15- Vous l'aimiez ?

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C'est toujours chez les couturière qu'on entend le plus de ragots, déclara Florence Nell après que tory lui eut raconté sa visite chez Mme Bernard. J'avoue qu'on n'y à souvent parlé de moi. Les femmes craignaient sans cesse que leur vole leur maris ou leur amants !

-: et vous l'avez fait ?

-: juste une ou deux fois...

Tory sourit en regardant autour d'elle. Un costume de mousseline avec des clips de pierres semi-mur , entre deux coffres sculptées.

-: que rangez vous la ?

-: des souvenirs de mes jeunes années, répondit Mme Nell , installée dans son fauteuil de velours, en grignotant un sandwich au concombre.
Tu peux les ouvrir si tu veux.

Tory ne se le fit pas dire deux fois. Agenouillée sur le tapis d'Aubusson, elle tourna la clé du premier coffre d'où s'éleva aussitôt un parfum de lavande. Avec le plus grand soin, elle sortie un paquet de costume enveloppes dans du papier de soie.

-: c'était ma tenue d'Hyppolyte, expliqua Mme Nell tandis-que tory dépliait un costume de jeune Grec. J'ai toujours été bonne dans les rôles de garçon.
J'avais de très jolie jambes ! ... Et ça c'est celle d'Ophélie.

Tory tenait une robe arachnéenne, blanc et vert, débrodée de minuscule boutons de rose.

-: vous devriez être magnifique !

-: les ornements pour la coiffure sont dans l'une de cette boites, dit Mme Nell.

Tory ouvrit un coffret de cuir empli d'accessoires : des bijoux, ainsi que toute une collections d'éventails. Mme Nell commentait chaque objet, lui attribuait une anecdote.
Quand elle arriva a un petit coffret de laque verte, le sourire de la comédienne disparut pour faire place a une expression chagrine.

-: ne l'ouvre pas , petite. C'est très personnel.

-: oh , je suis désolée !

-: Donne-le moi , s'il te plait.

Tory lui remit le coffret , et Mme Nell le serra dans ses vielles mains fanées en semblant avoir oublié jusqu'à la présence de sa compagne.

-: madame... Voulez-vous que je remette tout en place et que je vous laisses ?

Mme Nell sursauta.

-: il contient des miniatures, dit-elle en caressant la laque.

Elle dépose un baiser sur la surface polie, puis elle tourna vers la jeune fille un regard trop brillant.

-: Aimerai-tu en voir quelques unes ?

Tory vint s'assoir aux de Mme Nell.

Celles-ci sortit du coffret le portrait d'une petite fille de cinq ou six ans aux grands yeux bleus, au visage d'ange et aux longues boucles rousses.

-: qu'elle est belle ! Qui est-ce ?

-: ma fille.

-: mais je ne savais pas que vous...

-: peu de gens sont au courant. C'était une enfant illégitime, vois-tu.

Comme elle ne lisait aucune réprobation sur le visage de son interlocutrice, Mme Nell poursuivit :

-: je n'étais guerre plus âgée que toi a la naissance d' Élisabeth. Son père était un homme merveilleux, beau et respectable même s'il n'était pas bien né.
Il voulais m'épouser, mais a condition que j'abandonne le théâtre.

-: vous l'aimiez ?

-: Dieu, oui ! Comme je n'ai jamais aimée personne depuis.
Pourtant, j'ai refusé son offre. Ma carrière était trop importante pour moi. Quand je me suis aperçu que j'étais enceinte, je lui ai caché. Il s'est marié, et apparemment, il a vécu heureux.
On m'a dit qu'il était mort il y'a quelques années.

-: vous n'avez jamais regretté votre décision ?

-: je m'interdis les regrets.

Elles se turent un instant, absorbées dans la contemplation du portrait.

-: qu'est-elle devenue ?

-: elle est décédée il y'a longtemps, répondit Mme Nell dans un souffle.

-: oh...

-: je ne l'ai jamais connue, avoua la dame en serrant bien fort la miniature. Je l'ai gardé avec moi durant sa petite enfance , mais dès quelle a été en âge, je l'ai mise en pension.

-: pourquoi ?

-: la vie que je menait était incompatible avec celle de mère... Mes amis masculins, et ainsi de suite.
Je voulais quelle soit convenablement élevée, protégée . je lui offrais les plus beaux vêtements, des livres, des jouets, tout ce quelle souhaitait. Parfois, je l'emmenait en voyage, pendant les vacances. Jamais nous ne parlions de mon métier, ni de mon mode de vie. Je rêvais de la voir un jour mariée, vivant dans un manoir a la campagne. Et au lieu de ça ...

Mme Nell se tut.

Son expression d'ironie amère suggéra la suite a Tory.

-: Elizabeth a voulu suivre vos traces, devina-t-elle.

-: elle a quittée le pensionnat et m'a déclarée quelle allait devenir comédienne. Je l'ai suppliée d'y renoncer, mais rien ne pouvait la faire changer d'avis.
Le besoin de jouer la comédie n'est souvent qu'un moyen de combler un vide, or Elizabeth manquait cruellement d'un père , d'une véritable famille. J'ai fait ce que j'ai pu pour elle, mais ce n'était pas suffisant.

-: que lui est-il arrivée ?

-: elle est montée sur les planches a l'âge de seize ans , et les critiques l'on accueilli avec enthousiasme.
Elle déployait une subtilité, une puissance bien supérieur aux miennes. Elizabeth aurait du devenir une grande actrice, meilleure encore que notre chère Julia.
Malgré mes réticences sur son choix de carrière, je nourrissais les plus grands espoirs pour elle.

Mme Nell reposa la miniature dans le coffret.

-: peu après son dix-septième anniversaire, elle a rencontré un homme. Un aristocrate, magnifique, intelligent et froid comme la pierre. Elle est tombée follement amoureuse de lui, au point d'abandonner sa carrière pour devenir sa maîtresse.
Quand elle s'est trouvée enceinte, elle était aux anges. Je n'ai jamais su ce que lui en pensait, mais il était clair qu'il n'avait aucune intention de l'épouser. Un jour...

Elle eut une grimace de douleur.

-: sa seigneurie m'a envoyée un domestique pour m'annoncer que ma fille était morte en couches.

-: et le bébé ? Demanda tory après un long silence ému.

-: on m'a dit qu'il n'avait pas survécu non plus.

-: Mais qui était...

-: je ne veux plus en parler mon enfant.
Cet homme m'a pris ma fille, il m'a causé le plus grand chagrin de ma vie. J'ai toujours refusé de prononcer son nom.

Tory prit le nom de la vielle dame dans les siennes.

-: je vous comprend. Et je suis très touchée que vous ayez partagé avec moi un peu de votre passé, madame.
Y-a-t-il encore des portraits d'Elizabeth ?

-: Oui... Mais je ne supporte pas de les regarder, ni de les montrer.

-: Bien sûr.

Tory était intriguée. Elle devinait qu'il y avait au sujet d'Elizabeth d'autres secret, que Mme Florence préférait ne pas dévoiler.





***


Une seule erreur commise dans notre jeunesse peut nous être fatale à la longue.

Rien n'est plus douloureux pour un enfant, de grandir dans le mensonge !

You're Mine ! [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant