Chap. 8

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- Ne vous inquiétez pas, nous ne vous voulons pas de mal...

- Madame, à qui...

Elle leva la main pour lui faire signe de se taire puis elle désigna l'immense armoire qui contrastait étrangement avec la pièce minuscule. Elle ne contenait -comme l'autres chambre- qu'un matelas de plume posé au sol, d'une chaise et d'une fenêtre aux vitres ternes.

- Elle s'appelle Hélène, commença Clémence en chuchotant, elle est, comme je l'avais dit, blonde et très jeune et apeurée, ainsi que souffrante...

La porte de l'armoire s'ouvrit, des pieds nus en sortirent, tremblants, suivit d'un corps avec les mêmes adjectifs. William s'excusa,sortit de la pièce en la refermant derrière lui. Les cheveux blonds d'Hélène étaient ramenés sur sa poitrine, elle sortit enfin et maladroitement attrapa sa couverture pour la glisser sur ses épaules frêles. Son front était luisant, elle tentait de calmer ses tremblements en vain.

- Comment...comment sais tu toutes ces choses ?

Clémence s'adossa à la porte, leva la main et tritura l'entrebâilleur qu'elle avait brisé en enfonçant la porte. 

- J'ai, comme disent les gens, un don d'observation et de déduction. Mais cela n'est pas un don... il prend trop de place dans ma tête.

Elle passa sa mais sur sa tempe droite distraitement puis reprit ses esprits. Hélène leva enfin les yeux. Elle se redressa en manquant de vaciller et s'approcha de Clémence. 

- On a déjà tué Jeanne. Si tu as ces dons...trouve qui a fait ça.

La jeune fille ne la vouvoyait pas et dégageait un tel désespoir que Clémence fut déstabilisée et lâcha la chaîne. Elle allait mourir. Hélène était déjà condamnée, empoisonnée. C'était horrible mais c'était trop tard, Clémence devait lui poser le plus de questions possible.

- Je...j'aimerais avoir plus d'air...s'il te plait...

Clémence se décala et Hélène sortit de la pièce, retenant à peine sa cape de fortune. William qui se tenait près de la grande fenêtre plaqua sa main sur ses yeux et se retourna.

- Ne voulez vous pas enfiler un vêtement ? Ne serait ce qu'une tunique ?

Elle ne l'écoutait pas, s'affaissa sur la chaise de la cuisine et poussa les livres qui se trouvaient sur la table.

- Pourquoi personne ne m'écoute...

Il pivota vers Clémence qui restait dans l'encadrement de la porte. Il ne trouvait en ses yeux, plus la malice et la sérénité d'esprit, qui, étrangement, se mêlaient depuis leur rencontre. Elle observait, avec un visage fermé la jeune fille qui soulevait les épais livres avec une maladresse incontrôlable. Ses yeux ne cessaient de bouger. C'était donc ça. Elle travaillait dans son esprit avec une rage étouffante. Hélène empoigna une lettre, à sa vue, Clémence se réveilla brutalement de "sa transe". Elle s'avança vers Hélène en pointant l'enveloppe.

- C'est une lettre vous menaçant, n'est se pas ? Elle est écrite à l'encre, par un gaucher... 

Clémence marqua une pause et chuchota le prénom de son mari. William se redressa.

- Ah ! Vous avouez que Monsieur Oswald est à l'origine de ce meurtre !

Clémence ferma les yeux d'exaspération, ramenant ses bras dans son dos, prenant ses poignets.

- Mon mari a reçu exactement la même lettre.

William allait répliquer mais elle l'arrêta, continuant ses tours dans l'appartement.

- L'enveloppe, le collage et l'écriture de l'adresse sont identique.

Hélène frottait une pomme contre sa couverture. William tentait de suivre Clémence des yeux sans les laisser glisser sur la jeune fille. Il se racla la gorge.

- Est se que je peux poser au moins une question au témoin ?

Elle croqua dans sa pomme et Clémence s'assit sur le sofa en hochant la tête.

- Pourquoi...êtes vous nue ?

Hélène mâcha rapidement pour pouvoir lui répondre et manqua de s'étouffer. Sa voix fluette à laquelle elle tentait de donner de l'assurance s'éleva.

- Si la dame a les dons qu'elle prétend, elle va vous l'expliquer.

Elle désigna Clémence avec sa pomme. Clémence fixa le mur qui lui faisait face. Si le commissaire Jørgensen avait été en face d'elle, il aurait revue ses yeux pétiller. Il la vit entrouvrir sa bouche et il dut avouer qu'il attendait avec impatience les arguments qu'elle allait exposer.





Clémence OswaldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant