Chapitre 4

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OPHELIE

Hélias me dévisage brusquement, ne semblant pas me croire. Je ne sais pas quoi lui dire, c'est la vérité, je n'y peux rien. Lorsque ses yeux s'emplissent de larmes, mon cœur se serre. Mon frère dirige son visage vers le sol en évitant soigneusement de croiser mon regard. Je me sens à la fois heureuse de pouvoir partager cela avec mon frère, mais à la fois super coupable de lui faire subir ça.

— C'est vrai ? demande-t-il. Maman est... morte ?

— Oui, Hélias, Maman est morte il y a quelques mois.

Ses yeux humides, brouillés de larmes, me tord l'estomac. Je ne supporte pas de le voir dans un tel état, mais d'un autre côté, je ne me vois pas lui mentir. Et encore, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il a de la chance de ne pas l'avoir vu, sur le lit, dans une mare de sang.

Je n'ai pas eu cette chance. Et cette image me hante chaque soir.

— Pourquoi ?

Si tu savais Hélias, le mal qu'elle a ressenti tout du long, tu ne poserais pas cette question. Si tu savais ce qu'elle a enduré. Si tu savais à quel point c'était dur pour elle. Si tu savais à quel point la mort est devenue sa meilleure alternative !

Je crève d'envie de lui dire ça, mais après avoir appris une telle nouvelle, je ne ferais que remuer le couteau dans la plaie. Et je ne pense pas qu'il ait besoin de ça. Je sais à quel point il souffre en entendant cette révélation. Parce que c'en est une, une putain de révélation !

— Maman était malade, elle avait un cancer. Elle passait ses journées à pleurer la mort de Papa. Elle était si faible ! C'était un calvaire pour moi, tous les jours, à la voir ainsi... Je ne l'ai jamais vu aussi mal, de toute ma vie. Je pense même ne jamais avoir vu quelqu'un aussi mal, tout court.

Je marque une courte pause. Je déglutis longuement afin d'essayer d'ôter ces images de mon esprit. C'est encore trop frais et trop dur de tout revoir, tous ces souvenirs, sans avoir envie de pleurer toutes les larmes de son corps.

Je m'humecte les lèvres, prête à reprendre.

— Puis, il y eu Trystan, qui l'a aidé à remonter la pente. Il semblait sincèrement l'aimer, et Maman retrouvait peu à peu le sourire, et j'étais vraiment heureuse pour elle. Mais il s'est en fait avéré que ce n'était qu'un gros connard qui a prit la fuite quand Maman lui a dit qu'elle était malade. Soi-disant, il ne pouvait pas supporter ça, et qu'il ne voulait pas d'une vie compliquée, ajouté-je en levant les yeux au ciel. Elle a fini par s'ouvrir un jour les veines dans sa chambre tant elle n'en pouvait plus. Je pense qu'elle se sentait coupable, alors que pourtant, rien n'était de sa faute. Son cancer était dû sa tristesse quant à la mort de Papa.

Hélias porte la main à ses lèvres pour couvrir un cri d'horreur, puis serre les poings dans ses mains. Il relève les yeux vers le ciel, laissant les larmes couler sur son visage. Je n'aime pas cette image qui se dessine face à moi.

Je crois que je ne l'ai jamais vu ainsi, si mal, si abattu, si horrifié ! Il semble à deux doigts d'envoyer tout valser pour retrouver notre mère, ne semblant toujours pas prêt à croire la réalité à laquelle il doit faire face, maintenant. Je comprends son état, puisque j'ai connu le même. Et le connais encore...

Je devrais probablement venir me nicher contre lui pour le rassurer, mais sa trahison a encore un souvenir amer dans ma gorge. Je ne suis pas encore prête à lui pardonner son abandon. Et puis, elle me manque, à moi aussi, et mon frère, bien que vivant, m'a manqué pendant un an. Sauf que lui n'avait aucune excuse et a mené une belle vie pleine de joie pendant que je luttai pour que Maman arrive à survivre, à rester à ses côtés à chaque instant, chaque nuit. Pourtant, il a suffi d'un seul temps d'absence pour que tout défaille...

Le voile des tentations |Terminé|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant