chapitre 12

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Cette sortie était restée jusque-là plus que magique d'entre toutes celles que nous avions déjà faites. Nous étions encore enfermés dans cette bulle qui ne faisait que nous transporter d'émotion en émotion. Des rires aux aveux, des aveux aux sourires, et des sourires aux moments inoubliables. La magie flottait dans l'air, et même si personne d'autre à part nous ne pouvait la voir, nous savions pertinemment qu'elle était bel et bien là. Là, autour de nous, faisant voler des milliers d'étincelles dans nos yeux et des centaines de papillons dans nos ventres.

Nous étions à présent sortis, et nous nous contentions de marcher sans savoir où aller sous la lumière du jour. Le soleil brillait, et les arbres riaient avec leurs feuilles qui se frottaient sous la légère brise. Puis nous, nous ne savions pas nous définir. C'e fut une sensation toute nouvelle pour moi, jamais je n'avais ressenti autant de choses à la fois. Mon cœur était une arène, dans laquelle un nombre incalculable de sentiments se battaient. L'amour, l'amitié, l'émotion, la haine, l'incompréhension, la liberté, la légèreté, le bien-être, la peur, l'angoisse et tous ces mots pouvant qualifier les sentiments existants de ce monde.

« -Lucy ? M'interrompit Nate.

-Oui ? Lui répondis-je.

-Comment tu fais pour être aussi spéciale ? Me questionna-t-il tout en s'asseyant dans l'herbe, juste devant un petit lac.

Je l'imitai et réfléchis à sa question. Comment je faisais pour être spéciale ? C'était étrange comme question, parce qu'on ne choisit pas d'être différent. On l'est ou on ne l'est pas, ainsi va la vie et ses lois, nous ne pouvons pas les modifier. Alors pourquoi l'étais-je ?

-Ce que je veux dire, c'est comment c'est possible d'avoir des pensées aussi étranges et pourtant géniales sur le monde ? D'être différente par la pensée et par les agissements ? Ça m'intrigue tellement. Reprit-il.

-Je ne sais pas trop comment te répondre, à vrai dire. C'est comme si moi je te demandais comment on faisait pour penser comme les autres. Parce qu'on ne peut pas se forcer à croire quelque chose, quand on trouve ça stupide, on ne peut pas penser que c'est réel. Alors moi, toutes ces choses auxquelles tout le monde croit, je n'y crois pas. Parce que d'après les gens, les choses belles sont celles qui coûtent le plus cher. J'ai toujours remarqué que la population était attirée par le prix, et que plus ce dernier était élevé, mieux l'objet était. C'est pour ça que certains achètent la dernière cuisine hors de prix ou la paire de chaussures à cinq cent euros parce qu'elle a une semelle rouge en velours qui va pourtant être abîmée dès le lendemain. Mais ça coûte cher, alors c'est beau. Mais à mes yeux, les choses futiles sont tellement plus belles. Pourquoi ne ferait-on pas attention à une pâquerette dans l'herbe ? Ouais c'est banal, une pâquerette. Ouais c'est courant, une pâquerette. C'est ce que disent la majorité des gens. Alors pourquoi s'attarder sur une chose aussi inutile qu'une fleur ? Voilà ce qu'ils pensent. Mais une fleur, c'est beau ; une fleur, c'est le printemps, c'est un sourire, c'est un éclat. Et pourtant on leur livre tellement peu d'importance. On est dans une société où être normal, c'est aimer être riche. Avoir des chaussures et des vêtements de marques, la dernière palette de chez Chanel, le nouveau super piano de chez Yamaha, ou encore la super Oddi qui est sortie hier. Et pourtant il existe des choses tellement plus belles, tellement plus futiles qui ne valent même pas un sou. Regarder n'a pas de prix, les yeux nous sont donnés et c'est l'un des plus beaux cadeaux. Alors pourquoi ne regarde-t-on pas autour de nous ? Pourquoi on n'aimerait pas le soleil à sa juste valeur ? Pourquoi on négligerait les arbres qui nous donnent tant ? Pourquoi on ignorerait la beauté de la nature ? C'est stupide de passer à côté de ces magnifiques choses. Et même si je critique ce passage de la société, je sais très bien que j'en fais partie. On est tous dans des cages, emprisonnés dans l'univers des marques qui ne sont pourtant que de simples logos. Nous sommes programmés pour ça Nate, pour que nous soyons juste de simples moutons de la société. Et c'est ça la plus merveilleuse chose que j'ai appris de la vie. Qu'un simple brin d'herbe vaut dix fois plus d'or qu'une paire de chaussures ou qu'un vêtement. Alors être différent, penser autrement, ce n'est pas un choix. C'est une réflexion qu'il faut avoir. Qu'il faut comprendre. Parce qu'au fond, si tout le monde se ressemble, c'est que les gens fuient la différence. Ça leur fait peur. Alors je pense que si je suis comme je suis, c'est que quand j'ai été petite, j'ai essayé de voir la vie autrement que comme on me l'apprenait à l'école. Trouver que tout ce que le reste du monde trouve mauvais, beau. Aimer les nuages et la pluie, danser au beau milieu d'une foule informe dans la rue, crier haut et fort mes principes et ce que j'ai appris. Et surtout, ce qui fait la différence, c'est oser dénoncer. Dénoncer cette société qui fait de nous des robots. L'affronter et dire tout haut que les monstres sont beaux, et que ce qui vaut le plus cher n'est pas ce qui a un prix. Que c'est nos pensée et le monde qui nous entoure avec ces multiples merveilles. C'est ça qui différencie une personne. C'est ce qu'elle ose penser et dire ou non. Il faut vivre sans filtre, ici. Parce qu'on tombe dans des filets et après on est absorbés. Alors je ne réponds peut-être pas très clairement à ta question, mais c'est là la seule chose que je peux vraiment te dire, Nate.

ProgramméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant