chapitre 14

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Encore et toujours rêver de la même chose. Toutes les nuits, effectuer le même rêve, apercevoir son visage, imaginer le pire des scénarios possible. Penser que le monde est en train de changer alors qu'en réalité, il est toujours aussi sombre et répétitif. Ne pas croire en soi, avoir peur de ce qui va nous arriver, ne pas savoir de quoi sera fait demain, prévoir la défaite et même fort l'envisager. Ce fut ce que je ressentis à cet instant en particulier, dès que je respirais. Au moindre mouvement de ma poitrine, s'élevant de haut en bas pour laisser mon cœur battre, cette sensation me tiraillait et tentait de me transpercer. Malheureusement je n'avais aucune issue, parce qu'elle avait toujours été pour moi, plus qu'insurmontable : la peur.

La peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas atteindre mes objectifs. La peur de ne pas y arriver, de ne pas réussir à tout changer, de tout simplement échouer. Peur de tout, peur de moi, de mon côté sombre, de mon avenir mais surtout peur de le perdre lui. Comment imaginer un monde dans lequel je ne le verrai pas ? Certes, cet univers-là avait déjà existé, mais lui, je ne savais pas, qu'il était là. Et maintenant, à sa connaissance, s'il venait à s'envoler loin d'ici, qu'en adviendrait-il ?

Ce monde s'obstinait à haïr les gens, à créer entre eux ces sortes de guerres. Ces batailles où l'on se tire et se crache dessus, ces combats où l'on se tue sans pitié, sans regret. Des guerres sans issue, des cauchemars insurmontables, desquels les gens ressortent abîmés.

Pourquoi détester ? Quelle drôle de question n'est-ce pas ? Mais n'était-elle, ne serait-ce que d'un brin, pas bonne et cohérente ? Pourquoi aimions-nous détester les autres ? Mais surtout, pourquoi Lynsey en avait-elle autant après moi ? Pourquoi me haïssait-elle comme ça ? Car cette subite haine envers moi s'était développée d'un coup et d'un seul sans que je ne sache pourquoi, sans raison valable. Au fond, il était vrai que je ne l'appréciais pas mais ce sentiment venait sans doute du fait que jamais, elle n'avait cherché à me connaître et que tout de suite, sans crier garde, elle m'avait planté des couteaux dans le dos.

« Tu vois bien qu'elle n'est rien, que ce n'est qu'une simple humaine parmi tant d'autres. Une fille vide de sens ne pouvant s'inventer une vie seulement en faisant croire aux gens qu'elle est différente. Alors qu'en réalité, elle n'est rien, juste un mouton comme tous les autres. Une fille sans vie, essayant de s'en créer une dans laquelle elle essaye de se faire passer pour une super héros. Tu y crois toi ? Les sauveurs du monde n'existent que dans les films, et puis, pourquoi elle ? Pourquoi elle serait spéciale et les autres non ? Crois-moi, tu ne devrais pas trop t'en approcher, elle est nocive, elle est dangereuse, elle va te manipuler, faire de toi ce qu'elle veut. Ne deviens pas l'une de ses poupées, Nate. Viens plutôt avec moi, au moins tu me connais, et tu sais très bien que je ne te ferai jamais de mal. » Voilà ce qu'elle avait dit à Nate alors que moi, j'étais encore là, à disposition et les oreilles ouvertes à toutes écoutes.

Ce fut ainsi que la magie était retombée, qu'elle avait disparu aussi vite qu'elle était arrivée. À cet instant-là, je me sentis comme l'homme de verre dans Amélie Poulain, prête à me briser au moindre coup, au moindre impact. Parce qu'après cela, pensant que je ne savais rien de leur conversation, Nate s'était éclipsé, me disant qu'il avait des affaires importantes à régler, et qu'on se verrait plus tard, qu'il m'appellerait. Bien-sûr, je savais bien que ce n'était que des paroles en l'air, et que son appel, je pouvais l'attendre jusqu'à ce que je descende vers les enfers. Mais le jeu de rivalité était dangereux, et perdre était l'un des risques. Il semblait que jusqu'à là, je n'avais été qu'un simple amusement pour l'un et un facile obstacle pour l'autre.

Maintenant tout était fini, j'allais garder mes pensées pour moi et comme avant, j'allai me promener le soir pour observer chacun des détails de l'univers. Mais à ce moment, j'étais encore là, en face du lac, allongée dans l'herbe, la tête levée vers les étoiles ; et dans cette position, je songeais. Je réfléchissais et me repassais en boucle les paroles de Nate. Mais quelles affaires ? Il était parti avec Lynsey qui elle, m'avait regardée triomphante. C'est vrai que ça, c'était une belle affaire ; et comme si le ciel éprouvait la même tristesse que moi, il se mit à pleuvoir. L'eau froide s'abattit sur mon visage, se mélangeant à mes pleurs chauds qui dévalaient le long de mes joues.

ProgramméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant