One Month - Tome 1

-3- Gone

         Runnin' (Lose It All) – Naughty Boy ft Beyoncé, Arrow Benjamin

         « Where else can I go ? Chasing you » 

Lundi 5 Mars 2018

Nate

Perdu dans mes pensées, j'attendais impatiemment que cette journée se termine. Je n'avais prêté attention à aucun de mes cours, mon esprit était bien trop préoccupé par la jeune fille blonde que j'avais recueilli la veille. Je n'avais pas cessé de penser à elle de toute la journée, à la façon dont nous nous sommes rencontrés, aux souvenirs qu'elle avait fait ressurgir en moi, à la profonde tristesse que j'ai pu apercevoir dans son regard, à ma proposition.

Je ne savais pas vraiment pourquoi j'avais fait ça, pourquoi je lui avais proposé de venir habiter avec ma mère et moi ni pourquoi je lui avais demandé un mois, un mois pour l'aider. Qu'allais-je faire au bout d'un mois si sa décision était toujours la même ? Je lui avais promis de la laisser partir mais en serais-je réellement capable ? Je n'avais déjà pas pu la laisser sauter du haut de cet immeuble alors que nous ne nous connaissions pas encore, qu'en sera-t-il dans un mois ? Ma mère m'avait appris à ne pas faire de promesses que je ne pourrais pas tenir mais dans ce cas là, lorsqu'il était littéralement question de vie ou de mort, est-ce que ce principe d'éducation tenait encore ? Est-ce que le fait de la laisser décemment partir faisait de moi un monstre ? Allais-je réussir à la convaincre de vivre ? Allais-je réussir à la sauver ?

Toutes ces questions ne cessaient de se bousculer dans ma tête. Je prenais peu à peu conscience des conséquences de mon acte. Je ne regrettais pas d'avoir empêcher Angie de sauter, bien au contraire, mais j'avais peur de l'issu que prendrait cette décision. J'allais obligatoirement m'attacher à elle, je commençai déjà à l'être. J'avais envie de la protéger pour me rattraper de n'avoir pas pu protéger un être cher. Sa situation me rappelait la sienne. Je m'attachais à elle parce qu'elle me rappelait cette période de ma vie, celle où j'aurais pu, j'aurais dû, faire quelque chose pour éviter un drame qui a ensuite brisé ma famille. Voilà pourquoi j'avais été incapable de tourner le dos à Angie, de m'en aller sans un regard en arrière en sachant pertinemment ce qu'elle s'apprêtait à faire. J'avais été incapable de la laisser sauter. J'avais ressenti le besoin de la sauver, comme je n'avais pas pu le sauver, lui.

Alors j'avais ramené Angie chez moi, je ne pouvais pas la laisser seule livrée à elle même, perdue entre ses envies suicidaires et ses démons qui semblaient la ronger. Je ne savais pas ce qu'elle avait vécu, je savais seulement que ses parents étaient morts, mais j'avais eu un aperçu de son sentiment de culpabilité et je me demandai pourquoi elle se sentait coupable au point de penser qu'elle ne méritait plus de vivre. J'espérai qu'en habitant chez moi elle finirait par me faire confiance, j'espérai qu'elle finisse par se livrer à moi.

Lui apporter le réconfort d'un foyer, avec ses failles et ses défauts, l'aiderait peut-être à comprendre que la vie n'était peut-être pas toujours parfaite mais qu'elle valait la peine d'être vécue.

Je n'avais pas hésité à lui proposer de venir vivre avec nous, je savais que ma mère serait d'accord, elle qui avait toujours voulu aider tout le monde. Ma mère avait le cœur sur la main et se préoccupait parfois plus des autres que d'elle-même, encore plus depuis qu'elle s'était renfermée dans son travail.

Ma mère avait connu un début difficile dans sa vie, elle et son frère ont souvent été livrés à eux-même après leur arrivée aux Etats-Unis. Ma grand-mère avait quitté Cuba pour échapper à un mari violent et une vie misérable en emportant sous le bras rien d'autres que quelques affaires personnelles et son fils de cinq ans alors qu'elle était enceinte de ma mère.