chapitre 9

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Nous étions restés dehors toute la journée, mangeant des barbes-à-papa par-ci, des bonbons par-là. Une fois que nous eûmes vu le soir et la nuit tomber sur notre ville, nous nous précipitâmes près d'un lac pour nous allonger et regarder les étoiles briller. La nuit était belle, mais étrangement, vue d'ici, de cet endroit bercé par le doux son de l'eau qui s'agite, elle était encore plus magnifique et semblait tout particulièrement magique. Le ciel se reflétait dans l'eau, créant des sortes de milliers de lanternes, et dedans, dans cette transparence sans faille, nous nous vîmes également. Deux adolescents, au bord d'un lac, l'une un bras sur l'épaule, l'autre un bras dans le dos ; deux personnes qui vue d'un peu plus loin étaient belles, elles aussi.

Nous avions certes loupé une journée de cours, mais l'avoir séché m'avait fait le plus grand bien. Parce que je venais de vivre là, l'une des meilleures journées de ma vie. Au milieu des rires, des blagues pas spécialement drôles de mon compagnon, des gens qui passèrent dans la rue l'air de rien : nous fûmes tellement libres. C'était l'une des premières fois que je me sentis vivre en journée, que je me sentis totalement moi, Lucy Hudson ; et à mon goût, il n'y avait rien de plus magique que quelqu'un qui savait comment me faire devenir celle que j'étais. Puis, au fond, ce n'était pas grave, en absence de certificat, je dirais que j'avais chuté dans mes escaliers et comme preuve, je leur montrerais les blessures que je m'étais faites le premier soir.

Alors, nous étions là, le regard rivé vers le ciel sous l'habituelle pluie de pétales de cerisier. Nous étions presque seuls, personne ne prêta attention à nous et nous avions l'impression d'être invisibles et invincibles. C'était doux comme sensation, avoir l'impression que rien ne pouvait nous toucher ni nous blesser. C'était tellement agréable, que j'aurais aimé rester là des années, voir des décennies sans même bouger ou respirer. Juste être là, l'air de rien, à fixer le ciel et à écouter la vie s'endormir. Seulement, rien n'est éternel et tout a une fin, même les petites bulles qui nous englobent lors de nos moments de bonheur. Une personne cria et une voix appela Nate, nous faisant sursauter et éclater la bulle dans laquelle nous étions. Nous nous détachâmes et nous retournâmes vers la provenance du son.

« -Nate, tu es là ! Je te cherchais mais tu n'étais pas là-bas alors je suis venue et tu es là !

C'était Lynsey qui était là toute pimpante, les yeux brillants et malicieux à la fois. Elle était contente d'être là pour pouvoir m'enlever ce qui me rendait heureuse, et elle savait atrocement bien comment faire. Nate lui sourit légèrement et nous nous levâmes.

-Salut, Lynsey. Répondit-il poliment.

-Qu'est-ce que tu fais là ? Le questionna-t-elle comme si elle ne le savait pas.

-J'observe le monde. Expliqua-t-il en haussant les épaules.

-Oh Nate ! Tu es tellement poétique !

Elle me tapait sur le système. Une fois qu'elle eut fini de s'exclamer sur mon partenaire de la journée, elle se retourna vers moi pour m'adresser une question d'un air hautain :

-Tiens Lucy, tu n'étais pas en cours aujourd'hui. Pourtant tu as l'air en forme, non ?

Elle sourit malicieusement, et dans un soupir, je lui souris en guise de réponse. Je m'approchai ensuite d'eux et chuchotai doucement à l'oreille de Nate :

-Je vous laisse.

Elle n'avait pas entendu, ce qui l'énerva. D'un côté, j'avais parlé bas pour ne pas qu'elle sache qu'elle avait gagné mais aussi pour la titiller. Elle s'amusait bien à pourrir mes soirées, alors pourquoi ne pas jouer aussi ? Après tout, je ne lui devais rien. Puis, avant de commencer mon chemin, je posai doucement un baiser sur la joue du rose. La blonde me fusilla du regard et je lui offris mon plus grand et plus beau sourire, non pas en signe de victoire, mais comme pour lui dire qu'elle ne m'empêcherait pas d'être ami avec lui.

ProgramméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant