrifiait. J'étais timide après tout. Je préférai me renfermer sur moi-même plutôt que de m'ouvrir aux autres. Pourquoi se lier d'amitié avec des inconnus. Gagner, c'est risquer de perdre. Et la simple idée de devoir quitter quelqu'un ou qu'il meurt m'anéantissait, elle aussi. Avoir des amis, c'était risquer qu'ils nous blessent, qu'ils nous abandonnent, qu'ils nous détruisent, ou qu'ils nous permettent de rayonner un peu.

• • •

Je me tenais devant la porte de classe, anxieuse. Je serrais dans ma main le porte-clés que Kaya m'avait offert. Un porte bonheur. La seule chose qu'il me restait d'elle, physiquement, et qui m'accompagnerait partout. J'avais chaud. Terriblement chaud. Ils ne m'accepteraient jamais parmi eux. Je n'avais jamais été réellement à ma place quelque part. Et elle n'était certainement pas ici. J'imaginais déjà la tête des gens qui devaient se trouver dans cette classe. Des choses à cornes, des monstres... Des extra-terrestres aussi peut-être? Je n'avais jamais entendu dire de bien de cette école, en fait. Et j'avais extrêmement peur, maintenant que j'y avais mis les pieds.