Chapitre 12

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OPHELIE

Alice essuie la larme au coin de son œil d'un mouvement brusque. Muette, je la regarde faire. Je n'ai pas compris ce qu'elle m'a dit, et ainsi je n'ose pas prononcer la moindre parole. Ses yeux gris sont embrumés de larmes, mais cela ne semble pas la déranger.

Elle se tourne alors vers moi. J'enlève la main que j'avais devant la bouche pour cacher un autre cri d'horreur, et elle penche la tête en avant. J'observe chacun de ses gestes, comme fascinée. J'ai une drôle douleur dans la tête, et j'imagine que c'est parce que j'ai du mal à dormir, en ce moment.

— Je vais te raconter.

La voix d'Alice m'a prise de court. Je m'humecte les lèvres, et Alice détourne le regard. Une larme nait au coin de mon œil en me disant qu'Alice veut bien m'accorder sa confiance, et juste ça me rend heureuse. J'ignore ce qui la pousse à faire ça, mais honnêtement je m'en moque. Tout ce que je vois, c'est cette fille brisée, cette fille qui était ma meilleure amie, qui se tient face à moi, prête à me dévoiler son secret.

Je ne sais pas ce qu'elle va me raconter, et j'angoisse. Mais la seule chose que je sais, c'est que ce que s'apprête à faire Alice est un énorme effort. Autant pour elle que pour moi. Je ne sais pas ce qui se passe, mais je sais que cette conversation va donner un nouveau tournant à notre relation. Quand Aubin m'a demandé si je voulais qu'Alice soit à nouveau mon amie, je n'ai pas su répondre. Pour ne pas mentir, je crois que cette réponse dépend d'elle plus que de moi.

— Tu n'es pas obligée, tu sais. Si tu ne veux pas parler de ça, je comprendrai, ne t'en fais pas.

— Je sais ça, je le sais parce que je te connais, Ophélie. Et c'est précisément pour cette raison que je veux t'en parler.

Elle prend une inspiration et commence. Je lui laisse le temps dont elle a besoin, ne voulant pas la brusquer. Je pose une main sur ma tête pour calmer ma douleur pour ne pas affoler Alice. Ce n'est rien, mais ça me dérange.

— Quand j'ai dit que c'était « la pire année de ma vie », j'ai peut-être un peu exagéré. Mais c'est juste parce que c'est l'une des choses les plus difficiles que j'ai connu, émotionnellement parlant, et hormis ton départ précipité.

Lorsqu'Alice mentionne mon départ comme étant l'une des choses les plus compliquées qu'elle est vécue, je ne sais pas trop quoi en penser. Mais j'imagine que c'était mérité.

— Tu te souviens de mon beau-père, Jahed ? Oui ? Eh bien, ma mère est tombée enceinte de lui.

— Vraiment ? ne puis-je m'empêcher de la couper.

— Oui, vraiment Ophélie, mais ne n'interromps pas s'il-te-plait, ajoute-t-elle avec un maigre sourire.

— Désolée.

Elle sourit une deuxième fois face à ma fâcheuse tendance à lui couper la parole, mais ne fait aucune autre remarque. Elle baisse la tête et marque une courte pause pour reprendre son souffle.

Les mots ont visiblement du mal à sortir. Je comprends ça.

— Ma mère est donc tombée enceinte de lui mais... Mais elle a perdu le bébé. C'est aussi pour ça que je t'en veux, Ophélie, pas parce que ma mère a perdu le bébé, parce que tu n'y es pour rien, mais tu venais juste de partir et j'avais besoin de toi. Je t'ai laissé des messages, et tu n'as jamais répondu.

— J'avais changé de numéro de téléphone, pour repartir à zéro. J'ai coupé les ponts avec tout le monde, j'ai seulement gardé le numéro d'Hélias, mais je ne lui parlais pas. C'est seulement maintenant que je me rends compte que c'était stupide d'avoir voulu ça...

Le voile des tentations |Terminé|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant